X 11 - Le retour des grands

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Le problème, c'est que ma mère ne m'accordait le droit de faire du vélo toute seule que dans les Castors parce qu'ailleurs, il y avait la grande route, c'était dangereux. Seulement, les Castors, c'était le quartier de Françoise et Muriel. Si j'y allais, Muriel me cherchait querelle. Du coup, je ne faisais pas de vélo du tout.

Ce que voyant, ma mère disait :

« Quand Caki et Nani s'ront r'venus d'leurs séjours, ils t'emmèneront faire des grandes balades en vélo. »

Comme quand j'étais petite, en somme.

Caki étant parti, à peu près, du 1er au 20 juillet et Nani du 15 au 31, ça ne me laissait pas longtemps toute seule.

Cependant, quand Caki revint d'Allemagne, il ne manifesta pas un empressement particulier à s'occuper de sa petite sœur. Il restait enfermé dans sa chambre la plupart du temps.

Tous les matins, il en descendait en rouspétant :

« Et encore une journée à passer chez les bouseux. Tu parles de vacances ! Y a rien à faire, dans c'bled paumé. »

Au début, ça ne m'inquiétait pas tellement. Depuis plusieurs mois, Caki, il fallait tout le temps qu'il râlât après les parents, pour tout et n'importe quoi, mais il finissait toujours par prendre son parti de la situation.

Et puis, moi, c'est vrai que j'étais petite, par rapport à lui. Nous avons onze ans d'écart. Nous n'avions pas les mêmes distractions, forcément. Encore, moi, j'étais habituée à jouer tout le temps toute seule. Donc, je ne m'ennuyais pas mais lui, il avait grandi avec Nani : ils n'ont qu'un an de différence. Du coup, quand elle n'était pas là, ça lui faisait un vide.

Nani, les premières semaines de juillet, quand elle était là et pas Caki, elle était de bonne humeur. Nous comptâmes donc sur son retour pour qu'elle entraînât Caki à ne plus être morose.

Il se produisit exactement l'inverse.

Caki, comme tous les matins, descendit de sa chambre en rouspétant :

« Et encore une journée à passer chez les bouseux. Tu parles de vacances ! Y a rien à faire, dans c'bled paumé. »

Comme tous les matins, Maman n'y prêta pas la moindre attention.

C'est alors que s'ajouta la voix de Nani :

« C'est vrai, quoi ! Cesson, c'était bien quand on était petits. Maintenant, on s'ennuie. Tous nos copains et copines sont ensemble à Courbevoie et nous... »

La voix de Maman retentit de la cuisine :

« Vous pouvez pas penser un peu à Angélique, non ! Ça lui fait du bien, d'être à Cesson. »

Les regards de mon grand frère et de ma grande sœur se baissèrent vers moi. Mon Caki, qui m'aimait très fort, ne voulait pas que la discorde retombât sur moi. Il lança à Maman ironiquement :

« Ah ? C'est Angélique qui sert de prétexte ! »

Nani, plus conciliante, prit sa petite voix gentille pour répondre à Maman :

« Ben si mais, en principe, les vacances, ça devrait être pour tout le monde. »

Là, je sentis le vent tourner. 

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant