Chapitre Quarante-quatre

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La nuit commence à tomber autour de nous. Les étoiles dévoilent leur présence de leur éclat scintillant. Le ciel se dégrade en une multitude de couleurs avant de se concentrer sur le noir du soir.
Maxence, Hugo et Will nous proposent de rejoindre le camp. Je suis assez réticente mais mes deux compagnons ne me laissent pas le choix. Ils ont sûrement raison d'accepter. On a besoin d'un abri, de nourriture et aussi d'un bon bain. Mais un doute a émergé et je n'arrive pas à l'oublier. Les renégats sont-ils réellement des personnes fiables ? La réponse m'attend dans ce campement.

    Tout le monde se lève après une longue discussion où nous leur avons relaté notre chemin depuis le Sous-Noyau. Par contre, eux, sont restés très vague sur leur présence ici. Ils ont expliqué qu'ils erraient après avoir quitté les camps explosés du Sous-Noyau et sont tombés, comme par hasard, sur le groupe de ces pseudo-résistants mais je n'en crois pas un mot. Quelque chose cloche mais je ne peux pas mettre la main dessus en restant dans cette forêt. Pour ça, il faut que j'infiltre l'ennemi comme pour notre aventure au Palais de la Paix.

    Je reste un peu à l'écart pendant que tous discutent du camp : des duvets qui les attendent, de la nourriture et de la protection qu'on nous fournira. Mais c'est trop idéal pour que ce soit vrai. Je l'ai appris d'expérience. Tout ne peut pas aller aussi bien. J'ai certes un penchant pessimiste mais je sais quand une information manque à l'appel et ici il n'y en a pas qu'une. Les trois garçons n'ont pas été honnêtes avec nous pour une raison inconnue mais je percerai leur secret, en tout cas j'essayerai.

    Une ombre se balade sur le côté de mon champ de vision puis se rapproche. Morgan se met à ma hauteur. Je ne suis pas d'humeur à discuter mais il ne le fait pas. J'aime ce côté qu'il a de décrypter mes envies mais savoir qu'il me connaît plus que je ne le peux moi-même m'effraie au plus haut point. Il me tient compagnie pendant plus d'une dizaine de minutes avant d'engager la conversation :

-    Tu ne leur fais pas confiance.

-    Comment tu le sais ? m'exclamé-je.

-    Tu n'es pas très discrète. Rien qu'à ton expression ou ta façon de parler. Et pour finir tu crées le plus de distance entre vous.

    Je déteste sa façon de me cerner si facilement. Comment peut-il savoir tout ça ? Il ne m'a regardé qu'une fois et comme une illumination, il s'est mis à tout savoir ? Non. Il a juste une facilité déconcertante à me comprendre. Une toute petite partie de moi s'en réjouit mais l'autre ne veut pas qu'il continue son manège. Il ne doit pas me connaître si bien. Je sais ce que notre proximité engendrerait et je n'en ai pas envie. Pas maintenant. Pas quand tout semble s'effondrer. C'est inenvisageable.

" Tu as le droit d'être heureuse, tu sais."

Oui et je crois bien que sans cette stupide voix, je le serais ! Elle m'agace et elle le sais en plus, mais non ça ne l'empêche pas de faire des intrusions dans mes pensées !

    Et de toutes façons, je ne pense pas qu'une relation avec Morgan m'aiderait à me sortir de ce merdier. Au contraire, j'aurais encore plus de soucis et je n'en cherche pas. De plus, je ne suis pas prête pour ce genre de choses.

"Tu peux te trouver autant d'excuses que tu veux, Katelynn."

    Arrête ! Stop ! Tu ne sais rien sur moi. Tout ce que tu interceptes ce sont mes réflexions. Tu me voles mon intimité et tu crois savoir tout mieux que moi. Tant mieux pour toi ! Mais laisse moi tranquille ! Je n'ai rien demandé. Je veux penser librement sans avoir un témoin invisible dans ma tête. Et si tu penses que je me trouve des excuses, tu te trompes ! Je ne cherche pas de petit copain ou d'autres emmerdeurs ! Je peux me débrouiller seule ! Et je pense être émotionnellement incompatible avec les sentiments qu'on peut éprouver pour un homme ou un quelconque être vivant ! Je n'ai même pas de véritable lien avec mon frère ou fut ma mère. Alors comment avoir de l'espoir en quelque chose qui est déjà mort ?!? Aucun. Tu peux interpréter tout ce que je dis et m'analyser autant que tu veux mais tes remarques ne changeront pas mes décisions. Et je sais que tu me parles juste parce qu'il t'est impossible de choisir ou d'agir par toi-même ! Tu n'es qu'une voix, un son que je m'invente !

-    J'en ai marre !

    Je n'ai pas pu m'en empêcher mais heureusement je l'ai prononcé assez bas pour que les autres n'entendent pas. Par contre Morgan, lui, m'a écouté.

-    Tu n'es pas la seule.

    Sa réponse me choque tellement que j'en garde la bouche entrouverte.

Nous continuons de marcher pendant quelques minutes sans parler, le temps que je me ressaisisse. Morgan n'était peut-être pas là pour assister à mon échange avec la voix mais il me soutient tout de même. Il a dû comprendre que je parlais de notre situation et je ne peux pas le laisser penser ça plus longtemps.

-    En fait j'en ai marre de cette voix, dans ma tête. Certes je ne suis pas trop pour rejoindre le camp mais pas jusqu'à ce point.

-    Encore la voix ? demande-t-il, perplexe.

-    Oui. Je ne sais pas comment m'en débarrasser.

-    Je ne crois pas que ce soit une bonne solution. Au lieu de vouloir la voir partir, tu devrais te demander pourquoi elle est là. Je ne pense pas qu'elle a le devoir de te pourrir la vie.

-    Alors pourquoi est-elle dans mon esprit, à ton avis ?

-    Je ne sais pas. Elle dit peut-être des choses intéressantes ? ajoute-il.

-    Cette femme ne répond pas à mes questions mais elle m'assure que mon père y répondrait par contre. Mais il est mort depuis longtemps. C'est impossible.

-    Oui, c'est étrange. Elle n'a pas dit autre chose d'utile ?

-    Je ne sais pas. Elle reste souvent dans le vague mais la plupart du temps elle n'arrête pas de me taquiner.

-    Te taquiner ? questionne-t-il, un sourcil levé en se tournant vers moi.

    Je deviens soudain rouge et baisse la tête. C'est grave de se faire rabaisser par une femme imaginaire dans son propre crâne, non ?

-    Oui, murmuré-je.

-    Tu as honte ?

-    Un peu. C'est insensé tout ce que raconte. J'en suis bien consciente mais elle est vraiment là. J'ai envie de croire qu'elle est imaginaire. Si c'était le cas, je pourrais la faire taire moi-même mais c'est impossible.

-    Je ne sais pas quoi te dire. C'est assez..., commence-t-il mais je le coupe.

-    Insolite, bizarre, complètement improbable !

-    En ce qui nous concerne tout ce que nous vivons l'est. Nos pouvoirs, ce voyage, l'enlèvement de ton frère, notre précédant kidnapping, la plante qui s'enroule autour de ton bras et la liste est longue. Jusque là ça ne nous a pas plus dérangé mais tu dois vivre avec.

-    C'est vraiment pas pratique. On aurait pu choisir d'autres personnes mais non. Toi et moi, on a récupéré toutes les merdes et ça continue, déblatéré-je.

-    Évite d'être grossière, quand même.

    Je me tourne vers lui. Il affiche un grand sourire moqueur. Mes lèvres bougent toutes seules, comme quoi sa bonne humeur est contagieuse. J'efface vite mon sourire pour me concentrer sur la route et les quatre silhouettes qui nous devancent.

-    J'ai peur, lui avoué-je.

-    On est deux dans ce cas.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant