Chapitre Vingt-six

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Les claquements des sabots sur la terre sèche imitent les pulsations saccadées de mon cœur.

    Ce bruit incessant comble le vide. Il bat fort pour me rappeler à quel point il a souffert ces derniers jours. Il n'a pas besoin de le faire tout est gravé dans ma mémoire. Ce sont ces moments que vous voudriez oublier à jamais dont vous ne pourrez jamais vous débarrassez. Je dois vivre avec la douleur de cette perte. Celle de ma mère. Tout est maintenant plus difficile.    

    L'impression que tout a changé se fond en moi. Un poids s'est abattu sur mes pauvres épaules déjà malmenées par les semaines précédentes. Tout est différent, en mal. Rien est bien quand vous perdez quelqu'un. J'ai déjà ressenti ça à la mort de Juliette. Mais en ce moment ce cercle qui s'était formé un mois auparavant s'est reconstitué pour m'emporter une nouvelle fois dans son cycle funeste. Je suis entraînée par les vagues du deuil, noircie par la tristesse et inonder par la rage et la frustration. C'est horrible de se dire que tout est de ma faute. Sans mes caprices, sans mes bouderies ou mes crises, personne n'aurait été blessé.

    Le peu d'amour que j'avais à donner s'est envolé avec ma mère et mon frère. Je voudrai en retrouver quelque peu pour que Jules puisse en bénéficier une fois que je l'aurais trouvé. Il faut le ramener. Mon frère est la seule constante qui me restait et elle a disparu à cause de moi.

    Je suis triste, nostalgique et en colère mais pas encore désespérée. J'ai la conviction qu'il se trouve encore sur Terre, quelque part. Qu'il n'a pas finit comme notre mère. Il faut absolument que je me raccroche à cette idée. Mes bras ne doivent pas s'abaisser en signe de défaite. Surtout pas.

    La selle me meurtrit les jambes. Cela fait bien trop longtemps que nous sommes sur la route. Plusieurs heures, je dirais. Tout le monde est fatigué mais personne ne veut s'arrêter, de peur de retrouver cette ambiance morose. Une fois face à face, il faudra parler mais je n'en ai aucune envie, tout comme lui.

La souffrance permet de se rassembler. Je ne sais pas qui a dit ça mais je peux dire que c'est faux. Le malheur et tous les sentiments qui s'accrochent à ce terme éloignent et détruisent jusqu'à émietter tous liens. La solitude s'empare de nous et plus rien n'est comme avant.

    Je ne veux surtout pas retourner à cet état de seule enveloppe humaine marchant sans but. J'ai découvert que les paroles peuvent être bien plus conséquentes que les gestes. Beaucoup plus utiles aussi. Autant mettre à profit toutes leurs propriétés.

-    On devrait s'arrêter. Le cheval tient à peine debout.

    Aucune réponse. La monture ralentit et Morgan me précède en descendant. Nous sommes près d'un bosquet traversé d'un minuscule ruisseau dont le clapotement diffuse une quiétude incertaine.

-    J'ai besoin de parler et toi aussi, affirmé-je.

    Il hoche seulement la tête et s'assoit sur une souche après avoir attaché le cheval à un arbre. Je l'imite. Je connais tous les mots pour décrire ce que je ressens mais ils sont trop durs à prononcer. J'ai peur qu'ils blessent qui que ce soit. J'ai tellement peur de ce qui pourrait se passer. La sécurité est absente constamment et je l'attends depuis longtemps mais malheureusement nous ne sommes toujours pas à l'abri. Cependant, je parle librement :

-    J'aurais dû rester avec eux. Partir au Sous-Noyau était une erreur. Rien ne serait arrivé si j'étais restée.

-    C'est faux.

-    Pardon ?

-    Le Sous-Noyau n'est pas le responsable. Le seul et l'unique est le Dirigeant et tu le sais.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant