Chapitre Cinquante-trois

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Je ne pensais plus être surprise après la révélation de Marc mais il se trouve que c'est faux. La voix m'a complètement perdue avec ses derniers mots.
Je n'avais pas pensé ni à mon père ni aux autres pendant ces quelques jours pour éviter de revoir une horrible culpabilité m'étreindre. Quand je pense que je les ai abandonné et que je me suis enfuie comme je le fais si bien. Je me dis que je n'ai même pas  réussi à changer après toutes mes erreurs. La seule chose dont je sois fière c'est d'être au moins revenue une fois pour Morgan. Au moins ce n'est pas lui qui a couru pour me retrouver. Non, je suis retournée en arrière pour l'embrasser et ensuite le laisser tomber.
Ce dernier moment passé ensemble a été l'un des plus fabuleux de ma petite vie. Il gardera au moins un bon souvenir de moi au milieu de toutes mes mauvaises actions.

J'ai l'impression de découvrir une nouvelle famille alors que je n'ai perdu une il y a de cela quelques semaines. Mais je ne resterais plus seule pour longtemps, demain je vais chercher Jules !

J'ai un père, une tante et un frère. Mais je ne pense pas mériter tout ça. Ma réaction avec Marc m'a permise de ne pas monter sur mes grands cheveaux face aux paroles de ma... tante. Cette fois-ci, je ne pars pas et attends, tranquillement dans un doux silence, le reste des explications. Je ne pose plus de questions, je n'ai plus la force, mes muscles sont morts et ma bouche est trop sèche pour pouvoir parler. Heureusement que je peux penser mais même là, je ne fais rien. Les réponses viennent toujours au bon moment, il faut juste être là quand elles arrivent.

" Je préfère te montrer plutôt que de te conter." dit-elle avant que je sois plongée dans un immense trou noir.

Mon subconscient s'éveille et je me retrouve dans une pièce immaculée. Tout le monde porte une blouse aussi blanche que la mienne. Des instruments, des tubes et différentes solutions attendent sur des paillasses. Des hommes, de tous les âges, regardent dans de nombreux livres colorés et vieillis par le temps pendant que d'autres écrivent à la plume sur des cahiers vierges des formules complexes pleines de chiffres et de symboles.

"J'ai été la première femme à intégrer les laboratoires du pays. J'avais alors ton âge. Mais mon travail n'était pas pris en compte. Je travaillais dans la pièce que tu vois et j'ai expérimenté toutes sortes d'inventions. On me prenait pour une folle, un monstre, ni vraiment femme ni vraiment homme. Tous me lançaient les pires regards et insultes à cause de mon parcours en tant que scientifique."

En effet, quand je tourne la tête vers le groupe de chercheurs, je remarque leurs petits yeux noirs qui me cernent. Certains font des mouvements dans ma direction pour lancer des réflexions sur ma silhouette et ce qu'il voudrait y faire. J'ai envie de vomir mais me retiens. Il ne faut pas réagir à leurs critiques. Il faut juste travailler, pensé-je comme détachée de mon propre esprit.

" En réalité, il avaient peur de mon génie. Ils avaient conclu que si une femme avait réussi à arriver jusqu'ici, d'autres pourraient le faire aussi. Ils avaient bien raison de me craindre puisque j'ai créé trois ans plus tard un sérum pouvant changer les codes génétiques humains afin de les rendre plus forts. Je ne pensais pas de mal en le créant. Ce projet, je lui ai consacré plus de dix ans de ma vie. Enfant, j'avais déjà commencé à écrire les premières étapes puis d'années en années, j'ajoutais les éléments un à un pour finir par un produit fini mais instable.
Le Dirigeant avait entendu parler de mon sérum et m'a convoquée puis engagée. J'ai travaillé dans ce Manoir. Émeric ne voulait pas qu'on me voit au Palais alors je suis arrivée ici."

Les images changent dans ma tête. Je me vois travailler sur le sérum en avance si rapide que je n'arrive à repérer que quelques images : un liquide transparent qui danse dans un tube, un microscope qui se règle, des cahiers avec des notes remplissant des centaines et des centaines de pages... Puis tout devint noir avant de refléter l'immense silhouette du Manoir. Il n'a pas changé depuis toutes ces années. Il n'y a que les alentours qui sont différents : il n'y a que des pins et des sapins qui s'étendent jusqu'à l'horizon. Aucune fleur, seulement des mauvaises herbes et des ronces. Je suis ensuite transportée dans une chambre macabre sans fenêtre avec pour seul ameublement un lit abîmé et sale.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant