VI 1 - La famille de l'amour

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En principe, la famille comprend les frères et sœurs, les parents, les grands-parents, les oncles et tantes, les cousins et cousines, les grands-oncles et grands-tantes... un petit monde, en somme. En principe, la famille devrait constituer une tribu, fonder un hameau ; éventuellement s'agrandir, devenir un village...

J'aurais bien aimé qu'il en fût ainsi. J'aurais voulu grandir dans un petit pays qui aurait porté mon nom de famille et dont tous les habitants auraient été unis entre eux par le même amour familial. Tous m'auraient connue et aimée comme je les ai aimés.

Bien sûr, un jour, je serais partie en voyage pour visiter d'autres hameaux, rencontrer d'autres gens, découvrir d'autres façons de vivre, échanger des connaissances, lier amitié, trouver un amoureux. Je serais partie en laissant derrière moi mon noyau familial, avec la ferme intention de revenir, un jour, les bras chargés de cadeaux. Oh ! Je n'aurais oublié personne. Tout au long de mon chemin, j'aurais porté dans mon cœur chaque membre de ma famille, aussi étendue pût-elle être...

Hélas, il n'existe aucun hameau portant mon nom, aucun noyau familial groupé. Les grandes personnes préfèrent le chacun-chez-soi, le chacun-pour-soi.

Du coup, ma famille, c'était seulement Papa, Maman, Caki, Nani et moi. C'est dommage ! Ils avaient beau être gentils et pleins de bonnes intentions, ils ne pouvaient pas, à eux seuls, m'apporter tout ce dont j'avais besoin. Ils n'étaient pas assez nombreux.

Si un enfant ne grandit en compagnie que d'un seul adulte, il ne connaîtra pas la contradiction. Il tiendra pour vérité absolue tout ce que cet adulte lui dira ; il calquera ses pensées sur le modèle qu'il aura devant lui ; il deviendra la réplique exacte de son précepteur.

Dans le hameau de mes rêves, j'aurais été libre de rencontrer plein de monde, adultes et enfants ; qui j'aurais voulu, quand j'aurais voulu (et réciproquement). Mes affinités, mes jeux, mes centres d'intérêt, mes promesses et mes aspirations auraient guidé mes pas jour après jour.

Pour forger mes connaissances, mes opinions et mes comportements, il m'aurait été souhaitable de pouvoir les glaner auprès d'un grand nombre de personnes, d'entendre toute une gamme de sons de cloche ; peser, choisir, comparer...

C'était pour compenser ce manque qu'il fallait que j'allasse à l'école. Tu parles d'une compensation ! 

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant