Chapitre Quarante-deux

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Le hurlement de Morgan transperce l'air et mes tympans suivent. Les trois hommes essayent de le maintenir contre un arbre mais il se débat. J'hésite entre rester avec Rebekah qui a sûrement besoin de soin et Morgan. Je décide de l'aider, elle, plutôt qu'un Élémentaire de feu qui peut se débrouiller seul. Mon estomac se creuse, la culpabilité s'infiltre dans mon esprit mais j'y fait abstraction le temps de la sauver.

    Mes doigts palpent son cou pour trouver son pouls qui bat faiblement contre ma peau. Je ne suis pas médecin, je ne sais pas ce qu'elle a mais je vais me débrouiller. Aucune blessure n'est apparente à part une petite entaille sur son front. J'applique mes mains sur la blessure et vide mon esprit. Chaque inspiration m'enlève un peu plus de pensées noires et tristes. Je me lave un peu de cette saleté qu'est la souffrance, la mélancolie et la colère. Mais la poussière ne disparait jamais et revient toujours pour recouvrir chaque objet d'une fine pellicule grisâtre. Toutes ces émotions reviendront, je le sens mais quelques minutes détachée de tout ça ne me fera que le plus grand bien.

    Une fois la méditation achevée, j'aspire une dernière goulée d'air avant de ressentir le picotement sur mon poignet puis un flux puissant et incomparable me traverse. Sa chaleur me surprend subitement. La puissance glisse dans mes veines. Je sens le pouvoir s'écouler sur mes bras pour rejoindre la coupure de ma patiente. Mes yeux se ferment. Le noir complet ne m'offre aucune visibilité puis soudain je voie comme si la lumière apparaissait à ma demande. Des tâches vertes révèlent l'intensité de ce qui se passe. Elles colorent la blessure d'une légère pointe de couleur tandis qu'une véritable cascade de lumière verte descend le long de ma tête et de mes bras pour rejoindre son but. Les fils colorés s'enroulent et se déroulent à l'image de vagues puis viennent se perdre dans la peau de Rebekah. Bientôt le noir reprend sa place mais pas complètement. Une empreinte ne disparait pas. Elle est légère mais quand j'y fait plus attention, sa lueur s'intensifie grandement. Elle est située dans le crâne de la jeune rousse. Je dirais plus dans les environs de son cerveau. Je n'ai jamais eu affaire à ça. Je ne sais pas si cette nouvelle découverte est bien ou non. Serait-ce une indication pour la soigner ? Chaque tâche indique normalement un mal. Mais si ce n'était pas ça et que j'utilise mon pouvoir, que se passera-t-il ? J'ai peur de faire quelque chose d'irréversible si j'agis. Je sors de ma transe et ouvre les yeux. Le corps de mon amie est toujours affalé sur lui-même. Je reprends son pouls qui se fait de plus en plus faible. Et si la lumière dans sa tête n'est autre qu'une commotion ou bien une contusion au cerveau ou encore bien pire ? Je me remémore toutes les choses que j'ai lu dans les livres. Le cerveau est un organe tellement fragile qu'un faux pas peut coûter la vie. Si c'est réellement une blessure à soigner, je devrais me dépêcher mais dans le cas contraire, je la tuerais ! Je ne peux pas prendre cette décision. Impossible. De la sueur m'obstrue la vue, je tremble et soudain comme si mes oreilles s'étaient débouchées, j'entends des cris derrière moi. Je déteste me retrouver impuissante. D'un côté, si je viens en aide à Morgan nous risquons d'y passer tous les deux et Rebekah mourrait sûrement alors que si je la guérie d'abord on sera deux fois plus à aider Morgan et on aura peut-être une chance. Je tergiverse et en plus du stress, un mal de tête affreux me vrille le crâne. Que dois-je faire ? pensé-je.

"Soigne la, tu en es capable. Je pourrai t'apprendre si tu veux."

    La voix me surprend. Je ne m'attendais pas à l'entendre et pourtant elle était là depuis le début, j'aurais pu le prévoir mais non. Étrangement je la crois. Cette femme qui me parle est peut-être une suite de paroles imaginaires, un délire dont je ne pourrais sortir mais je n'y pense pas. Je lui fais confiance.

    Mes paupières se ferment pour m'aiguiller avec ma vision bicolore. La tâche verte est un peu plus visible, j'ai peur qu'elle n'ait grandit entre temps ce qui me pousse à agir. Il faut que je l'arrête maintenant.

    La voix revient : "N'aies pas peur, dirige juste ton pouvoir sur la Trace et fais comme pour une blessure anodine. Mais fais le vite."

Je l'écoute et respire encore quelques fois pour me calmer. Je sens l'énergie me traverser de part et d'autre. Le flux continue sa course effrénée puis je pose enfin mes mains sur la tête de mon amie pour y concentrer tout mon pouvoir. Une vive douleur me transperce, je n'arrive pas à la localiser comme si elle habitait mon corps entier. Je ne dis pourtant aucun mot et aucun cri ne s'échappe non plus. Je n'ai plus que cette forme verte et floue dans mon champ visuel. Je n'ai aucune idée du temps qui s'est écoulé, je dirais des heures mais ce n'est sûrement que quelques secondes puisque quand je reviens à moi, les cris de nos ravisseurs et de Morgan n'ont pas changés.

    Je relâche la pression sur les tempes de Rebekah et attends. Est-ce que ça a fonctionné ? Et comme par hasard, la voix se tait. J'ai tellement envie de passer mes nerfs sur elle juste pour ses énigmes et ses remarques. Mais pas aujourd'hui, je n'ai déjà pas le temps et en plus elle m'a aidé au lieu de se moquer de mon incompétence. Je la remercie silencieusement.

"De rien."
Son petit rire s'efface bien vite mais il m'a appris qu'elle entend tout ce que je raconte. Au moins, je ne parle pas toute seule mais ça ne me rassure pas.

    Rebekah ne montre aucun de signe de vie. Je reprends les pulsations de son cœur qui se sont affirmées. Elle est en bonne voie. Quand je regarde avec ma nouvelle vision, je remarque que le noir remplace la tâche ou la Trace comme l'appelle la voix. Elle doit s'y connaître mieux que moi ce qui est assez bizarre. Je suis tout à coup arrachée de mes pensées par un grognement et un souffle tout proche.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant