Suite à cela, il se produisit un truc bizarre, un truc que je ne voulais pas mettre dans mon livre parce que j'en éprouvais de la honte. Aujourd'hui, encore, j'ai honte et j'apprécierais de pouvoir taire cet épisode. Cependant, je me rends bien compte de la nécessité d'en faire l'aveu. Tel est le prix à payer pour prétendre transmettre un témoignage valeureux.
Alors, voilà. C'était juste au lendemain de ce que je viens de raconter. Nous étions sorties de la classe pour aller en récréation, nous enfilions nos manteaux et nous mettions en rang.
Il y avait Laurence. Elle était belle, avec ses petites joues toutes roses.
Bon, moi, je suis une fille. Ça ne m'intéressait pas, en principe, de savoir si Laurence était belle avec ses petites joues toutes roses. Je m'en fichais. Si, la veille, je l'avais vue ainsi, ce n'était que dans la mesure où la maîtresse nous avait proposé un sujet d'étude portant sur l'amour des garçons. J'avais pensé aux garçons, à l'amour et, ce faisant, j'avais vu Laurence comme un amoureux aurait pu la voir.
Jusqu'à ce jour, je ne l'avais jamais regardée qu'avec mes yeux de fille. Alors, ses joues, je n'en avais jamais rien eu à fiche, aussi roses fussent-elles. Mais là, je gardais le souvenir de cette vision, de cette caresse. Malgré moi, mon regard était attiré par son petit visage si fin, si gracieux. Sa petite joue toute douce, j'avais envie de la toucher.
C'était complètement idiot. Je ne suis pas un garçon. Si, la veille, j'avais fait le geste de l'amoureux, c'était pour transmettre son message ; c'était pour dire à Laurence : « les garçons t'aiment comme ça ». Mais ça, c'était la veille. C'était fini, ça, en principe.
Cette fois, j'avais envie de refaire le geste pour moi-même, comme pour me substituer à l'amoureux ; lui voler sa place, en somme.
Il ne fallait pas que je fisse le geste. C'était mal. La veille, quand je l'avais fait, c'était beau. Cette fois, si je le refaisais, c'était moche. Je le savais.
Néanmoins, tandis que je marchais derrière elle, dans le rang, je n'arrivais pas à détacher mon regard de sa petite joue toute douce. Il fallait que je la touchasse.
« Juste une fois. »
J'en éprouvais un désir irrésistible.
« Une caresse, c'est gentil. »
Je savais bien que ces prétextes qui me venaient à l'esprit étaient de mauvaise foi, comme un diable qui parlait à mon oreille mais il fallait que je le fisse, juste une fois. Je ne pouvais pas m'en empêcher.
Je tendis mon bras vers Laurence et posai ma main sur sa joue.
Elle tourna la tête vers moi et, comme la veille, me questionna du regard. Seulement, cette fois-ci, je ne lui donnai aucune explication. Je la regardai droit dans les yeux. Je sentis que mon regard était sale, arrogant. Laurence détourna le sien et continua à marcher dans le rang, comme si rien ne s'était passé.
« J'le f'rai pus ! »
me dis-je.
D'ailleurs, je n'en avais plus la moindre envie. Son visage m'était redevenu totalement indifférent.
Qu'est-ce qui m'était donc passé par la tête, d'un coup ? Honte !
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DATE ET LIEU DE NAISSANCE
Non-FictionPremière partie de : SEX AND DESTROY Un nouveau son rock ?