II 2 - Parle pour toi !

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C'est comme quand ma mère me forçait à manger sa soupe. Elle me mettait la cuillère de force dans la bouche en me disant :

« Allez ! Mange ! C'est bon. »

Moi, je ne l'ai jamais crue : elle avait beau me dire que c'était bon, mes papilles m'indiquaient formellement que c'était mauvais.

Je lui disais toujours:

« Les gens qui parlent à la radio, je ne les connais pas. Ce dont " j'ai " besoin, c'est de dont " j'éprouve " le besoin. »

Il se trouva précisément qu'en ces temps-là, à la radio, des gens parlèrent de plus en plus en faveur de l'avortement.

Bien entendu, nul n'aurait pu convaincre ma mère de faire pratiquer un avortement sur elle-même. Si les gens qui parlent à la radio avaient suggéré aux femmes et mères de se faire avorter, ils n'auraient pas eu le moindre succès.

« Non. Pas vous, mesdames. Vos filles, faites avorter vos filles ! »

A priori, cette proposition ne vaut guère mieux et suscite chez l'auditeur un rejet qui devrait être définitif. Cependant, le principe des médias est de ne tenir aucun compte des réactions humaines que ne vont pas dans le sens de son propos.

C'est ainsi que, jour après jour, ils répétèrent tranquillement la même abomination dans un monologue totalitaire et absolu, jusqu'à ce que l'auditeur, à moitié résigné, réclamât des arguments convaincants.

À ce moment précis, l'orateur abaissa ses atouts en s'exclamant :

« Belote !... »

Ils basèrent leur argumentation sur le « mur » qui sépare les générations :

« Les enfants de maintenant n'ont pas les mêmes jeux qu'autrefois, les mêmes besoins, les mêmes aspirations. Si on ne les laisse pas aller dans le sens de l'évolution, on les étouffe. Pour qu'ils puissent s'épanouir, il faut les laisser vivre avec leur temps. »

Nous, enfants de ma génération, qui n'avions que neuf ans, ne sachant pas ce qui se tramait sur notre dos, ne pouvions ni nous en défendre, ni même nous y préparer ; tandis que nos parents, s'évertuant à être de bons parents, s'entraînèrent à leur insu à voir en nous des petits dévergondés sans âme qui réclamerions les délices de l'avortement à un âge où eux-mêmes jouaient encore à la marelle et au cerceau.

« ...et re ! »

Pour dissiper tout éventuel scrupule, les gens qui, à la radio, parlaient en faveur de l'avortement, mirent l'accent sur le fait que les avancées de la science permettaient désormais des avortements sans danger pour la mère.

Il est exact que l'avortement est une opération sans danger lorsqu'il est pratiqué sur un animal non-pensant. Par contre, s'il est pratiqué sur une personne humaine, sa disposition d'esprit est tout à fait déterminante. Une fille qui a le sentiment de se faire extraire une tumeur préjudiciable ne réagira pas pareil qu'une fille qui a le sentiment de se faire violer par la mort ; même si, aux yeux du médecin opérant, les deux avortements sont identiques.

En tout état de cause, tout adulte qui prétend énoncer ce dont les enfants ont besoin est un menteur. Au mieux, on peut dire :

« Moi, quand j'étais enfant, j'avais besoin de... »

ou

« J'avais besoin que... »

Je me souviens qu'autrefois, les enfants de mon âge disaient toujours :

« Il ne faut pas prendre son cas pour une généralité. »

Ils avaient raison.

Qui plus est, à partir du moment où je suis enceinte, ce n'est plus moi, l'enfant mais l'être que je porte dans mon ventre. Qui osera me dire que cet enfant éprouve le besoin d'être jeté à la mort ? Qui se soucie des besoins de mon enfant ?

Ceux qui parlent en faveur de l'avortement, c'est leurs mères qui auraient dû se faire avorter. J'ai pas raison ?

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant