X 22 - Ça sent la fin

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Dans le sous-sol silencieux, au milieu de Caki et Nani, je sentis tomber la fraîcheur du soir. Caki me regarda en rigolant mollement, genre :

« Ben dis donc ! ta copine...

- Quoi ?... Qu'est-ce qui va s'passer, maintenant ?

- Ça y est, on va rentrer, répondit Nani. On attend Catherine et Bernard pour leur dire au revoir...

- Mais non ! protestai-je. Françoise va bien finir par se calmer.

- Bah... il est tard, de toute façon...

- Et moi, alors ? J'croyais qu'il allait se passer quelque chose qui prouverait qu'chuis une vraie rockeuse.

- Qu'est-ce que tu voudrais qui s'passe ?

- Je sais pas. C'est toi qu'avais dit !

- Écoute : on attend Catherine et Bernard. On verra bien quand ils redescendront mais, apparemment, la soirée est terminée. Tu vois bien. J'peux rien te dire de plus. »

conclut Nani.

Tout cela ne me disait rien de bon. Nani, c'était ma grande sœur adorée. Elle était gentille mais je me méfiais de ses piques déguisés en cœurs. Me garder petite était pour elle un moyen de s'émanciper sans perdre son enfance.

À ce propos, il ne t'aura sans doute pas échappé que j'appelais mes grands frère et soeur par les surnoms respectifs Caki et Nani et, bien que je retranscrive ici fidèlement cette réalité, il faut savoir que ce n'était absolument pas un choix de ma part. Au sein de ma famille, il m'était tout simplement interdit de dire Christian et Mireille à la place de Caki et Nani, au même titre qu'il m'était interdit de dire Raymond et Monique à la place de Papa et Maman. Cela m'était interdit par ma mère, à la demande de ma grande sœur qui ne se sentait pas prête.

Pour la petite histoire, Caki et Nani étaient les premiers mots que j'avais prononcés, étant bébé, pour désigner mon grand frère et ma grande sœur.

Revenons au sous-sol de chez ma copine Françoise ! Au début de la soirée, on a vu Nani toute guillerette, grisée par la fête, qui disait ce qui lui passait par la tête pour s'amuser. Superficielle, Elle s'était servie de moi pour jouer la carte du rock n roll mais, maintenant, je la voyais sur le point de me faire le coup, genre :

« C'est fini, y a pus d'rock n roll. On rentre à la maison. »

C'est un bébé qu'elle voulait ramener à la maison, pas une rockeuse.

Pour moi, il ne fallait pas que le rock n roll disparût. Pourquoi ? Quel rôle jouait-il donc dans ma vie pour que je lui accordasse pareille importance ? Difficile à dire, tout aussi mystérieux que les mots de Bernard visant à le faire disparaître, que le fait qu'il déclenchait chez ses fans des crises d'hystérie telles que Françoise venait de faire (preuve qu'il était présent, ce soir, au milieu de nous), qu'il existait parce que... parce que... les vrais rockeurs... eh bien...

« Dis-moi ce que je dois faire pour être une vraie rockeuse. Sinon tu seras pus jamais Nani »

dis-je en tapant du pied.

« Ben dis donc. si t'es pas sage, on t'emmènera pus »

coupa Caki en prenant sa grosse voix.

Tsss ! la grosse voix de Caki, elle n'aurait pas fait trembler la flamme d'une bougie.

« Comment veux-tu que j'te l'dise ? Nani, c'est pas une rockeuse. Il y a qu'un vrai rockeur qui peut savoir c'qu'y faut faire pour être un vrai rockeur »

répondit Nani sur un ton tristounet assorti d'un petit sourire énigmatique.

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant