Je sortis en hâte, un peu contrariée de devoir me précipiter pour rejoindre les autres mais, en arrivant dans le couloir, je m'aperçus qu'en fait, elles n'étaient pas si prêtes que ça. Il faut dire que, pour sortir de la classe, tout le monde devait s'engager par une seule et même porte ; alors, ça n'allait pas très vite. En plus, une fois dans le couloir, tant que la maîtresse n'y était pas, la plupart des filles avaient tendance à traîner et à papoter chacune avec sa copine. Résultat : quand j'arrivai, peu de manteaux étaient mis et je pus tout à mon aise enfiler le mien, remonter la fermeture éclair... et constater que je n'étais pas la dernière.
Une fille était restée à rêvasser près des porte-manteaux, au lieu de se dépêcher de rejoindre le rang. Elle ne voyait même pas que la maîtresse était déjà sortie de la classe et nous attendait pour nous mener en récréation. Pourtant, cette fille, il me semblait qu'elle était plutôt bonne élève, en principe ; calme, consciencieuse et ordonnée.
Perdue dans ses pensées, elle désobéissait sans s'en rendre compte et moi, curieuse, je restais là à l'observer. Était-ce le thème de la chanson qui lui donnait cet air si troublé ? J'en avais bien l'impression.
En plus, j'étais la mieux placée pour comprendre parce qu'à l'automne, j'avais été la première à dire que j'aimais les garçons, lorsque les autres faisaient leurs mijaurées, feignant d'avoir peur d'eux.
J'étais la mieux placée pour la comprendre et elle, elle avait l'air si triste avec son petit visage tout fin entouré de cheveux bruns et raides coupés au carré, et ses petites joues toutes roses ; si triste que si le garçon aux cheveux blonds et bouclés l'avait vue ainsi, sûr qu'il serait venu poser tendrement la main sur sa petite joue toute rose. Ça aussi, j'étais la mieux placée pour le comprendre...
D'un coup, mon cœur se gonfla. J'eus envie de pleurer, de bousculer cette brune aux cheveux raides qui restait à rêvasser bêtement près des porte-manteaux, au lieu de se dépêcher de rejoindre le rang, et de lui crier :
« Qu'est-ce qui t'arrive ? T'as pas tes parents, pour t'aimer ? »
parce que, dans mes rêves, le garçon aux cheveux blonds et bouclés, c'était mon amoureux à moi.
Ben oui, peut-être bien que si l'école avait été mixte, Camille serait venu, devant mes yeux, poser tendrement sa main sur la petite joue toute rose de la fille brune aux grands yeux tristes. Et moi, je me serais cachée pour pleurer.
Ou bien, plus simplement, peut-être aurais-je vu n'importe quel garçon faire le geste d'amour à n'importe quelle fille tandis que moi, pauvre idiote, je n'aurais pas eu d'amoureux.
« Eh ben heureusement qu'ils sont pas là, les garçons ! »
me dis-je en moi-même.
Tant de fois, pourtant, j'avais déploré que nous fussions séparées d'eux !
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DATE ET LIEU DE NAISSANCE
Non-FictionPremière partie de : SEX AND DESTROY Un nouveau son rock ?