IX 9 - Le passage bleuté

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« Le tunnel ! Le voilà ! »

me dis-je en l'apercevant.

Je ne sais pas si on peut vraiment appeler ça un tunnel ou plutôt une porte. Une porte ? Ça ressemblait davantage à... un courant d'air... bleuté. Je ne saurais le définir précisément mais ce qui est sûr, c'est que quand je le vis s'ouvrir devant moi, je le reconnus comme étant le truc qui apparaissait tout le temps, dans mes cauchemars, et qui me permettait de migrer subitement vers d'autres mondes plus paisibles. Quels mondes ? Aucun souvenir mais... plus paisibles. D'ordinaire, dès que je voyais ce machin au milieu d'un cauchemar, je m'y précipitais sans me poser tant de questions.

Je fonçai droit vers cette issue providentielle, tout en considérant que je ne pouvais pas quitter la scène et laisser le garçon seul avec le monstre : il était trop peureux et pas assez intelligent pour pouvoir le combattre ; moi seule en étais capable. J'eus une idée astucieuse et téméraire :

« Je vous ai battu sur votre terrain. Essayez de m'affronter sur le mien ! »

suggérai-je au monstre juste avant de me m'engouffrer dans le tunnel.

Je me trouvai très maligne, sur ce coup-là ! Si je franchissais la ligne d'arrivée avant le monstre, ça voulait dire que c'était moi qui avais gagné la course. Pourtant, si le garçon - qui me suivait dans la liste des victimes du monstre - en venait à devoir le combattre, ça voulait dire que j'étais déjà vaincue. En somme, si je quittais la partie à la fin de cette première manche, sans offrir sa revanche à l'adversaire, j'étais déclarée perdante par forfait.

Je ne sais pas d'où m'étaient venues toutes ces notions parce que, moi, je n'étais pas d'une nature sportive. En tout cas, cela ne me parut pas bien risqué de lancer un défi pareil à ce terrible monstre : parce que mon terrain, c'est la réalité et un monstre de cauchemar, ça ne peut pas exister dans la réalité. Et même si ça pouvait exister, tel un fantôme, une ombre, ça ne pourrait pas me toucher ni même me retrouver ; ça ne pourrait ni me troubler ni m'atteindre. Il n'est rien, pour de vrai.

Traversant, en courant, le tunnel (ou le labyrinthe où je ne sais quoi), il s'avéra que le monstre était toujours à un mètre derrière moi. Il s'était laissé prendre au piège et je crus pouvoir l'égarer dans l'immensité de mes mondes oniriques quand, tout à coup, je me retrouvai brusquement projetée là où débouchait toujours le tunnel (le toboggan !), lorsqu'il m'apparaissait dans un cauchemar et que je l'empruntais : dans mon lit. J'étais allongée sur le dos.

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