- Aussi, depuis que j'me suis dit qu'c'est pas Camille, le rêve, il a changé.
- Ah ? Tu n'arrives pas à faire le rêve de Camille sans Camille ? Tu penses pas qu'c'est un signe ?
- Mais non ! Enfin... si, c'est un signe... que c'est pas Camille.
- Mais si tu dis...
- Attends ! Écoute-moi !
- Oui, je t'écoute.
- J'chais pas comment t'expliquer. Pour se sentir vraiment exister, il faut être seul.
- Alors là, tu t'opposes au subjectivisme.
- Quèsaco ?
- C'est une doctrine selon laquelle on n'existe qu'au travers du regard des autres.
- Ben ! c'est stupide. On n'est pas des poupées.
- Pourquoi tu compares à des poupées ?
- Parce qu'une poupée, quand je joue avec, j'imagine qu'elle me parle et ça me donne l'impression qu'elle existe pour de vrai. Par contre, si je la pose dans un coin et que je la reprends plusieurs jours après, j'arrive pas à imaginer qu'elle me raconte ce qu'elle a fait en mon absence. Même avec la meilleure volonté du monde, j'imagine rien du tout. Du coup, j'ai fini par me dire que les poupées, quand on joue pas avec, elles dorment dans le sommeil de l'inexistence.
- Le sommeil de l'inexistence ? C'est beau !
- Par contre, moi, si on me laisse toute seule dans ma chambre sans me regarder, je continue à exister toute seule. Ça, j'en suis sûre et j'existe même encore plus que si on me regardait.
- Pourquoi plus ?
- Parce que j'fais des trucs que j'ferais pas si on me regardait.
- Pourquoi ? Quels trucs ? C'est des bêtises ?
- Ben non ! si j'avais envie d'faire des bêtises, j'les ferais pas quand chuis toute seule : sinon, y aurait personne pour m'aider à réparer.
- Alors, qu'est-ce que c'est, ces trucs que tu fais quand t'es toute seule ?
- Ben, j'vais pas t'le dire puisque c'est moi toute seule qu'ai le droit de voir.
- Bon, d'accord, si tu me dis que c'est pas des bêtises, j'insiste pas.
- C'est pas des bêtises, c'est des trucs que pour moi. C'est comme si y a un invité à la maison. Quand il s'en va, l'ambiance change parce qu'on se retrouve entre nous. Quand on est entre nous, on s'comporte pas pareil que si y a du monde à la maison. Pourtant, c'est pas des bêtises, on fait rien de mal. C'est simplement nous : c'est les familiarités, l'intimité. Alors, s'il y avait tout le temps des étrangers qui nous regardaient, ces familiarités, elles existeraient pas. On imaginerait même pas qu'elles puissent exister, on saurait pas. La famille, elle existerait moins si elle était regardée plus. C'est pour ça que je dis : plus on nous regarde, moins on existe.
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DATE ET LIEU DE NAISSANCE
Non-FictionPremière partie de : SEX AND DESTROY Un nouveau son rock ?