Chapitre Douze {2}

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Je m'éveille avant le soleil, comme l'exige mon emploi du temps de femme de ménage au service du Dirigeant. Je mange en vitesse une patte s'approchant plus de la boue qu'autre chose mais je fais tout pour ne pas sentir son goût infect. Je jette ensuite les emballages. Diane n'est toujours pas revenue ou alors elle vient tout juste de rejoindre son poste. Morgan aussi est absent. Je n'ai même pas le temps de souffler de plaisir qu'il ne soit pas là à mon réveil que la porte s'ouvre. Elle me laisse voir un jeune homme avec des cheveux bruns mouillés qui bouclent légèrement sur son front, son torse musclé est lui aussi recouvert d'une fine pellicule d'humidité. Il porte seulement une serviette nouée à la taille. Il me remarque et ne semble pas gêné par la situation comme si ma présence était comparable à celle d'un meuble.

- Je ne vous dérange pas ? lui dis-je.

- Vous pouvez sortir.

Ce n'est pas un ordre ni une demande. C'est une solution. Tout simplement. J'ai l'impression d'être aussi transparente que l'air pour le peu de considération qu'il a envers moi. Je ne me fais pas prier et sors de la chambre. Je ne suis pas intéressée de le voir s'habiller. Cela ne fait pas partie de mes passes-temps. "On avait tous compris, ma chérie !" susurre la voix.

Il me rejoint quelques minutes plus tard, ses cheveux sont toujours trempés et les petites mèches qui s'échappent sur son front paraissent presque noires avec l'eau. Elles soulignent et font ressortir le vert sombre de ses iris.

Le service commence, cette fois nous nous séparons, lui va faire les quartiers du Dirigeant pendant que je m'occupe de ceux de sa femme. Je ressens une pointe de joie en imaginant ma journée, qui ne sera pas assombri par ses remarques et son regard froid.

Quand j'arrive dans la chambre de l'épouse, une silhouette, dont je ne voie que le dos, est assise sur le lit. Elle se retourne et je découvre une femme d'âge mûr avec des yeux clairs et une chevelure de feu. J'ai l'impression de voir la crinière de Rebekah. Mon cœur se serre, elle est sans doute morte à l'heure qu'il est.

La voix claire de la femme me demande :

- Voulez vous que je parte ?

- Co...comme vous voulez, madame...

- Oh ! Appelez moi, Anne, s'il vous plaît. Je suis la femme d'Émeric. Vous le connaissez sûrement vu qu'il est votre employeur.

- Euh... bredouillé-je, perdue.

- Le Dirigeant voyons !

- Oui... Oui, bien sûr, excusez moi madame. Non, je ne voulais pas dire, euh... Anne.

- Vous me parez bien tourmentée. Mademoiselle ?

- Kat... Aurore, Aurore Danvers.

- Bien, Aurore, puis-je vous appeler ainsi ?

Je hoche la tête, désorientée.

- Venez vous asseoir ma chère enfant, je ne mords pas, soyez sans craintes.

J'obéis et m'assois le plus doucement possible pour ne pas la gêner par le bruit grinçant du lit en bois.

- Comme cela vous êtes la femme qui s'occupe de ma chambre, je ne vous avais jamais vu. Êtes vous nouvelle, ici ?

- Oui... Mada... Euh... Anne.

- Calmez vous voyons, vous trembler. Cessez cela, je vous prie, vous m'angoissez.

- Oui.

J'essaye de l'écouter mais de façon médiocre.

- Je vous veux détendue en ma présence. Je me sens si seule, j'aimerai un peu de compagnie. Croyez vous pouvoir faire l'affaire, Aurore ?

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant