Chapitre Sept {1}

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Morgan m'a expliqué que nous sommes dans un petit refuge blindé. Il y a des lits de camp par terre, de la nourriture, séchée pour plus de conservation, entreposée dans des cartons dans un coin de la pièce, des couvertures à notre disposition sur des étagères bancales et accompagnées d'une trousse de premier secours.

Le bruit des pas n'a pas cessé au dessus. J'ai peur, très peur... J'essaye de repousser mes émotions en méditant comme me l'a appris Morgan. Je me détends et suis toujours surprise de découvrir qu'après ça j'ai les idées plus claires.

- Que feront nous une fois sortis ?

- Nous rejoindrons le bureau de Marc, si ça nous est impossible nous devrons prendre le plus de choses et fuir.

- Vers où ?

- Une autre base.

- Où ?

- Je crois qu'il y en a une à deux jours de marche, toujours au Noyau mais plus sur le secteur nord.

- Il faut qu'on retrouve les filles.

- Oui, mais on ne peux rien. Maintenant dormez.

Je n'ai plus ma montre et cela m'embête. J'obéis et me couche, exténuée. Comme quoi les belles choses ne durent pas... Mais le temps qu'il a duré, mon anniversaire a été superbe.

Quand j'ouvre les yeux, Morgan ne dort toujours pas. Il porte sa tenue rouge et noire.

- Où l'avez vous trouvée ?

- Je l'ai toujours sur moi au cas où je n'arrive pas à me contrôler pour au moins garder quelque chose sur le dos. Et elle règle aussi ma température corporelle.

- Pourquoi doit-elle être réglée?

- J'ai une température beaucoup plus élevée que la votre.

- De quel ordre?

- Peut-être un peu plus que vous quand j'utilise mes pouvoirs mais c'est acceptable je ne suis pas aussi chaud qu'une flamme.

- Vous matérialisez des flammes?

- Du feu, oui.

Il ouvre sa main et une petite flamme bleutée danse sur sa paume comme en suspension.

- C'est incroyable!

- Pas plus que ce que vous faites.

- Désolée, mais entre faire grandir des plantes et se transformer en torche d'un claquement de doigt, il n'y a pas de choix à faire. Votre don est le meilleur.

- Ne dites pas ça vous ne connaissez pas encore tout votre potentiel.

- À votre avis que suis-je capable de faire, en plus ?

- Peut-être que si vous vous concentrez, vous pourrez réduire et agrandir tout végétal.

- Oui, mais ce n'est toujours pas à votre échelle.

- Mon pouvoir est différent, ils le sont tous, d'ailleurs. Les trois éléments : la terre, qui donne la vie ; l'eau, qui la nourrit ; et le feu qui l'a détruit. Je serai vous, je préférerai incarner la vie que la mort.

- De ce point de vue, c'est sûr... Et j'ajoute me rendant compte de l'apparition d'ombres violettes sous les yeux de Morgan :

- Maintenant c'est à vous de vous reposer.

Il essaye de protester mais capitule assez vite. Il est épuisé et s'endort rapidement. Sa respiration étant le seul son qui parvient à mes oreilles. Les pas ont arrêtés. Devrons nous sortir tout de suite ?

Non, ce n'est pas encore assez sûr. Et s'ils patrouillaient pour trouver d'éventuels survivants à l'attentat, que la Garde du Dirigeant a dû provoquer, et nous faire sortir ? Maintenant que j'y réfléchis, je me souviens que j'ai ressenti de grandes secousses, pas le genre de tremblements que provoqueraient des gens qui s'enfuient mais quelque chose d'encore plus massif. Des explosions ? Ont-ils fait sauter les portes et les entrées secrètes de la base ?

Je ne peux émettre que des hypothèses tant que je suis ici. J'évaluerai les dégâts une fois en haut et j'en frisonne déjà.

C'est étrange de voir Morgan si innocent quand il dort. Ses paupières papillonnent dans son sommeil. Il esquisse quelques gestes nerveux qui indiquent qu'il fait un affreux cauchemar. Sa respiration est régulière et assurée. Il bouge encore plus vivement. J'ai peur qu'il se fasse mal. Ce doit être horrible ce dont il rêve pour qu'il s'agite ainsi.

Ses yeux s'ouvrent, terrifiés. De la sueur perle sur son front. Il se prend la tête dans les mains tout en se redressant sur sa couche, ses coudes sur ses genoux.

- Vous allez bien ?

Question idiote vu les circonstances mais je n'ai trouvé que ça.

- Non, ce n'est rien...

- Je ne vous crois pas. À voir comme vous vous remuiez, je ne dirai pas ça.

- Oui, ce n'était qu'un mauvais rêve.

- Vous en êtes sûr ?

- Tout va bien, je vous assure.

Je renonce et me demande ce qu'il a bien pu voir pour finir comme ça. Je comprends qu'il garde le silence pour ne pas m'inquiéter mais ça a l'effet inverse.

Je ne le connaissais pas aussi tourmenté. J'ai jugé Morgan trop durement. Et ne peux pas encore le faire sans le connaître.

- Doit-on remonter ? demandé-je

- Je ne sais pas, essayons. Mais prenons de quoi survivre si on ne retrouve pas Marc ou les filles.

J'ai trouvé une vieille sacoche parmi les vivres et la remplie d'un peu de tout : fruits secs, bandages, couvertures, viande séchée... Morgan m'imite, en garnissant un sac à bandoulière.

Une fois prêts, il se risque à l'extérieur et me demande de le suivre. Au dehors, il n'y a personne. C'est peut-être un piège ?

Nous nous collons aux murs et marchons en faisant le moins de bruit possible pour éviter d'être repérés.

Le trajet est long jusqu'au bureau de Marc. Dans la précipitation Morgan nous avait conduit dans un autre quartier du bâtiment.

La porte est enfoncée et des morceaux de bois gisent à terre. À travers celle-ci, nous apercevons le bureau en chêne sombre éventré : des feuilles et dossiers recouvrent le sol. Les lampes sont fracassées et le papier peint des murs est arraché. C'est un vrai carnage, ils devaient chercher quelque chose qu'ils n'ont pas trouvé.

Aucune trace de Marc ou d'autre être vivant.

- Partons, m'informe Morgan.

Je le suis.

- Où allons nous, maintenant ?

- Dans le dortoir des filles.

Nous nous retrouvons dans une chambre tout aussi dévastée que le bureau de Marc. Les matelas et oreillers rejettent leurs plumes à travers des entailles dans leur tissu clair. Tout est retourné. La plante que j'ai agrandi pour la première fois se meurt, séparée de son pot, sur le sol.
La salle de bains est dans le même état : miroirs fracassés, serviettes déchirés et produits de toilette renversés.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant