IX 18 - Invocation

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Le monsieur reprit ses explications. Moi, pendant ce temps-là, pour contrebalancer le caractère trop sérieux qu'il donnait à mon rêve, je dansais et faisais des galipettes.

« Tout d'abord, il faut définir qui est le monstre mais... attention ! L'évoquer par son nom peut le faire surgir, étant donné que le rêve tire sa substance de l'imagination [...] Si tu attribues au monstre des pouvoirs surnaturels et fantastiques, tu feras apparaître une créature contre laquelle nous ne pourrons pas lutter. La partie ne sera pas jouable. L'univers est un immense champ de forces mais nous ne pouvons nous y mouvoir que si nous lui donnons un visage humain. Il faut donc définir le " monstre " par une identité humaine et réaliste... toujours rester réaliste... tu m'écoutes ?

- Oui, oui. J'écoute : toujours rester réaliste.

- Qui est le monstre ?

- Un monsieur.

- Un homme !

- Comme vous.

- Très bien !... Mais tu sais pas rester calme, deux minutes ?

- Ben quoi, c'est un rêve : on n'est pas à l'école !... Bon, d'accord. »

Magnanime, j'acceptai de rester deux minutes sans gigoter. Le monsieur au costume bleu-gris reprit son explication :

« Ce que tu dois combattre, c'est une force, invisible et impalpable. Pour la rendre visible et susceptible d'être combattue, il faut lui mettre un masque. Tu pourrais le définir comme étant une créature fantastique aux pouvoirs surnaturels. Ce ne serait pas faux : toutes les figures maléfiques de l'imagerie populaire proviennent de ce que les enfants ont vu dans leurs cauchemars. D'une certaine manière, le monstre, c'est vraiment ça mais ce monstre-là, ni toi ni moi ne peut se tenir devant. Nous allons donc, par-dessus ce premier masque, en mettre un autre plus accessible : celui d'un homme. Cet homme étant mon égal, je pourrai te protéger contre lui. Ce faisant, tu seras protégée contre tout ce qui se cachera derrière le masque. Est-ce que tu comprends, jusque là ?

- Oui... mais comment on fait pour mettre un masque sur le visage de la force ?

- En invoquant le nom de ce que tu veux faire apparaître... mais pas tout de suite... on va y revenir. Il faut voir déjà par quel moyen je peux te protéger.

- Parce que vous êtes plus fort que lui ?

- Non. Ce n'est pas moi qui vais combattre, c'est toi. Moi, je peux seulement t'aider, comme je l'ai déjà fait. Tu te souviens, lorsque tu étais sur le terrain de course ? tu entendais ma voix te guider parce que j'étais au sein du monstre. Dans ta chambre, j'ai pris la place du monstre pour te le livrer [...]

- Alors, il faut que je mettre votre masque par-dessus celui de l'autre monsieur ?

- De l'autre homme, exactement.

- Mais vous ou l'autre monsieur, c'est toujours un visage humain. Alors, ça revient au même.

- Tu es assez grande pour comprendre que tous les hommes ne sont pas animés des mêmes intentions. Comme je te l'ai déjà expliqué, je veux aider les enfants, autant que je le peux, à triompher de cette force qui nous enchaîne. D'autres hommes, au contraire, pactisent avec elle, en tirent parti pour assouvir de bas intérêts. L'homme que tu as vu, dans ton cauchemar, est de ceux qui terrorisent les enfants pour leur faire perdre leurs moyens et parvenir, ainsi, à soumettre leurs âmes, à vie. Quant à moi, je ne te ferai jamais peur. Si, devant toi, je joue le rôle du loup, tu devras toujours te rappeler que je veux que ce soit toi qui gagne contre moi.

- Pourquoi un loup ?

- Je mettrai dans mes paroles des indices, ça et là, pour te mettre sur la piste. À toi de les trouver. Voilà ! Mon explication est terminée. Maintenant, attends-toi à revoir l'image de ton cauchemar un court instant ! Ne panique pas ! Je serai là. Tu entendras ma voix. La force est présente. Je la sens. Est-ce que tu te souviens comment on lui ajoute un masque ?

- En convoquant son nom ?

- En l'invoquant. Mon nom, pour toi, sera " Monsieur le Directeur ". Si tu es face à l'homme de ton cauchemar, prononce mon nom et tu ne verras plus que moi en face de toi. Tu as compris ?

- Oui.

- Bien. Concentre-toi ! Comment s'appelle l'être, humain et réaliste, qui capture les enfants pour les obliger à le servir toute leur vie ou pour les vendre à quelqu'un qui les traitera de même ?

- L'esclavagiste ! »

À cet instant, je vis surgir, à un mètre devant moi, le méchant du cauchemar de l'autre nuit. La terreur m'envahit d'autant plus que, cette fois, je comprenais parfaitement ce qu'il me voulait et je me sentais totalement sans défense.

« Écoute-moi ! Je suis là. Concentre-toi sur ma voix ! Pour t'aider à sortir de l'esclavage, j'ai un travail à te proposer [...] Si tu acceptes ce contrat, invoque mon nom !

- Monsieur le Directeur ! »

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant