Chapitre Soixante-dix

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J'ai vu ces derniers instants. Je me suis réveillée alors que les renforts arrivaient. Je voulais prévenir Morgan mais ma voix m'avait quittée. Puis le couteau a transpercé sa gorge et je n'ai plus pensé à autre chose. Une seule image, une seule m'obsédait, cette lame brillante dans le soleil qui se levait, aux reflets dorés sur le métal brillant.
J'ai vu le liquide couler, aussi rouge que la colère de la meurtrière. Cette dernière je l'ai vu disparaître, je ne sais qui l'a enlever. Je ne connais peut-être même pas les mains qui les a éloigné de nous. Tout ce que je sais c'est que même si sa silhouette n'est plus visible, ses mots et ses actions resteront à jamais gravés dans les mémoires, dans l'histoire.

    Face à une telle scène je devrais rester pétrifiée, complètement anéantie et horrifiée, mais non. Mon corps s'est réveillé pile au bon moment. Il n'y a alors plus qu'une pensée qui me hante : le sauver.
    Je me précipite à son côté et le tâte comme si mes mains étaient à la recherche d'un unique espoir : sentir encore la vie palpiter en lui.

    Mes doigts sur son poignet, détectent encore le faible poul qui émane de lui. Mon esprit est alors en ébullition, de la vie, un cœur qui bat lentement mais qui bat tout de même. Mon souffle s'apaise contrairement à mes idées qui se déchaînent. Il faut que je trouve un moyen de le garder en vie. Chaque seconde qui passe et me file entre les doigts réduisent mes chances. À chaque battement un peu plus de sang s'échappe de la plaie béante à son cou.
D'ailleurs j'évite au possible de voir cette affreuse tranchée qui defigure sa gorge. Le sang ne m'a jamais réellement effrayée, jusqu'à maintenant...
    Mes yeux se dirigent ensuite vers son visage qui est d'une pâleur si anormale et quasi translucide que j'ai l'impression de me retrouver devant son fantôme.
Une inspiration, une expiration, du calme, il faut se ressaisir.
    Les paupières fermées, j'entreprends une de ces anciennes méditations que m'enseignait Morgan il y a quelques mois.
Ces quelques mois m'ont paru passer comme des années entières. Tant de choses se sont déroulées. Tout à changer si rapidement en si peu de temps. Tant d'espérance et de confiance envolées dans cette aventure. Tant de drames et de joie vécus ! Rien n'est comparable. Personne à part ceux qui l'ont vécu ne peuvent le décrire, et encore... Je ne suis pas sûre d'avoir envie de le raconter à qui que ce soit. C'est comme si cette histoire avait sa place au fond d'un vieux coffre dans un grenier poussiéreux. On sait que tous les souvenirs sont là mais aucune main ne voudra s'y aventurer pour retrouver entre ses doigts des bribes de moments d'un ancien temps.

   Mes pensées sont surprises et stoppées dans leur élan. Pourquoi n'ai pas penser à cette solution plus tôt ?!?
Tout se passe très vite, je vois soudain tout en lui, la moindre parcelle de son être se répercutent sur mes iris éteints.
    Je vois cette organe si magnifique qu'est son cœur, il est éclatant d'une lumière verdâtre. Ce qui est un très mauvais signe. J'observe ses faibles mouvements en essayant de trouver le meilleur moyen de le guérir. Mais je m'égare en remarquant une chose étrange.
    J'arrive à ressentir chacune de ses cellules. Comme si ces fines particules respiraient à l'unisson, me soufflant un nouvel air. C'est la première fois que j'expérimente et vois ça, pourtant je le ressens comme une habitude, un savoir depuis longtemps acquis.

    Dans le noir de mes paupières fermées, je distingue tout le vert clair qui annonce son passage à trépas. Le sang fluorescent de Morgan éclaire faiblement ses veines. Une seule envie me possède, celle d'effacer ses taches de couleurs de son organisme. Pour retrouver un noir, ce noir qui sera synonyme de santé. Et tout de suite ! Le temps n'est pas infini et jusqu'à maintenant j'en ai perdu beaucoup trop.

    Je ne sais pas depuis combien de temps j'ai commencé sa guérison et je m'en fiche. Peu importe si cela dure des années, je veux juste qu'il reprenne conscience. Je colmate à l'aide des végétaux et de leur énergie chaque faille. Son cœur prend plus de sang de minute en minute, il expulse tout ça d'un mouvement lent et régulier. Il pompe, il renvoie... J'attends, concentrée, toutes mes pensées focalisées sur Morgan et son rétablissement. Il ne faut pas que je cesse d'utiliser mon don. Non, c'est impensable. Et pourtant je vois bien que je faiblis de plus en plus. Je viens à peine de m'éveiller d'un malaise et je comprends ma faiblesse mais ça ne doit pas m'arrêter. Non, mon propre corps ne doit pas lâcher. Je suis forte, je peux y arriver, je dois le ramener de ce côté-ci de la barrière, celle des vivants.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant