Chapitre Neuf {5}

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L'aube caresse de ses premiers rayons, les nuages filandreux, les colorant en orange, rose et bleu... La lueur m'aveugle quelques secondes après être restée si longtemps dans la pénombre de la cabine.

L'air me fouette quand je sors du véhicule. Mes cheveux s'emmêlent et me cachent la vue. Je les repousse et commence à sortir Morgan de la voiture avec l'aide de Tom, qui vient de s'éveiller. L'Élémentaire a toujours les paupières baissées, sa respiration est calme. Dans d'autres circonstances ; sans les derniers événements et toutes ses plaies, que nous n'avons pu soigner pendant le voyage, faute de matériel ; on pourrait croire qu'il dort...

Le passage sous-terrain habituel des bases du Sous-Noyau s'ouvre, caché derrière une butte de terre. Nous descendons des escaliers tellement glissants que je manque de tomber entraînant Morgan avec moi. Diane pousse une porte et j'entends :

- Diane !?!

Un bruit sourd s'ensuit, celui de quelqu'un qui saute au cou de l'autre.

Je découvre une petite femme replète d'une trentaine d'années, avec des cheveux roux un peu ternes et de grands yeux gris clairs qui nous fixent en entrant.

- Qui est-ce ? demande l'inconnue, méfiante.

- Ce sont des amis. Tom, Katelynn et Morgan, elle nous montre un à un en grimaçant sur le nom de mon professeur, quand elle pointe son doigt sur lui. Deux bases ont été attaquées et on cherche un refuge le temps de regagner la prochaine base.

- Oui, vous pouvez rester. Je suis sûre que la direction acceptera. Vous devriez le conduire à l'aile médicale avant tout.

Un médecin grisonnant en blouse blanche, accompagné de deux jeunes infirmières, emporte Morgan sur un brancard dans une salle fermée.

Daphné, celle qui nous a accueillit, est l'ancienne compagne de chambre de Diane, pendant les deux ans qu'elle a passé ici avant de rejoindre la base principale, au Noyau.

Elles ont l'air très complices et n'arrêtent pas de discuter à voix basse. Je les entends s'échanger les dernières nouvelles. Je suis éreintée et demande un endroit où je puisse me reposer. Elles me montrent une porte. En m'éloignant d'elles, j'espère que Diane ne racontera pas à Daphné se qu'il s'est passé un peu plus tôt dans la voiture.

Je n'ai presque pas fermé l'œil la nuit dernière et vacille sur mes jambes qui vont bientôt s'effondrer sous le poids de la fatigue.

Je rejoins la direction qu'elles m'ont indiqué. La salle des douches, qui est commune à cet étage, se trouve juste à côté. La chambre se compose d'un lit et d'un chevet. C'est petit mais ça me suffit amplement. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai toujours aimé les petites pièces, elles ont quelque chose de plus personnel et d'unique.

Je m'effondre sur le lit et m'endors immédiatement.

Je revis la scène dans la voiture mais je la voie de haut ou non je suis plutôt sur le côté. Je suis la plante, je ressens encore plus intensément toutes les sensations que j'ai perçu pendant ces quelques minutes. La plante s'avance vers Morgan, je la suis. Elle se pose sur lui et la lueur verte m'éclaire. Je suis maintenant dans la feuille, mon visage frôle les blessures sur son torse, la lumière jaillit et irradie sa poitrine, les entailles s'effacent sous le halo vert, elles disparaissent. En quelques secondes, il n'y a plus rien, plus aucunes traces des coupures, plus de sang... Rien.

Je ne me réveille qu'en fin d'après-midi.

Me sentant sale après toutes ces aventures, j'opte pour une douche tiède. Je me brosse les cheveux et les noue en une queue de cheval haute. Mon reflet n'a pas changé mais mes yeux sont plus bleus que de coutume, ce qui me plait. J'ai toujours aimé cette couleur, elle me rappelle le ciel en été... Les jeux avec mon frère , quand nous étions enfants, sous le soleil chaud d'une après-midi... Mais je ne peux plus penser au passé. Je dois me concentrer sur le présent. Tout ce que ces souvenirs m'apportent c'est une triste nostalgie.

Mes pas me dirigent vers l'aile médicale, à l'opposé de ma chambre. Elle comporte une salle d'opération et quelques chambres. Une baie vitrée donne sur celle de Morgan que je repère tout de suite puisque c'est la seule occupée. Ici, j'ai l'impression que la vie s'est arrêtée. Je n'ai encore croisé personne, comme si le temps n'existait pas...

Morgan a été lavé, son visage est propre, on distingue encore mieux toutes ses coupures et bleus. Je m'affale sur un fauteuil en face de son lit. La tête dans les mains, j'essaye de me convaincre de regarder ce qu'a fait le bois mort.

Je soulève doucement les draps, pour éviter de le réveiller même si je sais qu'il ne le fera pas. Il ne porte qu'un pantalon de coton immaculé. La partie de son torse touchée par le végétal est...

Saine, il n'y a plus rien, aucune blessure. Comme si, comme si, la plante l'avait "guéri" ?

Je me rappelle de mon rêve, cette nuit. Étais-ce une relecture de ce qui c'était réellement passé ? Comment ai-je fais pour voir ce que je n'ai pas vu ? Je mets cette pensée dans un coin de ma tête.

Je regarde mes mains, fascinée... Je suis capable de faire revivre les plantes mais aussi d'insuffler la vie avec leur aide. J'en suis stupéfaite même plus, je ne sais pas expliquer ce que je ressens maintenant...

Cette émotion est tellement forte qu'elle éveille l'anneau de bois sec, il recommence son ballet de petites pousses, de tiges et de feuilles. La plante vient de nouveau se poser sur Morgan. La lueur verte est faible cette fois.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant