Le fonctionnement de l'école est entièrement régi par l'argent or on doit considérer que s'occuper d'un enfant pour de l'argent, c'est lui donner une nourriture spirituelle empoisonnée.
C'est comme si une dame faisait l'amour à un monsieur pour de l'argent au lieu de le faire par amour.
« Une dame qui ferait l'amour à un monsieur pour de l'argent ? Ça se peut pas ! »
me disais-je. Pourtant, c'est la comparaison qui s'imposait à mon esprit, dans ma petite tête, en regard des maîtresses d'école.
Si une dame faisait l'amour à un monsieur pour de l'argent au lieu de le faire par amour, les sentiments que cela éveillerait dans le cœur du monsieur entraîneraient son âme à la dérive. S'occuper d'un enfant pour de l'argent, c'est encore plus grave parce qu'un enfant est plus vulnérable, plus sensible et plus naïf qu'un homme.
Cela aboutit à la conclusion inéluctable que l'argent fait le malheur.
Toutefois, les adultes n'ayant pas le courage de s'en sevrer, ils maquillent la vérité en affirmant seulement que l'argent ne fait pas le bonheur. Ainsi, ils reconnaissent être assujettis à la dépendance d'une chose inutile mais ils nient tout le mal qu'ils commettent pour se la procurer (et, donc, la nécessité d'y renoncer).
Jamais la maîtresse ne jouait avec les enfants. En classe, elle était dominée par une notion de travail qu'elle répandait comme une maladie contagieuse. Dans la cour où nous étions supposées jouer, elle ne se mêlait pas à nous. Elle allait se joindre aux autres maîtresses.
Les maîtresses préféraient rester entre elles - elles avaient le droit - parce qu'elles trouvaient cela plus reposant. Elles ne voyaient en nous que le travail pénible et fatigant qu'elles mettaient entre elles et nous durant la classe.
J'eus, à ce propos, une conversation avec ma maîtresse du CE1. C'était une jeune fille belle et gentille.
Lui ayant exposé mon point de vue, elle me dit :
« Regarde autour de toi ! Où on est, là ?
- Dans la cour de récréation... Oui, je sais... »
Il est vrai que ma maîtresse du CE1 passait parfois ses récréations à discuter avec une ou deux de ses élèves ; en particulier avec ses meilleures élèves, celles qui partageaient avec elle le goût de la lecture et des études.
« Aujourd'hui, souligna-t-elle, c'est avec toi que j'ai eu envie de venir discuter.
- Moi, chuis pas très bonne élève.
- Et alors ? Je ne fais pas de différence. J'aime bien mes élèves même quand je dois leur mettre des moins bonnes notes. Après, dans la cour, je discute avec qui j'ai envie, adulte ou enfant. Des fois, les conversations des enfants sont plus sympas que les papotages de (bonnes) femmes. »
Je regardai le groupe des maîtresses qui papotaient, groupe que ma maîtresse du cours préparatoire ne quittait jamais.
Elle était gentille, ma maîtresse du cours préparatoire mais c'était une vieille dame. Ma maîtresse du CE1, qui était très jeune, m'expliqua qu'elle se sentait plus proche des enfants et que, quand elle passait ses récréations avec les autres maîtresses, c'était plus par politesse qu'autre chose.
« C'est par amour pour les enfants que j'ai choisi d'être institutrice, m'expliqua-t-elle. C'est vrai que j'ai aussi de l'argent dans le cœur. Il faut le savoir. Comment veux-tu que je fasse autrement ? J'ai besoin d'argent pour vivre. Si je n'en recevais pas, je ne pourrais pas être là à faire ce que je fais. L'amour, c'est le " pourquoi " de ma présence ; l'argent, c'est le " comment " il m'est possible d'être présente. Alors, il faut le respecter et lui obéir.
- Et pas à l'amour ?
- Si, aussi. Je crois qu'il est possible de cumuler les deux. Par exemple, ce que je suis en train de te dire ne fait pas partie du programme imposé par l'argent. Je ne le dis qu'à toi ; je parle selon mon cœur. »
L'espace d'un instant, je réfléchis à cela, pensant à la vieille dame qui avait été ma maîtresse l'année précédente. Là-dessus, je conclus, sur le ton de la sincérité :
« C'est pas parce qu'une maîtresse passe ses récréations dans le groupe des maîtresses qu'elle obéit pas à l'amour aussi.
- Sans doute. Qu'est-ce qui te le fait dire ?
- Ce qui s'est passé, l'année dernière, avec le gymnase. Même ma mère, elle aurait pas fait ça pour moi. »
Le gymnase, nous y étions allées au premier trimestre du cours préparatoire.
VOUS LISEZ
DATE ET LIEU DE NAISSANCE
Non-FictionPremière partie de : SEX AND DESTROY Un nouveau son rock ?