IV 7 - Ma première page

4 1 0
                                    


Le jardin d'enfant était loin de la maison, il fallait marcher longtemps et ce chemin du retour commençait à me faire mal à la tête.

« Eh ben, arrête de réfléchir ! »

lança Maman.

Je voulus bien obéir mais, aussitôt, toutes les notions précédemment énoncées resurgirent en mon esprit.

« Donc, dis-je, tu reconnais que c'est pas moi qui suis sauvage, que c'est toi qui avais fait les gros yeux pour pas que je joue avec le garçon du tourniquet.

- J'ai jamais dit ça.

- Mais si ! tout à l'heure, tu l'as dit. J'en ai marre ! J'ai mal à la tête.

- Non, je ne l'ai pas dit. C'est toi qui le suppose. Moi, je t'ai seulement suggéré d'analyser le comportement de ta copine au travers de cette supposition.

- Ça veut rien dire : "supposer". C'est vrai ou c'est pas vrai. Et puis, d'abord, c'est pas ma copine. J'm'en fiche, de la fille du rocher. Moi, je voulais jouer avec le garçon du tourniquet. C'est lui, mon ami.

- Pourquoi ?

- Parce qu'il est beau.

- Ah bon ! c'est ton ami parce qu'il est beau ?

- Ben oui... et puis parce qu'il aime bien jouer au tourniquet, comme moi... et puis... t'as bien vu : dès qu'il est arrivé au jardin d'enfants, il est venu vers moi en courant. C'est qu'il voulait jouer avec moi. C'est mon vrai ami.

- Non, c'est vers le tourniquet qu'il est allé en courant. Il s'en fiche de toi, sinon, il serait venu te voir quand tu étais sur le banc. »

À ce moment-là, il y eut comme un blanc. Quand je revins à moi, j'étais debout, en plein milieu du trottoir, le visage couvert de larmes. Maman me tenait la main et me regardait d'un air inquiet. Elle me parlait, me demandait si je me sentais bien. Je lui répondis que je me sentais bien, à part que j'avais très, très mal à la tête.

En fin de compte, le malaise que je venais de faire s'appelle piquer une colère. Du coup, son inquiétude passée, Maman se mit à me gronder, genre :

« Ça suffit ! J'te dirai plus rien. Débrouille-toi... et avance !

- M'en fiche que tu m'dises pus rien. D'façon, tu m'dis que des mensonges. »

Oui parce que le garçon, il avait accouru vers le tourniquet mais il avait posé ses mains juste à côté de moi, une à ma gauche, une à ma droite... ça veut dire quelque chose... et puis... il ne pouvait pas venir me voir sur le banc parce que, à côté de moi, il y avait la méchante maman aux gros yeux qui fait peur aux garçons exprès.

« Je le sais, que c'est vrai ! »

Jusqu'au soir, tous ces éléments de réflexion revenaient dans ma tête les uns après les autres, tourbillonnaient dans tous les sens, se chevauchaient, se mélangeaient, m'échappaient, me fatiguaient... J'étais trop petite, moi !

« Au secours, Nani !

- Ce qui te paraît important, consigne-le dans un coin de ta mémoire, apprends à écrire et fais un livre ! »

me répondit-elle.

Ah oui ! au fait, je ne t'ai pas dit : je suis Angélique, la petite sœur de Caki et Nani.

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant