Chapitre Soixante-douze

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Après avoir dit au revoir aux corps que nous laissons, soit enterrés soit rassemblés sous des arbres et entourés par les  fleurs de Rose ravivées par mon pouvoir, nous nous décidons enfin à partir.

    Je suis en tête avec toute l'équipe. Mon frère et mon père m'ont tout raconté avant de partir. Marc avait emmené toute un groupe de Renégats avec lui pour libérer les prisonniers du sous-sol. Sur le chemin, ils ont croisés un homme qui en portait un autre au bord de l'inconscience, il s'agissait de Tom et de mon frère. J'ai remercié Tom dès la fin de discussion. Il avait paru mal-à-l'aise au départ mais a fini par me prendre dans ses bras. C'était définitivement la tournée générale des câlins !

    Mon père n'était pas au courant pour Jules. Ayant disparu juste avant sa naissance, il n'aurait jamais pu le reconnaître, ou même savoir s'il était encore en vie.

Ils se sont occupés de leur liens familiaux seulement après le réveil de Jules, une heure après mon départ. Les mots de Jules s'entremêlant, essayant en vain d'expliquer que j'étais venu le chercher n'ont pas réussi à éclaircir la situation. Tom était là et a fourni un rapport complet de la situation à Marc, comme tout bon ancien militaire. Ce n'est que là que l'étincelle a illuminé l'esprit de mon père. S'en est suivi une longue discussion au cours de laquelle aucun coups ou cris n'a été échangés, contrairement à ce que je pensais.

    Je pense que leur fatigue et leur faiblesse à jouer un rôle fondamental dans le bon déroulement de leur entretient. Mais en même temps, je ne pouvais m'empêcher d'être fière d'eux, connaissant Jules je savais qu'il allait piqué sa crise et du côté de Marc je croyais qu'il nierait les faits pour éviter d'avouer son abandon. Mais, non, tous les deux ont joué franc-jeu et j'en suis heureuse.

    La soudaine complicité qui commence à les lier m'impressionne. J'aurai juré plus tôt que leur rapprochement savourait difficile voir impossible. Finalement, c'est comme si mon père avait toujours été là, qu'aucun malheur ne nous avait frappé et que notre famille n'avait jamais été brisée.

    Je jette de brefs coups d'œil derrière moi depuis notre départ et Morgan l'a remarqué.

-    Arrête de la regarder. Tu sais bien qu'elle ne peut rien faire. Elle a littéralement les pieds et les poings liés.

    Je hochai vaguement la tête et encore une fois regardait en arrière. Il avait totalement raison, elle ne peut rien faire, les menottes l'entravent et les deux Renégats qui la surveillent ne sont pas prêts d'arrêter. Mais ce n'est pas ça qui m'inquiète. Ce dont j'ai peur, c'est de ses mots. Quand nous arriverons dans le prochain camp, il va falloir l'interroger. Mon père veut à tout prix découvrir l'envers du décor de tout cette histoire. Et c'est cette vérité qui m'effraie.

    Morgan me presse gentiment le bras pour me faire détourner le regard. Je me laisse faire. Ses yeux verts profond se posent sur moi.

-    Qu'est ce qu'il y a ? demandé-je, impatiemment. Pourquoi tu me fixes comme ça ?

-    Tu as vraiment besoin de trouver des habits dignes de ce nom, dit-il en faisant descendre son regard sur ma silhouette.

    En effet, je n'étais pas très à l'aise dans les habits que Morgan m'avait prêté mais après les avoir ajustés et refermés correctement, je n'avais plus froid. Parler d'un sujet si simple et risible me plaisait. Les petites choses du quotidien ne sont pas compliquées et laissent mon esprit en paix contrairement à d'autres.

    Nous continuons notre marche pendant très longtemps. Pendant des heures entières...
Mes pieds refusent de faire un pas de plus lorsque Hélène décide enfin de stopper notre calvaire. Nous soufflons tous d'épuisement. Je m'arrête devant Jules qui vient de s'assoir sur un tapis de mousse. Il va mal, je le sens.

-    Qu'est ce que tu as ?

    Il ne saisit pas le sens de ma question en premier lieu puis se rendant compte qu'il n'a pas d'autres solutions, il s'avoue vaincu et n'essaye plus de faire semblant d'aller bien.

-    J'ai mal partout. Je n'ai pas marché depuis une semaine.

    J'essaye au mieux de cacher ma stupeur en lui répondant :

-    Pourquoi ?

-    J'ai arrêté de bouger au moment où j'ai su que c'était fini.

-    Fini ?

-    Oui, la femme était venu me dire que tu étais morte. J'en ai conclu qu'il n'y avait que cette seule issue pour moi aussi.

-    Jules... chuchoté-je, d'un ton empli de compassion.

-    Non, arrête, je ne veux pas de ta pitié. C'est terminé maintenant, n'en parlons plus.

-    Jules, qui était cette femme ? demandé-je, connaissant malheureusement déjà la réponse.

-    Je ne veux pas en parler, je viens de te le dire !

-    Calme-toi. Je ne t'en veux pas. J'ai pensé la même chose en te voyant. Alors on est quittes. C'est Anne, n'est-ce pas ?

-    Peu importe son nom, je la déteste.

    En effet, ses mots reflètent parfaitement la haine qu'il ressent en pensant à elle.

Je dois changer de sujet.

-    Tu veux que je t'aide ?

-    Comment ? m'interroge-t-il, le regard curieux.

-    Comme ça.

    Je laisse alors le calme m'envahir et invite la douce sensation de pouvoir à me parcourir. Je ferme les paupières et remarque le faible scintillement sur le corps de mon frère. Il ne souffre pas de blessures mais seulement de légères courbatures et crampes. Ses muscles ont du mal à supporter un tel effort après tant de temps restés inactifs.

    J'essaye au mieux de le soulager, mais la douleur reviendra. Je m'en fiche, je serais prête à réitérer l'opération un millier de fois pour le bien-être de mon frère.

    Je m'accroupis et me prépare à laisser ressortir mon côté Élémentaire.

Posant mes paumes sur ses jambes, je puise un peu d'énergie pour détendre ses muscles. Une fois mon travail terminé, je sors de ma transe et ouvre les yeux sur un Jules admiratif.

-    Papa m'a expliqué pour tes capacités mais je n'y croyais pas vraiment, je dois dire. Mais je viens de changer d'avis.

Il m'adresse un large sourire qui remonte jusque dans ses iris bleus.

    L'entendre prononcé le diminutif "papa" me dérange un peu au départ mais fini bientôt par me réchauffer le coeur. C'est tellement bon de voir qu'ils s'entendent si bien. Jules à besoin de ça après la mort de maman, qu'il a finalement appris au cours de sa discussion avec Marc. Je suis contente qu'il ne se sente pas coupable comme je l'ai fait auparavant.

Je réponds à son sourire par un léger mouvement de lèvres, entre la grimace et le sourire. Tandis que Jules doit rééduquer ses muscles pour marcher, moi, je dois le faire pour réussir à sourire et non à grimacer...

    Par delà les arbres, j'arrive à le distinguer, le camp. Les tentes ne sont plus colorés comme avant mais ça n'y change rien. Nous sommes quand même de retour.

La nuit pointe son nez et les étoiles commencent à illuminer l'encre noire du ciel. La lune se cache derrière les nuages et un doux vent vient nous pousser jusqu'à l'entrée du camp.

    À l'unanimité, nous avons décidé de nous offrir à tous quelques heures de repos, quelques uns se sont proposés pour veiller et garder le camp, assez pour qu'on soit tous protégés pendant la nuit.

    Je me réfugie dans une tente en suivant le chemin des filles. Personne ne pose de questions. La fatigue nous cloue toutes au sol et nous finissons par nous endormir paisiblement.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant