Chapitre Cinquante-huit

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L'homme me plaque contre une des parois du placard et referme du pied la porte derrière nous. Le bruit mat du panneau sera peut-être la dernière chose que j'entendrai. À moins que ne soit ma respiration saccadée ou encore celle de mon ravisseur qui est étonnement calme ? La dernière chose que je verrai et toucherai sera ce mur noir et sale. Les dernière odeurs que je sentirai seront les douces effluves de pins et de plantes qui émanent de l'inconnu.

Une minute. J'hume une nouvelle fois ce parfum. Il m'est familier. Je remarque alors la chaleur étrange qui se dégage de ses mains et cette odeur de nature puis la morsure à son bras droit que j'obesrve du coin de l'œil quand sa manche se soulève un peu ; je les reconnais. Je les reconnais ! L'enthousiasme et le soulagement s'emparent de moi.

- Morgan ?!? dis-je à travers ses doigts.

- Je suis là, chuchote-t-il.

Il me lâche quelques secondes plus tard. Je me retourne et découvre un Morgan qui m'est méconnu. Il porte l'uniforme noir et caractéristique de la Garde, le béret tout aussi sombre cache son visage de moitié et les galons dorés sur ses épaules apportent une petite touche de couleur.

Je ne peux pas m'empêcher de retirer son béret pour le balancer dans un coin de la pièce. Voilà, maintenant je peux voir ses yeux, ce vert si intense qui m'étourdit quand je plonge dedans. Quelques boucles brunes se prélassent sur son front et le taquinent en descendant sur ses paupières. J'ai envie de passer ma main dans ses cheveux juste pour sentir leur douceur et leur texture agréable entre mes doigts. Mais ce n'est pas le moment.

Lui aussi me dévisage. Son regard descend sur ma silhouette comme pour vérifier qu'il ne me manque ni un bras ni une jambe. Je souris face à son comportement surprotecteur. Il a beau être inquiet au plus possible, sa mine concentrée et sérieuse dans des moments comme celui-ci me fera toujours cet effet.

Je finis par rire franchement sans m'arrêter. Les gens peuvent nous entendre mais sur le moment je n'y fais pas attention, ce qui me coûte un regard noir de la part de Morgan. Sa main se plaque alors une nouvelle fois sur mes lèvres. Il tend l'oreille pour vérifier les bruits alentours avant de déposer un seul doigt sur ma bouche pour m'intimer le silence. Il s'écarte un peu après et le pli entre ses deux yeux s'accentue.
Pourquoi ton front est-il si froissé, Morgan ? ai-je envie de lui demander.

- Que fais-tu ici ? lancé-je, à la place.

- Je suis venu t'aider.

- M'aider ? Tu n'as peut-être pas compris que je partais pour être seule ! crié-je.

En un rien de temps, je perds mon sang froid, et malgré tout je ne veux pas me calmer. J'ai besoin de faire sortir tous ces cris muets qui me hantent depuis mon départ. Je dois les évacuer ainsi que toute la tension qui m'étreint. Morgan doit le comprendre puisqu'il n'hausse même pas le ton :

- Si, mais ce n'est pas parce que tu souhaites être seule que tu n'as pas besoin de moi.

Sa réponse me décontenance quelque peu. A-t-il vraiment raison ?

- Peut-être... Je ne sais pas..., murmuré-je.

Si Morgan n'avait pas été là, j'aurais sûrement été surprise par plusieurs soldats, c'est vrai. Mais je ne pense pas avoir réellement besoin de son aide.

" Allons, Katelynn. Tu ne vas pas me dire que tu n'as pas pensé à lui pendant tout ce temps. Si ? Je me trompe peut-être mais je crois que tu as besoin de son soutien pour retrouver Jules." commente la voix.

- Tu n'y connais rien Rose ! explosé-je.

Je ne voulais pas m'énerver mais je suis sur les nerfs et chaque petite remarque me met hors de moi. De plus je ne me suis pas retenue de seulement le lui dire mentalement, non, il fallait que je le crie, bien sûr... Tout le Manoir à dû m'entendre et ce n'est pas en notre faveur.

Parfois je mériterais vraiment des claques...

- Pardon ?

Sur le moment j'avais complètement oublié Morgan, pourtant Rose parlait de lui à l'instant. Je ne sais pas ce qui m'arrive. Ma concentration est de plus en plus absente, je suis irritée un peu plus chaque seconde. Je ne contrôle plus rien.

Je veux accomplir tout cela seule, pour prouver que je ne suis pas qu'une petite fille ! Je veux montrer que je suis capable de faire mieux que Marc et les autres. Quand je ne pouvais pas agir, je rêvais de le faire mais maintenant que j'en ai la chance je ne peux plus bouger. Je suis pétrifiée par la peur et les doutes.
Je réponds finalement à la question de Morgan, je dois tout lui dire :

- Je parlais à la voix dans ma tête, Rose, c'est ma tante. Je sais, c'est fou ! Je n'y ai pas cru mais c'est vraiment la soeur de Marc. Je n'arrive toujours pas à me faire à l'idée qu'il est mon père et je viens de découvrir une tante ! Après tout ce que j'ai perdu, je gagne tout de même une nouvelle famille ! Je ne sais pas si je mérite tout ça ou si je vais leur pardonner de m'avoir tout cacher pendant si longtemps. Mais je pense que je suis tout de même heureuse d'avoir un père, si je ne peux pas délivrer Jules aujourd'hui, je n'aurai pas perdu toute ma famille...

Mes propos sont complètement confus et absurdes. Je ne sais même pas s'il a compris un traitre mot de cette cacophonie. Un bref silence passe. Puis L'Élémentaire reprend la parole, une étincelle de curiosité au fond des yeux.

- Ta tante ? Mais où est-elle ? Dans ton cerveau ? Elle n'a pas de corps, ce n'est qu'une voix désincarnée ?

Morgan me perd définitivement avec toutes ces questions. Le pire c'est que je n'avais même pas penser à toutes ces choses avant. C'est vrai que je ne l'ai jamais vu. Elle est sensée être morte en plus !  Pourtant elle occupe bien mes pensées. Ou peut-être que non ? Suis-je devenue folle ?

" Non, je ne crois pas que tu sois à ce stade là, à moins que tu ne m'aies caché certaines choses..."

Rose rit et ses éclats résonnent dans mon crâne pendant quelques secondes avant de se calmer. Je lui repose mes questions et cette fois-ci, elle me répond sans sarcasme. Je n'aurai jamais cru qu'une scientifique et femme aussi intelligente puisse être aussi pessimiste et ironique à la fois.

" Ce n'est pas à moi de te répondre, Marc te le dira plus tard."

Je déteste quand elle préfère reporter ses explications au lieu d'être claire et de tout me dire dans l'instant. Mais je ne peux rien y faire...

- Alors ? insiste Morgan.

- Je ne peux pas te répondre, je n'en sais rien. Mais passons. Il faut que t'explique d'où nous viennent tout nos pouvoirs.

- Comment l'as-tu appris ?

- Tais-toi et écoute !

Maintenant c'est à mon tour de le surprendre.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant