Chapitre Treize {3}

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    Je m'aide du bras de Tom pour ne pas tomber. Je tremble toujours autant, les effets du calmant n'ont pas encore totalement disparus. Nous sommes à l'étage des domestiques près des salles du traitement du linge. Une unité de gardes arrive et ils sont armés jusqu'aux dents. Ils savent tous qui je suis apriori alors il ne faut pas rester là.
Tom prend un chariot de linge et je plonge dedans me camouflant avec les tissus sales. Vaut mieux ne pas penser à ce qu'on traversé ces vêtements pour sentir aussi mauvais.

    Lorsque Tom roule pour rejoindre la sortie rapidement, je me cogne contre les parois mais heureusement le linge amorti un peu les coups.

    Je respire par la bouche. Je commence à manquer d'air sous ces étoffes. Je risque ma main à l'extérieur pour écarter un vêtement et aspirer de l'oxygène mais Tom me la claque pour m'avertir de ne plus recommencer.

    Je suffoque et transpire. C'est une vraie fournaise sous ces draps sales.

Une porte claque et une voix- que je n'entends pas bien- rejoint celle de mon compagnon. J'arrive à attraper quelques mots :

-    ... fais là?

-    ... pose pas ... questions. Suis-moi.

Mon carrosse reprend sa course folle et je me demande qui peut bien être l'homme qui parle à Tom, un collègue, un soldat corrompu ? Impossible de savoir sans sortir de cet entrelacs de vêtements.

    Nous traversons une autre porte et rencontrons des escaliers. Tom n'est pas tendre avec moi et dévale les marches. Je sens mes côtes vibrées et je tressaute dans l'espace exiguë. Je réussis même à me mordre la langue jusqu'au sang à cause des secousses. Heurtant plusieurs fois les panneaux, je souffre en silence.

    La dernière marche est franchie et je souffle de soulagement mais ma torture à l'intérieur de ce chariot recommence après l'ouverture d'une seconde porte. Je conclus que nous sommes dans l'allée des graviers puisqu'ils crissent sous les roues et secouent l'embarcation. Nous sommes enfin à l'extérieur. J'entends des armes à feu tirer et se recharger guidées par les gardes qui doivent, en ce moment même, exterminer les renégats.

-    Dans les arbres ! crie l'inconnu.

    La voix me parvient déformé sous les couches de linges. Des branches craquent, ils sont dans le bosquet à l'entrée du palais.

-    Sors ! me demande Tom, d'une voix paniquée.

    Je ne le fais pas répéter et aspire une forte goulée d'air, une fois ma tête sortie. Je m'extirpe du véhicule de fortune et saute à terre mais me réceptionne mal et tombe à genoux, les mains dans la terre. Je m'essuie sur ma robe grise.

-    Enfin ! Je commençais à...

    Je ne finis pas ma phrase quand je relève la tête. L'inconnu n'est autre que Morgan. Encore et toujours lui... Il a l'air mal en point. Ses cheveux sont ébouriffés au maximum et ses yeux brillent de fatigue. Sa tenue d'agent d'entretien est tachée à quelques endroits mais je n'arrive pas à déterminer leur origine.

-    Qu'est ce qu'il fait là ?

-    Sympathiques les remerciements, renchérit Morgan sur un ton lasse.

Il est vraiment gonflé de me sortir ça alors qu'il ne fait pas mieux. Sale type !

-    Oui, vous devriez déjà être habitué, je le défie du regard.

-    Désolé d'interrompre vos charmantes retrouvailles mais il faut la faire sortir avant la fin de l'attaque, je vous le rappelle.

-    C'est bon, je ne vous embête pas plus, j'y vais.

    Je me relève et commence à marcher en direction du bois mais Tom me retient :

-    Non. Pas seule.

-    Mais tu m'as dit que tu devais resté, lui rappelé-je.

-    Exact, moi mais pas lui, il montre Morgan.

-    Oh non !

-    Arrêtez avec vos caprices. Vous n'avez rien à dire, vous êtes faibles et je suis votre escorte jusqu'au camp, confirme l'Élémentaire.

-    Sérieusement ? Non, je refuse de faire la route avec lui.

-    Katelynn, me dit doucement le soldat, fais un effort.

    Je le regarde en essayant de le faire changer d'avis mais rien ni fait, il reste sur sa décision et je suis obligée de supporter la dernière personne que j'avais envie de voir après le Dirigeant, Morgan... Comme quoi ma liste s'agrandit...

    Les combats commencent à diminuer dans les jardins du palais.

-    Partez, glisse Tom en laissant le chariot de linges sales derrière lui.

    Je n'ai même pas eu le temps de lui dire au revoir. Mais les déceptions sentimentales ne sont pas à l'ordre du jour.

    Comme à son habitude Morgan me prend le poignet et je secoue la main pour m'en défaire. Mais au même moment, je glisse et m'affale à plat ventre sur un homme de la Garde à terre, il est inconscient. En me relevant, ma jambe rentre en contact avec un objet froid qui me brûle quand je le frôle. Je me suis empalée sur la baïonnette de son fusil, du sang coule mais je ne m'en préoccupe pas et commence à courir pour me mettre à l'abri des tirs qui se rapprochent.

    Morgan me jette sur son épaule comme un sac pour aller plus vite. Ça va devenir une habitude ou quoi ?!

-    Je vais vous tuer ! dis-je, énervée par son initiative.

-    Sauf si les gardes s'en occupent avant, rit-il avec angoisse.

    Une douleur me lance dans la jambe et je regrette mon calmant, les effets se sont estompés quand j'étais dans le chariot. J'ai la tête à l'envers, si j'avais avalé quelque chose avant j'aurais sans doutes déjà rendu mon repas. Morgan me serre un peu plus les jambes quand on s'enfonce dans le bois après avoir passé une zone à découvert. Je ne peux m'empêcher de pousser un cri de douleur.

    Mon compagnon court vite et fini essoufflé. Il me pose sur les racines protubérantes d'un arbre. Je tiens ma jambe et hurle sous la torture de ma coupure. Quand je retire mes mains, elles sont couvertes de sang, j'ai un haut-le-cœur.

    Morgan examine ma blessure et dit calmement :

-    Ne la touchez plus, je m'en occupe.

-    Non !

-    Vous n'avez pas le choix, cette fois son ton est plus dur.

    Il étale ma jambe et retire ma chaussure suivie par mon bas. Ma combinaison recouvre entièrement mon corps avec une partie plus dense sous mon pied comme pour imiter une chaussure. Le couteau a traversé le tissu, Morgan l'écarte et déchire toute la partie qui s'étendait du genou au pied. L'entaille est nette et sanglante, elle est longue de trente bons centimètres et profonde.

    Il enroule le tissu arraché et me le tend :

-    Mordez le.

    J'hésite mais son regard m'en dissuade. J'y enfonce doucement mes dents mais quand Morgan commence son traitement j'ai l'impression que ma mâchoire appuie tellement fort sur le tissu qu'il pourrait se déchirer. Je le regarde. Une main tient ma jambe en place et l'autre parcoure la blessure. Il cautérise la plaie avec son pouvoir d'Élémentaire de feu. Je brûle de l'intérieur et sue à grosses gouttes. Je finis par lâcher le tissu et hurle de toutes mes forces. J'ai tellement mal !

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant