X 16 - Et nous, comme on est petites...

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Pétillante, Françoise serra ma main dans la sienne en s'exclamant :

« Si tes frère et sœur étaient amis avec mes frère et sœur, comme ys sont grands, ys organiseraient des sorties ensemble et nous, comme on est p'tites, ys nous emmèneraient avec eux... et ça, ça f'rait bien les pieds à la Muriel.

- Mais non, j'disais pas ça pour ça. D'façon, ys sont pas amis. Ça s'commande pas.

- T'inquiète ! Laisse-moi faire ! J'en parlerai ce soir à Catherine et Bernard. Chuis sûre qu'ys s'ront d'accord. »

Effectivement, le lendemain soir, Caki et Nani étaient invités chez Françoise à sept heures pour prendre l'apéro avec Catherine sa grande sœur et Bernard son grand frère.

« Il est pas question que je mette les pieds chez ces bouseux, affirma Caki.

- Oh ! Tu vas pas commencer à faire des histoires, gronda Maman. C'est pour Angélique. Elle a cru bien faire.

- J'm'étais dit qu'si vous aviez des copains et des copines à Cesson, vous vous ennuieriez pus, expliquai-je.

- T'es bien gentille, ma p'tite Doudoune, répondit Nani mais nous, c'est nos copains et nos copines à nous qu'on voudrait voir. »

tandis que Caki me demanda sèchement :

« De quoi tu te mêles ? »

Me voyant au bord des larmes, Maman houspilla Caki :

« Fiche-lui la paix !

- De toute façon, j'irai pas, rétorqua-t-il.

- Mais si, tu vas y aller, trancha Maman. Tu vas pas faire d'esclandre, non. On passerait pour quoi, devant ces gens-là ? Une invitation, ça se refuse pas. Alors, dépêchez-vous ! N'allez pas vous mettre en retard ! Vous restez là-bas une petite heure. Vous pouvez bien faire ça pour Angélique, tout de même. Après, s'ils insistent lourdement en vous proposant un autre rendez-vous alors que vous ne leur avez pas rendu l'invitation, vous refusez poliment et vous prenez congé. Allez !

- Bon. Alors, on va chez les bouseux. C'est ça, les vacances ? »

Caki enfila sa paire de gants de cuir et partit sans même m'adresser un regard. Nani le suivit sans rien dire. Je comptai sur elle pour avoir, en chemin, des paroles propres à adoucir l'humeur de notre aîné. Elle avait toujours des paroles gentilles, Nani.

À huit heures, comme chaque soir, on m'envoya au lit. Caki et Nani n'étaient pas encore rentrés.

Le lendemain matin, quand je descendis de ma chambre, ma mère m'accueillit au bas de l'escalier en m'annonçant gaiment :

« Va voir dans le salon ! Y a une surprise pour toi. »

Dans le salon, je trouvai... aucun paquet cadeau... aucun objet nouveau... rien qui fût digne d'intérêt... rien que Caki et Nani... assis côte à côte... de bonne humeur... heureux d'être en vacances... genre :

« Qu'est-ce qu'on rigole bien, avec Catherine et Bernard ! Qu'est-ce qu'ys sont sympa ! »

Nani commença pour moi le récit de la soirée :

« Alors, on arrive ; ys nous accueillent ; on fait les présentations : "qu'est-ce que vous faites dans la vie ? " ; " qu'est-ce qui vous plaît ? "... et, tout à coup, ils nous demandent : " alors, qu'est-ce que vous pensez du projet ? " On s'regarde, Caki et moi ; on comprend pas : " Quel projet ? " Bernard nous dit : " le projet des p'tites " et Catherine : " èe vous en a pas parlé, Angélique ? " Pis on les voit se marrer, tous les deux...

- Alors y paraît, continua Caki, que vous avez dit à Catherine et Bernard : (prenant une petite voix débile) " si vous étiez amis avec Christian et Mireille, comme vous êtes grands, vous organiseriez des sorties ensemble et nous, comme on est p'tites, vous nous emmèneriez avec vous " ! »

Caki et Nani rirent de bon cœur. Le projet fut validé à l'unanimité.

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant