IX 11 - Dialogue dans la nuit

5 1 0
                                    


« Parce que si je me réveille et que je surprends le méchant, il va me tuer pour m'empêcher de témoigner.

- Quel méchant ?

- Le cambrioleur. »

C'était moi toute seule qui me parlais dans ma tête mais le fait de dialoguer, en moi-même, par le jeu de questions-réponses, m'aidait à y voir plus clair.

« Y a un cambrioleur, dans ta chambre ?

- Je sais pas. P'têt.

- Pourquoi y en aurait un ?

- J'ai peur.

- C'était un cauchemar.

- Mais j'ai encore peur.

- Un monstre de cauchemar, ça peut pas exister pour de vrai ?

- Mais p'têt qu'un cambrioleur est entré pendant mon cauchemar.

- Ah ! oui : la porte de l'appartement qui était entr'ouverte...

- C'était dans le cauchemar... j'crois.

- C'est un bruit dans la chambre qui t'a réveillée ?

- Nan, c'est le cauchemar qui m'a réveillée.

- Pas de bruit ?

- Nan, y a eu aucun bruit, dans ma chambre.

- Alors, qu'est-ce qui pourrait te faire dire qu'y a un cambrioleur, dans ta chambre ?

- J'sens sa présence.

- Comme quand Caki se cache derrière une porte pour te faire sursauter ? »

Il était casse-pieds, pour ça, mon grand frère : il n'arrêtait pas de me faire cette blague à la noix : il se cachait derrière une porte et, quand je passais, il bondissait devant moi en faisant « hou ! » À chaque fois, ça me faisait sursauter. J'aurais bien aimé le prévoir, arriver à deviner sa présence pour ne pas me laisser surprendre mais j'en étais incapable. Tant que je ne l'avais ni vu ni entendu, il pouvait être juste à côté de moi, séparé par une simple porte, je ne me doutais pas du tout de sa présence.

« Est-ce que ta peur ressemble à celle que tu éprouverais si Caki était caché pour te faire " hou " ?

- Nan, elle ressemble à ce que j'éprouvais quand la petite vieille avait disparu, que j'étais toute seule sur le palier du premier et que je sentais la présence du monstre derrière chaque mur, prêt à surgir devant moi. »

Je n'étais pas sûre parce que j'étais petite et que j'avais peut-être fait une erreur de raisonnement mais, à force de tourner et retourner ces notions dans ma tête, je finis par admettre pour certain qu'il n'y avait aucun danger réel, que j'étais seulement en proie à mon cauchemar.

Cependant, je n'en restais pas moins pétrifiée de terreur, immobile, sur le dos, sentant la transpiration s'accumuler sous ma tête. Le tic-tac incessant du carillon m'indiquait que je n'étais pas en train de vivre un arrêt sur image, que le temps s'écoulait bel et bien. Sa sonnerie, tous les quarts d'heure, semblait me narguer :

« Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu dors pas ? Tu es malade ? Ha ! Ha ! Ha ! »

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant