Je les regarde. Elles sont sorties et ont regagné la salle d'entraînement, juste après la réunion. J'ai appris que la femme qui avait parlé était la directrice de cette partie de l'établissement, Hélène. L'immeuble sous terrain dans lequel nous sommes est immense apparemment, m'ont dit les filles. Il comporte plusieurs quartiers et une demi-douzaine d'étages. Je suis impressionnée par tellement de grandeur... Je comprends maintenant les moyens dont ils disposent pour recruter autant d'apprentis dans le monde entier.
Une voix me fait perdre le cours de mes réflexions :
- Arrêtez de rêvasser, vous n'êtes pas là pour ça.
C'est un conseil mais avec ce ton dur, ça ressemble plus à un ordre.
Encore Morgan. Je tourne la tête et je me rends compte que je ne l'avais jamais vu d'aussi près, ses yeux verts sombres me transpercent. Il porte une combinaison rouge sombre et noire moulante qui ne laisse aucun morceau d'épiderme à l'air. Je remarque alors que tout le monde porte cette tenue mais dans une autre couleur, celles de filles sont toutes bleues mais dans des nuances toutes différentes. Aurai-je la même tenue ?
Il me regarde toujours, j'acquiesce et me penche vers les filles qui courent. Cela ne ressemble en rien à des pouvoirs en rapport avec de l'eau. Je demande :
- Pourquoi font-elles ça ?
- Pour s'échauffer, aujourd'hui, on teste leurs capacités en période de stress. Elles affolent leur cœur en courant, conclut Morgan.
Une petite mèche légèrement ondulée de cheveux bruns, lui descend sur le front et il la replace d'un geste en continuant :
- Le mieux pour vous, est de les regarder, ce n'est pas une punition, juste un entraînement avant votre manifestation.
Je ne lui réponds pas et passe le reste du temps à les observer. Elles s'arrêtent de marcher autour de la salle et essoufflées, tendent leur mains. Un spectacle fascinant s'offre à moi : des bulles difformes d'eau, je crois, s'élèvent dans les airs et chaque bulle créée par une fille rejoint celle de sa voisine. Ainsi la bulle s'agrandit et flotte. Morgan leur ordonne de lâcher prise. Et alors le bal de l'eau continue, chacune retourne vers sa créatrice et se dépose sur ses paumes ouvertes. Elles referment leurs mains dessus et en les rouvrant il n'y a plus rien.
- Bien, très bien, vous vous êtes améliorées, mais faites attention il y en a certaines qui sont un peu lentes.
Je m'attends à ce que Morgan les désigne mais il n'en fait rien. C'est un bon professeur, il n'écrase pas ses élèves et leur fait confiance pour faire mieux la prochaine fois. Tout le monde le prend au sérieux même avec son jeune âge, dix-huit ans, ce sont les filles qui me l'on dit. Elles connaissent tout de lui ou plutôt rien, vraisemblablement, il n'est pas très bavard. Sa discrétion est apparement ce qui les attire comme des insectes. Je ne vois pas de quoi, j'ai besoin de pouvoir me fier à une personne avant de l'admirer ou de l'apprécier. Je me rends compte que je ne suis pas aussi superficielle qu'elles.
Durant le reste de la journée, elles réessayent l'exercice des bulles jusqu'à la perfection, ce que cherche à atteindre Morgan. C'était une journée intensive, la seule du mois, m'a-t-on expliqué. Les apprentis pratiquent tout le long de la journée agrémentée de pauses pour grignoter quelques choses, mais il n'y a presque aucune interruption. Je m'ennuie et la fatigue se fait ressentir, je n'ai pas vraiment dormi cette nuit. Je n'ai même plus de repère avec le temps dans ce terrier.
Je suis mal à l'aise avec ma robe, je voudrais l'enlever mais je ne porte que mes sous-vêtements en dessous.
Je ressens un mal dans le dos sûrement dû au coup que j'ai ressenti quand Morgan m'a plaquée contre l'arbre. Je le maudis pour ce qu'il m'a fait. Un peu plus de douceur ne l'aurait pas tuer ! Il n'a même pas évoqué notre soirée. Il ne m'a adressé la parole que pour me corriger.
Une fois que Morgan décrète que c'est fini pour aujourd'hui; les filles, en sueur, rejoignent le dortoir :
- C'est plus compliqué avec Morgan mais j'aime bien, commente Diane
- C'est plus fatiguant mais on avance plus vite avec lui, poursuit Cassandre
- Surtout qu'il ne nous laisse pas indifférentes, enchaîne Alice
- C'est sûr qu'on est plus motivée quand le prof est beau gosse, taquine Rebekah
Elles rient toutes. Toute cette fraternité, cette ambiance tranquille et ouverte me fais chaud au cœur. Je me sens bien...
- C'était magnifique... ce que vous avez fait, murmuré-je
- Eh oui, on est les plus fortes, crâne Rebekah
- Arrête un peu, tu sais que ce sont les gars les plus entraînés, la rabroue gentiment Juliette
- Ça m'énerve, ils sont encore repartis, se plaint Cassandre
- Oui, mais ils étaient appelés ailleurs, informe Cassiopée.
Elle est peut-être timide mais sa voix bien que fluette impose le respect, c'est la plus sage du groupe malgré son âge.
- Qui sont-ils ?
- Qui ? Les garçons ? Des Élémentaires comme nous, de l'eau, répond Diane
- Ils travaillent d'habitude avec nous mais ils sont partis en mission, continue Cassiopée
- En mission ?
- Oui, sûrement pour une sécheresse ou alors un nettoyage de rue, explique Rebekah
- Mais comment font-ils pour ne pas être repérés ?
- Pas besoin, ils sont dans un camp du Sous-Noyau, tout le monde les connait là-bas.
- Combien y a-t-il de camps ?
- Plusieurs, dit Juliette avec son ton réservé. Je crois que c'est la première fois que j'entends sa voix, elle ne parle pas beaucoup.
- Tu ne peux pas imaginer la quantité de moyen dont l'organisation dispose, elle a presque vingt-cinq ans.
Je suis sidérée devant autant d'informations. Je viens d'intégrer sans doute le premier organisme sous-terrain mondial !
- Allez c'est pas tout mais il est l'heure de dormir, les enfants, crie Cassandre qui fait éclater un fou rire général.
J'enlève ma robe et la plie soigneusement pour la remettre demain pendant que les filles se relayent à la salle de bains. Je me glisse sous les couvertures qui sont tellement douillettes que je sombre bientôt dans un sommeil de plomb.
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L'Élémentaire {En Réécriture}
FantasyQui a dit qu'une vie banale le resterait forcément ? Coincée au cœur d'un monde tyrannique, Katelynn ne rêve que d'une chose : la liberté. Alors qu'elle doit à tout prix se trouver un partenaire avant son dix-septième anniversaire, elle fait une r...