VII 12 - La récré

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Et puis, d'abord, j'en avais marre, moi, à la fin, que mes rêves me conduisissent tout le temps dans une cour d'école ! Comme si je n'y étais pas déjà assez dans la journée...

D'un autre côté, l'ambiance de la cour de l'école des garçons était peut-être mieux que celle de l'école des filles. J'aurais peut-être mieux aimé l'école si j'avais été un garçon ; parce que l'ambiance de la cour de récréation de l'école des filles, elle était vraiment nulle.

Quand, à l'âge de six ans, j'entrai au cours préparatoire, je croyais que j'allais me faire des copines à la récré. J'aurais voulu me mêler aux autres filles de l'école dès le jour de la rentrée mais cela me fut impossible parce que... j'avais... un gros chagrin. Il fallut que je me misse à l'écart quelques jours pour méditer.

Quand je revins au milieu des autres, elles étaient devenues bizarres.

D'abord, j'allai au-devant d'une fille, je lui parlai gentiment mais elle m'interrompit en disant sèchement :

« Va-t'en ! T'es pas ma copine. »

Je lui fis remarquer que pour être sa copine, il fallait faire la démarche de le devenir et que c'était précisément ce que je venais faire mais elle me chassa.

Comme j'étais grande pour être à la grande école, je réussis à me retenir de pleurer. Sans doute étais-je tombée sur la fille la plus méchante de l'école, peut-être même la plus méchante du monde. Tant pis ! Je m'en allai d'elle.

Aussitôt, je rencontrai une autre fille et lui adressai la parole gentiment.

Aussitôt, cette deuxième fille me répondit sèchement :

« Va-t'en ! T'es pas ma copine. »

La similitude de comportement entre les deux filles me fit très peur : on aurait dit une scène de cauchemar. Essayant de me raccrocher à la raison (bien que n'en ayant pas l'âge), je lui demandai :

« Qu'est-ce que je dois faire pour devenir ta copine ? »

Elle me montra une autre fille qui était à côté d'elle et me dit d'un ton méchant :

« J'ai déjà ma copine. Va-t'en ! »

Je trouvais son argument stupide : une copine, ce n'est pas comme un mari. Le fait d'être amie avec quelqu'un ne suppose pas que l'on refuse l'amitié de quelqu'un d'autre. C'est ce que j'essayai de lui expliquer mais elle me poussa pour me chasser.

Comme j'étais grande pour être à la grande école, je réussis à ne pas pleurer. J'étais convaincue que ça allait bientôt se passer mieux.

Je marchai, traversai la cour pour m'éloigner de cette folie. Arrivée là, j'allai au-devant d'une fille et lui adressai gentiment la parole. Elle me répondit sèchement :

« Va-t'en ! T'es pas ma copine. »

Je ne répondis rien du tout. Épouvantée, je me terrai dans un petit coin et pleurai.

Que toutes les filles de l'école fussent unanimement méchantes et hostiles à mon égard, c'était une chose. Tant pis ! Je pouvais me disposer à ne venir à l'école que pour apprendre à lire et à écrire, sans parler à personne. Après, on ne me verrait plus. Tans pis !

Ce qui était vraiment terrifiant, c'était que toutes les filles eussent réagi exactement pareil ; avec les mêmes mots, la même agressivité dans la voix, la même grimace au visage et ce, sans s'être concertées. Tous azimuts, je m'étais heurtée à la même absurdité.

L'école, c'est comme un cauchemar onirique ; sauf qu'on ne peut pas se réveiller.

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant