Chapitre Vingt-deux {2}

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Un silence tombe comme une chape de plomb. Il a été déstabilisé, je comprends mais pourquoi en fait-il tout un plat ? Nous savons tout les deux que je n'étais pas dans mon état normal. Mais je décide quand même de mettre les choses au clair une dernière fois :

-    Ce n'était pas vrai. Tu n'as pas encore saisi ? J'étais désorientée, tu étais étonnement calme et gentil. Je venais d'avoir mon premier baiser et tu étais la seule personne a m'avoir apporté de l'affection ces derniers temps. En plus je sortais d'un mauvais pas. Tout cela n'était qu'une erreur ! Je ne le pensais pas, je ne l'ai jamais penser. Je n'ai jamais ressentit une onde d'amour que ce soit amical ou pas pour toi. Jamais.

    Morgan ne répond pas. Quelques minutes s'écoulent dans un malaise palpable. Les seuls bruits qui m'atteignent sont le froissement des feuilles d'automne sur le sol, le chant des grillons et le doux hululement d'une chouette.

    Je n'ai plus rien à faire ici. Il faut que je parte avant de mettre à exécution l'idée de le balancer dans le lac. Je ramasse prestement mes chaussures et mes chaussettes en m'éloignant le plus vite possible. Quand j'arrive dans la rue, je pense à remettre mes chaussures mais ayant peur que Morgan me rattrape pendant ce laps de temps, j'y renonce et m'écorche les pieds sur les pierres dallant la rue.

    Je ne sais pas s'y cela va devenir une habitude mais je sais que l'entendre me courir après est plus énervant à chaque nouvelle fois.

"En même temps tu serais tranquille si tu ne t'enfuyais pas tout le temps."

Je fait taire cette voix agaçante et continue sur le sol sale et encombré d'ordures. Alors que Morgan arrive à mon niveau, j'accélère. Il se poste devant moi comme le ferait un soldat de la Garde. Je lui rentre dedans croyant qu'il allait s'écarter mais non. Je plaque mes mains sur son torse pour l'éloigner mais il ne cille pas.

-    Laisse moi, crié-je.

    Il m'arrête en posant brutalement sa main sur ma bouche. Il murmure, épuisé par mon comportement :

-    Ne dis pas un mot de plus ou sinon nous allons avoir des ennuis.

    Pour le moment la Garde est le cadet de mes soucis, tout ce que je veux c'est m'écarter de ce type mais il me serre fort contre lui pour me calmer. Je capitule et le suis docilement sur le chemin de la maison. Me frottant les lèvres pour me débarrasser de la sensation de chaleur que la paume de Morgan a laissé.

    Au moment où nous entrons, le silence nous assourdit. L'habitation à l'air abandonnée. Un silence n'augure jamais rien de bon, c'est une leçon que j'ai retenue. Celui-ci est encore plus lourd de menaces que certains. Le panneau en bois se referme dans un grincement sinistre. Je m'avance lentement. Le spectacle que m'offre la cuisine est horrible : les chaises sont renversées, certains pieds ont été arrachés, les dossiers sont endommagés. La nappe est par terre avec des assiettes pleine de nourriture. Les plats vomissent les quelques aliments qu'il y reste. La vaisselle fracassée forme une petite mer blanche et transparente où se reflète la faible lueur des lampes. Je réprime un hurlement d'horreur. Que s'est-il passé ?

-    Maman ? Jules ?

    Personne ne me répond. Toute ma colère est retombée, remplacée par un sentiment de peur grandissant de seconde en seconde.

"Personnellement je préférais être en rogne contre Morgan".

Je ne relève pas.

    Je fait attention à ne pas trébucher dans tout ce cataclysme domestique et essaye d'atteindre les autres pièces. J'ouvre la porte de la salle de bains, qui est comme je l'ai toujours connu, petite et sale. Elle est restée intact comparée à la chambre de Jules que je traverse. Son lit est littéralement retourné. Sa bibliothèque est à terre et ses livres écrasés sur le sol recrachent des pages déchirées et cornées. Toutes ses affaires sont brisées comme dans les autres pièces.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant