Après cet épisode, que pouvais-je espérer qu'il se produisît les mardis suivants ? Camille allait-il s'approcher encore ? Allions-nous nous parler ? Allions-nous nous inviter à la maison ? J'avais l'impression que le bonheur était devenu accessible.
En attendant, ça me ramenait à une nouvelle semaine d'angoisse et d'incertitude. Attendre ! Toujours attendre ! J'en avais marre, à la fin. À force, je m'étais même mise à rêver de Camille, la nuit.
Le mardi suivant, à dix heures, dans le couloir... Zut ! à force de fuir dans l'imaginaire...
« Madame ! J'ai oublié mon sac de gymnastique à la maison. »
Des filles de ma classe s'empressèrent de me railler - laissant ainsi transparaître une légère rancune pour nous avoir fait remarquer en plein milieu de la cour des garçons la semaine précédente - genre :
« Hé ! c'est fini, le gymnase. Réveille-toi un peu !
- Ben ouais ! Tu vois bien que nous non plus, on n'a pas nos sacs. Personne. »
Au milieu d'elles apparut une fille bien plus grande que les autres mais non moins narquoise :
« Ben oui, on a prolongé la session sur deux mois exprès pour toi, jusqu'à ce que tu n'aies plus ton cache. Ça ne te suffit encore pas ? »
En vrai, ce n'était pas une fille qui venait de dire cela, c'était la maîtresse. Elle était un peu drôle de se mêler aux filles et d'imiter leur allure. C'est ce que je pensai, le temps de réaliser le contenu de ses propos...
« Pour moi ? »
Plus sérieusement, la maîtresse m'expliqua que l'école des garçons nous avait alloué un créneau d'une heure par semaine pendant dix semaines ; il avait donc été prévu que notre classe y allât cinq semaines et que les cinq autres semaines fussent pour l'autre cours préparatoire. En définitive, le programme avait été modifié et notre classe était allée au gymnase huit semaines. Quant à l'autre cours préparatoire, il n'alla pas du tout au gymnase parce qu'il ne restait plus que deux mardis avant les vacances de la Toussaint ; ça ne valait pas le coup.
Les vacances de la Toussaint ? Ah non ! là, je crois qu'il y a comme une erreur mais bon : cette explication de la maîtresse, que je retrouve aujourd'hui dans ma mémoire, je l'y ai rangée quand j'avais six ans et demi. Dans l'ensemble, c'est pas mal.
Pour moi ? À la maison, si on me disait qu'on faisait quelque chose pour moi et que j'y croyais, il arrivait toujours un moment où je me faisais gronder pour avoir été égoïste. Même si on ne se donnait pas la peine de m'en avertir à l'avance, il fallait toujours que je m'attendisse à ce qu'il y eût une autre raison qui vînt tout fiche en l'air.
Pour moi ? J'étais sceptique. Reprenant l'expression qui, à la maison, faisait loi en l'occurrence, je demandai à la maîtresse :
« Vous avez fait d'une pierre deux coups ?
- Non, répondit-elle. On est allé au gymnase deux mois, jusqu'à ce que tu n'aies plus ton cache, parce que tu en avais fait la demande. C'est l'unique raison. »
Voilà. C'était ça, l'histoire du gymnase. Après, du coup, je voulais bien tolérer des inconvénients tels que le fonctionnement de l'école, le programme imposé par des gens qui payaient et le comportement de ma maîtresse (qu'il fût conditionné par l'argent ou par son caractère personnel).
De toute façon, l'essentiel, c'était qu'au bout d'un an, je susse lire et écrire. Que je n'eusse pas à aller à l'école plus longtemps !
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DATE ET LIEU DE NAISSANCE
Non-FictionPremière partie de : SEX AND DESTROY Un nouveau son rock ?