Chapitre Quarante-six

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Ses lèvres me font un bien fou. C'est grisant. Je voudrai m'en détacher mais ça m'est impossible. Pourtant je sais au fond de moi que je ne dois pas me rapprocher de lui. Je ne veux pas qu'il pense que je lui donne une chance. Morgan est vraiment quelqu'un qui arrive à me rassurer en un rien de temps, à me faire rire et tout un tas de choses fantastiques. Mais ce n'est pas le moment. Nous sommes en guerre et je dois me concentrer sur mon frère pas sur lui.

    Malgré toutes ces pensées, je n'arrive pas à le rejeter et au contraire je l'embrasse à mon tour. C'est horrible comme posture surtout que je viens sûrement de pourrir notre seule possibilité de rester dans le camp pour cette nuit. Mais apparemment Morgan s'en contrefiche et préfère se concentrer sur moi. J'ai envie de tout laisser de côté comme il le fait. C'est alors que sa main sur mon cou glisse dans mes cheveux et qu'il se colle encore plus à moi et murmure au creux de mon oreille :

-    J'adore ta nouvelle coupe, petite rebelle.

    Ma respiration s'est coupée pendant qu'il parlait. Il a le don de me faire tourner en bourrique. Je n'attends même pas qu'il repose sa bouche sur la mienne que je prends déjà ses lèvres d'assaut. Là, maintenant, j'oublie tout. Je ne sens plus que ses doigts dans mes cheveux, son souffle sur ma joue et ses derniers mots. Il fait soudain plus chaud et mon poignet commence à me gratter. J'ouvre les yeux pour découvrir qu'une petite plante s'échappe de la manche de ma veste et que Morgan devient de plus en plus brûlant. Je m'écarte de suite.

    On a perdu le contrôle. Ce n'est même plus grave, c'est alarmant ! Morgan aurait pu mettre le feu à l'arbre et moi j'aurais encore tout détruit avec tous les végétaux autour de moi. On est vraiment incorrigibles. Voilà une raison de plus pour ne pas qu'on se fréquenter de cette façon là. Ça a beau être très agréable, ce n'en est pas moins dangereux pour ceux qui nous entourent.

-    Non.

-    Non ? répète-t-il, incertain.

-    Tu as vu ce qu'on a faillit faire !

-    Quoi ?

-    Regarde.

    Je lui montre la petite pousse qui disparait tout doucement sous mon vêtement.

-    Tu as chauffé en plus. On est des vrais dangers publics ! Imagine un peu si on avait continué. Cet arbre ne serait plus qu'un tas de cendre et les tentes seraient éventrées par des plantes.

    Il réfléchit un instant puis confirme, hésitant encore :

-    Oui, mais rien n'est arrivé et...

-    Et quoi ? insisté-je.

-    Et ce n'était pas si mal...

-    Je ne parlais pas de ça, l'informé-je.

-    Je sais, mais tu devrais.

    Je suis soudain cramoisie. C'est certain que ce moment était plus que bien mais on aurait pu faire pas mal de dégâts. Je lui expose tout ce que qui aurait pu arriver mais il me coupe :

-    Tu ne penses qu'aux choses négatives, qui de plus ne se sont pas produites. Je n'ai pas envie que tu aies ça en tête mais plutôt...

    Morgan m'embrasse mais je me dégage avant d'être prise au piège.

-    Arrête. Je...

-    Tu quoi, Katelynn ? Décide toi un peu. Ce n'est pas parce que tes pensées noires te poursuivent que tu ne peux pas leur échapper. Si tu continues à être aussi pessimiste, tu ne pourras plus t'en sortir.

L'utilisation de mon nom complet me déstabilise, il ne l'a presque jamais utilisé et pourtant dans sa bouche ces quelques lettres sonnent comme un douce mélodie. J'essaye de lui répondre en vain :

-    Je sais mais...

    Il ne me laisse pas finir :

-    Kate, je comprends que tu sois dans une mauvaise passe mais ne te prive pas de ce qui est bon pour toi.

    Je ris quand je rétorque :

-    Tu te ventes ou je me fais des idées ? Tu serais bon pour moi alors ?

    Ses yeux me renvoient une affirmation si sincère que j'en reste sans voix.

Je ne peux pas soutenir son regard, j'ai l'impression de le trahir. Il a compris que je suis perdue mais il se tait. Il sait que ma tête n'est plus qu'un emmêlement complexe de pensées toutes plus embrouillées les uns que les autres. Mais une sort du lot et s'impose plus vite que les autres.
Pourquoi tu n'oses pas me parler Morgan ? Pourquoi tu ne me dis pas ce que tu as sur le cœur au lieu de tourner autour du pot ?

"Parce que tu crois que tu essayes de lui parler ? C'est à toi de lui offrir une opportunité et pour le moment la confiance ne suffit pas. Il faut qu'il sente que tu es avec lui et pas seulement physiquement."

    Pourquoi cette voix expose toujours si clairement toutes mes craintes, toutes les réponses que je m'obstine à enterrer. J'en suis incapable.

"Pour l'instant."

Je n'en peux plus. Je me détourne de son visage et commence à descendre le long de l'arbre mais il m'en empêche. Sa main s'est refermée sur mon poignet, il me remonte juste assez pour que mes yeux rencontrent les siens. Sa voix résonne alors comme un écho quand elle franchit ses lèvres :

-    Je peux arrêter, si tu veux.

-    Oui et oublis tout ça, lâché-je, précipitamment.

    Il hoche la tête et me relâche doucement. Une fois à terre, je marche sans but. Je réfléchis à ce que je viens de faire et un seule conclusion s'offre à moi : c'est lui qui m'a demandé et je lui ai répondu, il n'y a rien de mal à ça. Mais un dérangeant sentiment de trahison m'envahit. J'ai dit ce que je pensais mais ce n'est pas souvent le mieux. Je n'aurai pas pu être aussi franche et cassante, c'est certain. Mon ton ne reflétait qu'une morne indifférence, comme si je répondais à une question sur le temps qu'il fait.
Je suis passée maître du détachement et de la neutralité. La tombe que j'ai creusé pour enfouir tous mes malheurs, s'est aussi emparée de mes émotions. Je me suis faite à l'idée que mon émotivité n'était que faible et inutile, et pourtant j'en avais besoin aujourd'hui. Mais c'est trop tard, ma dernière parole a enfoncé le dernier clou qui a scellé son tombeau.

    Quand on ne supporte plus la tristesse, on l'a transforme en rage. Quand je n'ai plus supporté mes sentiments, je les ai fait disparaître. C'était la pire chose à faire.

J'essaye néanmoins de me remonter le moral. Morgan ne m'aurait que plus ralentit dans ma quête et je lui aurait blessé quoi qu'il arrive. Maintenant que c'est fait, je n'ai plus à m'en soucier. Mais je ne suis pas convaincue, alors j'enferme mes incertitudes dans un coin de mon esprit pour ne plus être tenter de faire marche arrière.

    Ma seule envie est celle de retrouver mon frère et de tuer le Dirigeant en passant. Oui, je veux mettre fin à son règne ! Et c'est la seule solution. Je me retourne pour apercevoir mon ancien professeur, au pied de l'arbre en train de me fixer. J'ai la vague impression de voir une larme couler le long de sa joue mais c'est sûrement une nouvelle illusion qui vient s'ajouter à la pile déjà présente.

    Je tourne en rond encore quelques minutes puis je décide d'aller m'excuser. Je rentre alors dans la tente où sont encore rassemblés Hélène et Marc, les autres ont dû partir se coucher. En y pensant un torrent de fatigue me bouscule mais je m'efforce tout de même à rester encore quelques minutes éveillée.

-    Je suis désolée de m'être emportée. Bonne nuit.

    Je n'attends pas leur réponse. Je sors en trombe de la tente aussi vite que je le peux. Peut-être ne m'ont-ils pas entendu ? J'ai parler tellement faiblement et rapidement, qu'ils n'ont sans doute pas pu en saisir le sens. Étrangement, je préfère croire qu'ils n'ont rien compris, ça me rassure.
    La nuit noire m'engloutit pendant que je cherche un endroit où m'allonger. Je suis exténuée et aussi très surprise de tenir encore debout après notre enlèvement et le trajet jusqu'ici. Je finis par entrer dans une tente vide, il n'y a pas de lumière mais j'arrive encore à distinguer un lit à même le sol. Je ne réfléchis pas et m'y écroule.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant