Je lève les yeux vers cette voix que je ne connais que depuis quelques jours. Jean approche plus vite que je ne le pensais. Je camoufle mon bras sous la manche de ma veste que j'ai retroussée juste avant. Il ne faut pas qu'il voit mon bras. Je remarque alors que l'aubergiste n'est pas seul mais suivit de près par mes deux amis. Il ne manquait plus que ça...
Morgan est aussi blanc qu'un linge et Rebekah est essoufflée à la fin de sa course. En reprenant son souffle, les mains sur les genoux et le dos courbé, elle lance :
- Pourquoi tu as crié ?
- Pour... pour rien...
- Mais qu'est ce que... Kate que t'est-il arrivé ? demande Morgan en voyant mes vêtements salis de boue.
Je le regarde dans les yeux puis désigne notre hôte du menton pour revenir à lui, espérant qu'il comprenne que je ne peux pas parler en sa présence. Il hoche la tête comme pour approuver ma remarque.
Rebekah nous fixe, se demandant sûrement ce qu'il en est. L'Élémentaire de feu se tourne alors vers Jean et demande poliment :
- Vous pouvez nous laisser, s'il vous plaît ?
L'homme nous jauge d'un air suspicieux, ses yeux ne reflètent plus leur gentillesse et leur chaleur naturelles, actuellement ils sondent chacun de nos mouvements essayant de trouver un indice prouvant notre culpabilité d'un acte quelconque. Je prie pour qu'il nous laisse. Il ne doit pas découvrir notre véritable identité. J'ai aussi peur qu'il nous demande de lui payer la chambre, bien que nous ayons assez, je ne pense pas que ce soit à notre profit.
Quelques secondes plus tard, il se décide enfin à revenir en arrière et à entrer dans sa chaumière. De loin, il est difficile de savoir s'il est vraiment partit alors nous attendons encore un peu avant de parler.
- Ça va pas de hurler comme ça ! me reproche la jeune rousse.
- Désolée, mais...
- Tu crois que ta réponse arrangera tout ? Non, tu n'avais pas à le faire sous aucune raison, tu as faillit nous causer des ennuis !
En parlant d'ennuis, comment vais-je faire pour leur expliquer pour le cheval ? J'inspire, prête à me lancer quand Morgan me coupe dans mon élan :
- Tu vas bien ?
Il se poste devant moi et m'observe sous toutes les coutures. Ça me met mal à l'aise et je ne peux pas m'empêcher de m'éloigner. Il lève un sourcil comme pour reformuler la même question seulement avec son visage. Je secoue la tête pour le rassurer et réponds :
- Je n'ai rien et pour le cri, je n'ai pas pu me retenir. Vous allez comprendre quand vous verrez ça...
J'ôte mon manteau et soulève la manche de mon t-shirt faisant apparaître les nervures vertes qui parcourent mon bras.
Je n'entends plus rien. À cette vue, j'ai envie de hurler alors je ne comprends pas pourquoi ils ne réagissent pas. Relevant les yeux, je rencontre ceux de Morgan puis ceux de Rebekah. Je sais pourquoi il n'y a aucun son. Leurs expressions crient à leur place. Leur bouche scellée ne laisse rien sortir alors que leurs iris passent d'un voile d'incompréhension à une peur soudaine pour être recouvert d'une surprise dissimulée et finir par un cri silencieux.
C'est horrible, je sais. Mon membre est défiguré par ces plantes, leurs empreintes ressortent comme de grosses veines disgracieuses. Je ne suis même plus sûre que ce soit un bras, plutôt une branche. Non, pas jusque là mais dans un stade entre deux.
- Vous saisissez maintenant ?
- Oui, soufflent-ils.
Morgan pose délicatement ses doigts sur mon bras comme pour le tester.
- Ça ne me fait pas mal, tu peux y aller, dis-je.
- C'est bizarre...
Sa phrase est accentuée par un plissement entre ses deux sourcils. Je l'ai tellement vu faire ça que je pensais que son front était figé dans cette position mais il y a peu, sa peau s'est détendue... Je m'en veux en pensant qu'il a arrêté d'être inquiet et qu'il doit recommencer à cause de moi.
Il palpe ma peau doucement comme pour voir l'étendue des dégâts. Il suit les lignes de ses doigts et en arrivant en haut de mon bras, il appuie sur la fin de la première pousse, là où elle s'est enfoncée dans mon épiderme. Il trouve mon regard puis un instant après il baisse la tête comme si je l'avais déconcentré dans sa tâche. La première fois que je lui ai montré la première pousse près de la banque, il était fasciné, maintenant il n'est qu'encore plus angoissé que je ne le suis déjà.
- Tu en penses quoi ? le questionné-je.
- Je pense que tu va devenir un arbre et qu'après tu t'enracineras et on pourra enfin partir !
Ce n'est pas Morgan qui m'a répondu mais notre autre amie. Je croyais qu'elle s'était adoucie mais ma certitude est remise en cause par son attitude. Comme quoi les gens ne changent jamais complètement.
Je lui lance un regard noir pour la faire taire mais elle ne lâche pas le morceau et me le renvoie alors j'abandonne. Il ne faut pas qu'on se dispute en ce moment, et je peux comprendre son mécontentement. Elle veut partir vite pour retrouver les filles le plus rapidement. Je suis dans le même cas, notre situation me désespère comme si le monde ne voulait pas que l'on y arrive et pour cela il nous met des petits, quoique des fois de gros bâtons dans les roues. Notre trajet en est certes complexé mais il faut qu'on y arrive.
Je repousse alors Morgan et lui assure que je vais bien. Ce ne sont pas quelques bouts de verdures qui vont nous compliquer la vie. Non, c'est autre chose, une chose essentielle qu'on a perdu. Je me lance alors sans préliminaires, de toutes façons ils s'en rendraient compte quoi qu'il arrive.
- Le cheval est partit.
- Comment ? répondent-ils.
S'ils continuent à parler en même temps, je vais penser qu'ils ont préparé leurs répliques à l'avance.
Je leur explique brièvement ma cascade très sportive. Rebekah éclate avant Morgan :
- Mais tu n'es qu'une incompétente ! C'est quoi ton soucis ? Tu sais ce que ça veut dire ? Sans cheval nous allons mettre encore plus de temps à rejoindre le manoir ! Ce n'est même plus quelques jours mais des semaines !
- Calme toi Rebekah, la raisonne-t-il, de toutes façons le cheval n'aurait pas pu supporter un poids de plus. Nous allons en trouver d'autres.
- Tu crois ?! Dans un coin aussi paumé et à cette heure-ci, tu penses réellement qu'on en trouvera ? N'importe quoi...
- Arrête un peu d'être aussi pessimiste, la rabroue-t-il.
- Non, Morgan, elle a raison. Si on veut des montures, il n'y en aura pas ici et surtout il n'y a aucun commerce ouvert à six heures du matin ! m'exclamé-je.
- Ce n'est pas grave, on marche jusqu'à la prochaine ville et là on pourra en louer.
Nous soufflons toutes les deux en acceptant la suggestion de notre compagnon. Et dire qu'il n'y a pas si longtemps j'avais refusé de prendre des chevaux et de l'argent... Je me convaincs que Morgan a peut-être aussi raison dans ce cas-là, mais je n'y crois pas plus. Nous sommes dans un petit bourg et les villages sont très éloignés les uns des autres, de plus on n'est pas sûr d'y trouver ce qui nous intéresse. Actuellement, nous n'avons pas d'autre issue à part attendre jusqu'à l'ouverture des magasins mais ce serait gâcher quelques heures de marche et peut-être pour rien.
Je revêts ma veste et rattrape mon sac tombé juste avant ma chute. Heureusement le contenu de la sacoche n'a rien par contre l'extérieur est maculé de terre.
- Tu ne veux pas te changer ?
Je refuse la proposition de Morgan et commence à avancer. Un pas devant l'autre. Un, deux, trois...
- Au fait, ce que tu as fait à dû être impressionnant. Je savais que tu en étais capable. Kate tu peux faire beaucoup plus.
En entendant ces mots je n'ai qu'une question qui me vient à l'esprit : y a-t-il une chose que Morgan ne sait pas ? Et la seule réponse que je trouve n'est autre que celle ci : alors cette chose ne doit pas encore exister...
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L'Élémentaire {En Réécriture}
FantasyQui a dit qu'une vie banale le resterait forcément ? Coincée au cœur d'un monde tyrannique, Katelynn ne rêve que d'une chose : la liberté. Alors qu'elle doit à tout prix se trouver un partenaire avant son dix-septième anniversaire, elle fait une r...