Cela fait une semaine que j'occupe mon poste. J'ai continué mes discutions ennuyeuses et journalières avec Anne. Elle ne m'a donné aucun renseignement intéressant pour le moment mais je ne désespère pas. Je n'ai pas reparlé à Morgan depuis «l'incident» à part pour des questions pratiques. Je ne suis plus retournée dans l'aile abandonnée et n'ai donc obtenu aucune des réponses que j'attendais.
Ma journée se finie. Anne sort de sa suite et je la précède quelques minutes plus tard. J'ai encore le goût sucré et doux des biscuits qu'elle m'a offert. Ce devait être la première fois depuis mon arrivée que je mangeais de la vraie nourriture. Quand je referme la porte, une voix grave retentit dans mon dos :- Que faisiez vous avec elle ?
- Pardon ?
- Avez vous parler à la femme qui vient de sortir ?
- Qu'est ce que cela peut vous faire ? demandé-je, soupçonneuse.
- À moi, rien. Mais cette femme est mariée au Dirigeant et vous ne pouvez pas lui faire confiance !
- Pourquoi ? Vous ne la connaissez même pas !
- Vous non plus !
Je brûle de colère, il n'a pas le droit de me parler sur ce ton aussi méprisant ! Ni de débarquer pour me faire la morale !
- Plus que vous en tous cas !
- Vous ne pouvez pas être prise d'affection pour l'ennemi !
- Prise d'affection ! Vous êtes tellement bête !
- Je ne vous permets pas !
- Ça ne sert à rien de parler avec vous. Vous voyez le mal partout.
Je me retourne résolument vers l'escalier qui mène à notre chambre, un étage en-dessous. Je marche mais sans courir. Je ne m'enfuis pas, je ne pars pas non plus par agacement mais parce qu'il ne peut pas encore comprendre que je fais mon travail. Il est trop borné. En plus, je n'ai pas l'esprit aux disputes. Je préfère rester seule pour le moment, m'éloigner un instant de toute cette pression.
Je l'entends qui s'approche mais il s'arrête. J'espère qu'il a compris que je ne veux pas continuer cette discussion. Je ne l'entends plus et ne m'en préoccupe pas. Je m'effondre sur mon lit et ferme les yeux. Je ne sais pas comment m'est venue cette envie d'espace si soudaine. D'un coup, j'ai voulu me déconnecter du monde, de partir. Je sens un léger mouvement près de ma main. J'ai juste le temps de voir le bracelet s'animer que la porte s'ouvre violemment et se referme de la même manière :
- Je n'accepte pas votre comportement avec moi ! Quand je vous demande une chose, faites le ! Alors dites moi ce que vous a dit cette femme !
- Taisez-vous.
Je me suis levée et lui fait face.Je ne sais pas comment j'ai fait pour lui clouer le bec aussi facilement. Je me serai mise en colère instantanément si je n'étais pas dans cet état de semi-conscience. Je continue plus doucement :
- Cette femme est une victime. Elle ne sait rien des occupations ni du système qu'a créé son mari. Je vous le jure. J'ai passé du temps avec elle pour obtenir des informations mais Anne n'est rien dans cette histoire, juste un jouet entre les mains de cet homme horrible...
- Vous n'en savez rien ! Je vous ai demandé de faire attention ! Nous sommes surveillés et vous, vous vous exposez ! rétorque-t-il sèchement.
Je reste étrangement calme :
- Écouter les autres, au lieu de croire que vous détenez, vous seul, toutes les réponses. Ce que je vous dit est vrai. Cette femme est inoffensive. Je me suis prise d'affection pour elle, comme vous le dites, parce qu'elle me fait pitié. Savez vous qu'elle a beau avoir une belle vie, elle est quand même enfermée ici depuis quinze ans, le soir même de son mariage ?Elle n'a rien choisi ! Maintenant laissez moi. Je ne me sens pas très bien, j'ai besoin de me rep...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase que ma vision se trouble puis un voile noir tombe. Je me sens approcher du sol ou l'inverse et percuter un meuble. Ma tête me fait affreusement mal et c'est à la dernière chose que je pense.
J'entends une ultime fois. Morgan est sorti et appelle à l'aide, il descend des escaliers et me laisse seule. Mais je sens des bras me soulever par les aisselles et mes jambes traînent, inanimées, sur le sol.
Je me réveille en sursaut et aspire une énorme goulée d'air comme si je n'avais pas respirer depuis longtemps. Ma vision est floue. Je ne vois rien. Un vertige fait retomber ma tête sur quelque chose de dur. Le coup est brutal mais je ne sens plus la douleur car j'ai déjà quitté la réalité.
Les rêves s'ouvrent à moi. Tout est noir puis soudain un ciel se dessine, blanc, un blanc anormal. Un soleil brille mais ne me réchauffe pas. Le temps paraît arrêté et moi, seule, bouge. Je suis au milieu d'une plaine qui n'a pas l'air d'avoir de limites, un paysage sans fin, troublant. Le bracelet s'anime, je reconnais ce chatouillement maintenant. Le bois vert s'étend. Il se transforme en une longue tige, et des feuilles d'un vert brumeux, comme recouvertes de givre, s'épanouissent de chaque côté. Elle danse ou flotte devant moi, je ne sais pas.
Je regarde de plus près et découvre des petites gouttes d'eau à leur surface, je les touche puis les feuilles disparaissent pour laisser place à autre chose. Ma main frôle mon front aussi humide que la plante.
J'immerge doucement mais sûrement de ce sommeil singulier. Mes yeux refusent de s'ouvrir, le premier oui mais le second paraît collé. Je palpe mon arcade et ma paupière. Ils sont recouverts d'une couche irrégulière qui laisse une odeur de métal sur mes doigts. Du sang. Je regarde de mon seul œil les alentours. Ma vision gagne en netteté de secondes en secondes.
Je remarque les lumières artificielles au plafond qui m'aveuglent. Les murs sont bruts, comme creusés dans la pierre. De la moisissure s'est installée dans un coin. La pièce empeste. Cette odeur me brûle la gorge. J'essaye de me redresser mais dès que je le fais le tournis me gagne et je retombe sur le béton, me blessant en retombant sur le crâne.
Vidée de toutes mes forces, mes muscles sont flasques et mon esprit brumeux. Je suis paralysée. Ma tête est plongée dans un brouillard impénétrable. Ma seule envie est de me rendormir mais je sais qu'il faut que je reste éveillée. Il faut que je découvre ce qui m'arrive et surtout ne pas perdre encore plus le contrôle.
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L'Élémentaire {En Réécriture}
FantasyQui a dit qu'une vie banale le resterait forcément ? Coincée au cœur d'un monde tyrannique, Katelynn ne rêve que d'une chose : la liberté. Alors qu'elle doit à tout prix se trouver un partenaire avant son dix-septième anniversaire, elle fait une r...