VII 10 - Le rêve qui s'éclaircit

4 1 0
                                    


Rien à faire ! Je me réveillais à chaque fois. D'un autre côté, la certitude de pouvoir me réveiller à volonté atténuait la peur du monstre : il ne pouvait plus m'atteindre. Ça, c'était le bon côté des choses. Le mauvais côté des choses, c'est que plus j'y regardais, plus il m'apparaissait que Camille et le singe se confondaient en une seule et même image.

Je ne rêvais pas de Camille et d'un monstre. Je rêvais d'un monstre au visage de Camille.

Au fur et à mesure des nuits, l'image de ce personnage devint plus nette en mon esprit. Il avait le visage de Camille, le corps d'un singe à longue queue et puis... autre chose.

À chaque fois, le rêve commençait de la même façon. Je marchais dans la cour de l'école des garçons. Tous étaient ordinaires et parfaitement humains mais aucun n'était mon amoureux. Soudainement, un garçon au corps de singe tout dégoûtant surgissait et, comme par hasard, c'était celui-là mon amoureux. J'en avais marre, à la fin !

En plus, il me ridiculisait devant tout le monde en sautant sur moi et en me faisant des bisous. Il me faisait mal en m'attrapant brutalement par le cou pour m'entraîner derrière le donjon de l'école des garçons. Eh ben, j'm'en fichais : je me réveillais et me rendormais sur un autre rêve plus tranquille. Voilà !

Si je maîtrisais mon rêve, comme le prétendait Nani, comment ça se faisait qu'il était toujours le même depuis le début ? Bon, d'accord, je m'étais mise à rêver de Camille à l'époque où je pensais très fort à lui mais depuis lors, rien n'avait bougé.

Avec Nani, on s'était dit que je me rendais visible ou invisible à volonté. Pas du tout. Tout ce que j'avais réussi, c'était à faire durer plus longtemps le début du rêve, là où personne ne faisait attention à moi. Ce n'était qu'un arrêt sur image.

Visionner le rêve chaque nuit me permettait de le voir plus clairement. Le modifier, je n'en avais pas le pouvoir.

Une belle nuit, pourtant, un changement survint : juste à la fin de mon rêve, alors que le monstre tentait de serrer son bras autour de mon cou, il ajouta la phrase :

« T'en va pas, cette fois ! »

La trouille que j'ai eue ! Je me précipitai hors du rêve et me réveillai le cœur battant. Méchant monstre ! Il avait ajouté cette phrase, sans prévenir, pour m'empêcher de sortir du rêve. Méchant ! Eh ben moi, je lui avais échappé quand même. Raté ! Bien fait pour lui !

En tout cas, cela avait ravivé ma peur du cauchemar. Dès lors, si je refaisais le rêve du monstre qui s'approchait de moi, je me réveillais vite fait, bien fait. Du coup, il changea de tactique et essaya la ruse : il vint vers moi plus lentement, en traînant les pieds et maugréant :

« Ça sert à rien : tu t'en vas dès que je t'approche. »

Vite ! Je plongeai hors du rêve, sans aucune difficulté... même, je revins en arrière, collai mon visage juste devant le sien et lui ris au nez :

« Tu m'as pas eue ! »

La tête qu'il fit ! Moi, je me sauvai sans demander mon reste et me réveillai bien au chaud dans mon lit.

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant