VI 12 - La raison de notre présence

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Effectivement, au bout d'un an, je savais lire et écrire. Ouf ! Plus besoin de subir l'école. J'étais capable d'ouvrir des livres et de découvrir la connaissance, à ma guise, toute seule dans ma chambre.

On me força à retourner à l'école quand même. C'était à vomir.

Ils appelaient ça le CE1.

Le jour de la rentrée, nous fûmes accueillies pas la maîtresse de cette classe. C'était une jeune fille brune avec plein de points de rousseur (il y avait aussi une deuxième classe de CE1 parce que toutes les filles qui avaient fait le cours préparatoire dans cette école avaient été, comme moi, condamnées à revenir).

À titre d'entrée en matière, la maîtresse nous proposa, nous dit-elle, un sujet de réflexion à développer ensemble. Le thème était le suivant : pourquoi est-ce qu'on vient à l'école ?

Ayant longuement cogité sur la question avant de venir, je fus la première à lever le doigt et à être interrogée :

« Parce qu'on est obligé. »

expliquai-je.

Aussitôt, elle rejeta dédaigneusement :

« Non. C'est pas ça. »

M'enfin ! Elle sait ce que ça veut dire, réfléchir, ou quoi ?

Déjà que je n'avais aucune envie d'être là et que je n'avais rien à y faire ; alors, je n'étais vraiment pas disposée à supporter, en plus, un comportement aussi malpoli et inintelligent que celui de cette bonne femme à points de rousseurs.

Je levai le doigt pour argumenter mais, déjà, elle s'était détournée de moi et interrogea quelqu'un d'autre. Elle ne se montra guère plus perspicace avec la nouvelle proposition qu'elle reçut et interrogea quelqu'un d'autre... et encore quelqu'un d'autre...

Telle une girouette, je la vis glaner et rejeter systématiquement tous les éléments de réflexion que nous lui proposions, sans jamais prendre le temps, sans jamais nous laisser le temps d'en analyser aucun. Son comportement rendait caduque toute tentative de réflexion en l'occurrence.

Alors, déjà qu'on m'obligeait à retourner perdre mon temps et mes dons innés dans une école qui n'avait plus rien à m'apporter mais, en plus, on me refourguait une maîtresse idiote et suffisante avec des points de rousseur. Y en a marre, à la fin !

Oui, bon, d'accord : il faut être poli et bien élevé avec les grandes personnes parce qu'elles croient que tout ce qu'elles font, c'est pour notre bien... mais y en a marre, à la fin !

En plus, les réponses des filles étaient tout à fait pertinentes ; différentes de la mienne - certes - divergentes les unes des autres mais cohérentes, réfléchies.

En plus, qu'est-ce qu'elle en savait, elle ? Elle ne nous connaissait même pas !

« Elle nous rencontre pour la première fois de sa vie, elle nous demande pourquoi on est là ; on lui explique et elle répond : " nan, c'est pas ça ". C'est une timbrée ! »

me disais-je en moi-même au moment où la parole fut donnée à une tricheuse.

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant