X 20 - La soirée avec les grands

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Bernard monta à l'étage et en redescendit avec un magnéto. L'ayant posé sur la table, il sortit une cassette de son boîtier et annonça :

« En route pour le rock n roll !

- C'est du rock n roll ? »

demanda Nani en regardant la chose d'un air perplexe.

Bernard ayant répondu par l'affirmative, Nani persista dans le doute :

« Devant les petites ? T'es sûr ? »

Tel était l'effet de la conversation qu'elle avait eue avec notre mère pour en obtenir l'autorisation d'aller à la fête. Nani avait fini par se persuader elle-même que la soirée rock n roll ne devait comporter aucune trace de rock n roll.

Cela ne parut pas surprendre Bernard qui inséra sa cassette dans le magnéto en répondant nonchalamment :

« Mais oui, il faut le banaliser si on veut le faire disparaître.

- Quoi ?! Le rock n roll ?! Mais non, on veut pas le faire disparaître !!!! »

m'exclamai-je, courroucée, scandalisée, effrayée. Bon... d'accord... j'exagère... mais il n'était pas question que ça se passe comme ça. Je défendrais le rock n roll bec et ongles contre ses détracteurs.

Nani, qui regardait mon agitation avec amusement, me fit discrètement un clin d'œil. Comme je l'interrogeais du regard, ne comprenant pas où elle voulait en venir, elle passa à côté de moi et me glissa à l'oreille :

« Laisse-le parler ! Y s'doute pas qu'y a une vraie rockeuse parmi nous.

- Hein ? De quoi ? Qui ?... »

Bernard enfonça le bouton play de son magnéto et la formule magique se fit entendre :

« One, two, three wock-wock... four wock-wock : rock ! »

Nani et Bernard se donnèrent les mains puis s'éloignèrent l'un de l'autre en reculant, puis se rapprochèrent en avançant l'un vers l'autre, puis ils reculèrent de nouveau, se lâchèrent une main, puis Nani tourna sur elle-même en passant sous le bras de son cavalier ; tandis que Françoise et moi, côte à côte, admirions son grand frère et ma grande sœur qui dansaient le rock n roll pour de vrai. Quelle surprise et quelle fierté !

M'approchant d'eux, je demandai à Nani :

« Mais alors, t'es une vraie rockeuse ?

- Mireille, une rockeuse ? Oh ! ben, ça f'rait mal. »

ironisa Bernard en se marrant.

Nani s'arrêta net, choquée par les façons goguenardes de son cavalier. Puis, souriant malicieusement, elle me prit la main en disant :

« Nan, c'est toi, la rockeuse. Viens ! j'vais t'apprendre à danser. »

Et là, je vécus un grand moment de ma vie : j'appris à danser le rock n roll et, en plus, je l'appris en ayant été nommée rockeuse.

À côté de nous, Bernard se trouvait tout bête d'avoir perdu sa cavalière mais il ne resta pas seul longtemps. Françoise s'agrippa à ses mains et fit des petits bonds sur elle-même en claironnant :

« Fais-moi danser le rock n roll ! Fais-moi danser le rock n roll ! »

Ce qu'il fit.

Entre deux pas, Nani, toute guillerette, me glissa à l'oreille :

« Y s'méfie pas d'toi parce que t'es petite. On lui réserve une surprise.

- Pourquoi ? Qu'est-ce qui va se passer ?

- J'chais pas. On verra... »

À côté de nous, Françoise s'écria :

« Allez, Catherine et Christian ! Dansez ! Dansez ! »

Ils étaient tous deux repliés dans un coin ombreux, l'air tout drôle... surtout Caki.

« Allez, Catherine et Caki ! Dansez ! Dansez ! »

repris-je avec Françoise.

Timidement, ils se prirent les mains, s'emmêlèrent les bras dans des moulinets improbables et parvinrent, finalement, à faire quelque chose qui ressemblait à du rock n roll.

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant