Je panique. Je ne devais pas tomber de l'arbre ni me faire remarquer par les soldats ! Mon cerveau carbure à cent à l'heure. J'essaye de trouver une issue mais à part la forêt et le Manoir, il n'y a rien ! Le forêt me ferrait repartir en arrière et je n'ai pas envie de faire demi-tour alors il ne me reste plus qu'une solution. Je m'accroupis derrière un buisson alors que les gardes vérifient les alentours en criant :
- Qui que vous soyez rendez-vous ! Nous ne vous feront pas de mal.
La fin de la phrase me donnerait envie de rire mais ce n'est pas le moment. Il me faut toute ma concentration pour trouver une sortie. Tout ce que je déniche n'est qu'un mince camouflage fait avec quelques branches de l'arbuste le temps que les hommes du Dirigeant s'en aillent. S'ils se détournent, j'aurais le temps de sortir de là et je pourrais me diriger vers le Manoir.
Les lampes-torche passent sur moi puis continuent leur ronde. Je souffle de soulagement. Leurs pas et le cliquetis de leurs armes commencent à s'éloigner. J'attends encore quelques minutes et observe une dernière fois autour de moi avant de bouger. Je cours le plus vite possible dans la nuit. La lune éclaire juste assez mon chemin pour que j'arrive à marcher sans me prendre un mur. Je relève la capuche de ma veste pour me couvrir du froid et aussi des regards. Mes yeux distinguent une porte entrouverte ou filtre un fin rai de lumière. Je m'approche et entends :- Vous me préparez tout de suite une cuisse de canard confite, des pommes de terre rissolées, des haricots, avec les sauces qui vont avec et...
La voix récite encore toute une liste d'ingrédients, ce qui me confirme que cette porte ne peut donner que sur une cuisine. Je m'avance encore pour voir à l'intérieur. Au moment où je jette un coup d'œil, le battant s'ouvre et une jeune femme plantureuse avec un panier dans les mains apparaît.
Je sais que je m'en voudrai toujours si je fais ça mais je ne peux pas attendre plus longtemps. Je balance mon poing sur le crâne de la cuisinière, qui tombe à terre dans les secondes qui suivent.
Mon poignet me fait souffrir et je sens la douleur du choc remonter le long de mon bras. J'essaye d'en faire abstraction et secoue un peu ma main pour essayer de dissiper le mal même si je sais que ça n'aura aucun effet.
Je traîne le corps inconscient un peu plus loin pour éviter qu'on me surprenne encore. J'enfile l'uniforme de la jeune femme et jette mes affaires dans son panier car je suis sûre de ne pas rester dans cette longue robe gênante.
J'avais oublié la sensation désagréable de porter des affaires de femmes mais si c'est pour sauver mon frère, je suis prête à tout.Le panier sous le coude, je m'avance vers la porte pour entrer dans la cuisine. La pièce est basse de plafond et s'étend tout en longueur jusqu'à une grande porte battante. C'est mon salut.
Je passe devant la multitude de personnel occupée sur les fourneaux ou lavant la vaisselle salle. Parfois des serveurs se matérialisent munis de plusieurs plateaux pour repartir par une petite porte latérale menant à un escalier. Les cris des cuisinières et des commis se confondent sur mon passage. Des ordres sont donnés et les gazinières se mettent en marche pendant que l'eau bout accompagnée d'un petit gazouillement particulier. Certains discutent dans un coin et d'autres rangent les plans de travail. Personne ne me regarde ni fait attention quand je pique un morceau de pain sur le bord d'une table. Je n'ai pas vraiment mangé depuis mon arrivée alors je profite de ce petit intermède pour finir mon maigre butin.
Je passe inaperçue jusqu'à la porte.
Je sens le soulagement se répandre en moi quand je pousse enfin le panneau de bois. J'ai réussi la seconde étape : rentrer dans le Manoir.
En regardant autour de moi je trouve un couloir longé de quelques portes. Laquelle prendre ? Je pose mon oreille sur la première porte pour vérifier une quelconque présence. Rien, aucun son ne me parvient. Soit l'isolation est de très bonne qualité soit je peux entrer puisqu'il n'y a personne. Je prends quand même le risque d'ouvrir. La pièce doit sûrement être une chambre d'amis ou un bureau inutilisé. Quelques meubles sont recouvert de draps blancs pendant que d'autres prennent la poussière. Ce n'est pas ici que je vais trouver mon frère, c'est sûr et certain. Une porte coincée entre deux bibliothèques attire mon attention. Où mène-t-elle ? Je le découvre en l'ouvrant.
Un escalier apparaît et semble s'enfoncer un étage en-dessous. Je l'emprunte avec hésitation. Mes pieds se posent sur le bois pourris, complètement décalé par rapport au luxe de cette habitation. Le grincement des marches résonne au même rythme que ma respiration. Plus que quelques pas et je suis arrivée au bas de l'escalier. Il y fait sombre et une vieille ampoule répand son faible halo pour m'éclairer le chemin. Une odeur de moisissure me prend la gorge un peu plus à chaque seconde. Je ne sais pas où je vais mais je pense être dans un vieux sous-sol. Mais où conduit-il ? Une idée me vient alors à l'esprit et elle doit aussi la connaître puisqu'elle me répond :
" Je ne sais pas. Je ne suis jamais venue ici. Je ne peux pas t'aider, désolée."
Au moins j'aurais tenté. Mais si Rose ne connaît pas cette partie du Manoir alors c'est que je suis au bon endroit. Mon frère est sûrement retenu là où personne ne met jamais les pieds.
Je continue mon chemin et ne voit rien d'autre que des murs rongés par l'humidité. Le sol est glissant et je manque de tomber par deux fois. Je n'ose même pas imaginer les substances qui jonchent le sol. Est-ce du sang ? Celui de Jules ? Je l'imagine alors ensanglanté des pieds à la tête à cause des coups qu'il aurait subit. Les bleus se multiplierait sur sa peau diaphane et les coupures libéreraient leur pus dégoulinant... Mon ventre fait demi-tour et je manque de vomir sur mes pieds. Le dégoût me salit et j'ai envie de m'en débarrasser mais les images reviennent à chacun de mes pas. Ça m'est horrible d'y penser, ça me décourage encore plus mais mon esprit ne doit pas comprendre ce qu'il me fait endurer. Je déglutis avec peine et essaye de me repèrer dans le noir. Il n'y a plus aucune lumière. Si seulement Morgan était là. Il aurait pu nous diriger juste avec une de ses si belles flammes bleutées. Mais c'est impossible puisque j'ai décidé de partir seule. Depuis le début je savais que c'était un très mauvais choix mais j'étais acculée et je ne pouvais reculer devant mes mots et mes pensées. Je suis perdue, ce sentiment est presque omniprésent ne laissant que de la place pour des décisions complètement folles !
J'avance me pinçant le nez et respirant par la bouche tellement l'odeur de pourriture est irrespirable. Je prie pour qu'il soit au bout de ce couloir. Dans le noir, j'aperçois une petite lueur. En approchant, je remarque une petite ampoule dénudée à l'image de celle à l'entrée du tunnel. Elle n'offre pas une réelle visibilité mais elle me suffit pour remarquer une porte à moitié cassée où des fentes offrent une vision intérieure.
Bien sûr l'obscurité est trop présente pour discerner ne serait-ce que le sol mais j'y entre quand même. Autant faire les choses jusqu'au bout.
Soudain un bruit résonne contre les parois et je sursaute manquant de m'écraser sur le sol. Ça n'a pas pu être ma respiration, c'est bien trop fort et lointain. Le son retentit encore une fois. J'ai l'impression d'entendre des pas. Mais la peur doit changer ma perception des choses en les rendant plus effrayantes. J'ai l'impression d'entendre le cri de mon frère derrière les murs. Non. Ce n'est pas Jules qui souffre à quelques mètres de moi, non !!!
Je cours, prise d'adrénaline, et tourne à un angle. Au bout j'aperçois une lumière et fonce vers elle mais... Ce qui me fait face n'est pas ce que je crois. Je ne sais pas si cela est pire ou mieux que ce que je pensais.
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L'Élémentaire {En Réécriture}
FantasíaQui a dit qu'une vie banale le resterait forcément ? Coincée au cœur d'un monde tyrannique, Katelynn ne rêve que d'une chose : la liberté. Alors qu'elle doit à tout prix se trouver un partenaire avant son dix-septième anniversaire, elle fait une r...