Chapitre Cinquante

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Un bruit dans les buissons nous a arrêté en pleine discussion. Qu'est ce que cela pouvait-il bien être ?

Je n'ai pas le temps de vérifier que Rebekah reprend déjà là où elle s'était arrêté. J'ai fini par accepter sa proposition. Après ma dispute avec Morgan, je savais que je ne pouvais pas rester plus longtemps. De toutes façons, il ne m'aurait jamais suivi dans le sauvetage de mon frère après tout ce que je lui ai dit.

"Tu te trompes ! " me crie la voix.

Je ne t'ai pas demandé ton avis, à toi !

    Je suis de plus en plus irritée par les commentaires de cette intruse. Je ne sais pas gérer la pression, ces derniers jours et elle ne fait qu'en rajouter. J'ai l'impression de toujours faire les mauvais choix avec elle, c'est épuisant...

Pourquoi d'ailleurs mes actions seraient, à ses yeux, c'est vite dit, aussi mauvaises ? Elle ne peut pas savoir à l'avance les événements à ce que je sache ! Je respire plusieurs fois pour me calmer, en vain. Un mal de tête s'invite à la fête, déjà que mes problèmes ne me donnent aucun repos, ce n'était pas le moment pour se sentir mal. Un jour, je vais réellement péter un câble et personne ne pourra m'aider.

    En attendant, je me concentre sur ma compagne qui a recommencé à parler après avoir vérifier chaque coin de la forêt pour trouver l'indice d'une quelconque présence. Ce n'était sûrement qu'un animal, il n'y a pas de quoi en faire un drame. J'écoute attentivement les explications de Rebekah :

-    Il faut qu'on se dépêche sinon on ne sera pas assez loin au lever du soleil et ils auront une chance de nous rattraper.

-    C'est sûr. Tu as tout pris ?

-    Oui, j'ai rassemblé le plus de vêtements et de vivres possibles. Normalement on y arrivera en six jours si on ne traine pas et qu'on réduit les temps de pause.

-    Ce n'est pas une bonne idée. Après on serra trop fatiguées si on doit se défendre.

-    Oui, c'est vrai, mais on gâchera encore du temps si on fait ça.

    Elle m'a bien eu sur ce coup là. Je veux à tout prix rejoindre Jules mais prendre tous ces risques en vaut-il la peine ? Je ne mets pas deux secondes à trouver une réponse. Bien sûr que mon petit frère en vaut la peine. Je ferai tout pour lui.

-    D'accord mais il faudra faire très attention.

-    Je n'ai jamais dit le contraire, rétorque-t-elle.

-    On part tout de suite ?

-    Oui.

    Malgré moi, j'hésite encore à prendre la route. Est-ce une bonne solution de partir en solo ? Dois-je abandonner Morgan comme je l'ai fait avec ma famille ?

Oui. Je le dois à Jules. C'est lui que je veux revoir pas Morgan ni Marc ou même Hélène. Je ne veux pas repenser à eux mais mon cerveau n'est pas de cet avis.
    Je me revois arrivant au Sous-Noyau, accompagnée par un Morgan grincheux. Je me souviens de l'immense bibliothèque quand Marc m'a accueillit. Je pense encore aux yeux clairs et confiants d'Hélène, la première fois qu'elle m'a parlée. Mais tout ça appartient au passé. Je dois avancer pour réussir ma mission. Pour revoir la seule famille qu'il me reste. Une larme coule le long de ma joue pour s'installer sur mes lèvres. Je sens son goût salé mais l'essuie rapidement pour oublier ma petite faiblesse.

    Rebekah me passe alors le second sac que je place sur mon épaule. Je soupèse un peu la sacoche et conclus que ça ne devrait pas être trop compliqué pour marcher avec. Son contenu est tout à fait hétéroclite allant de bandages blancs à une pomme et de l'eau à un pantalon. Je range un peu les objets balancés un peu à la va-vite puis croise le regard déterminé de la grande rousse. À travers ses iris, je comprends que c'est le moment de partir. Il doit être environ dix-heures passées au vu de la position du soleil. Rebekah a prévu de marcher toute la journée pour qu'on ne se rende compte de notre absence seulement à la nuit tombée. Nous serons alors assez éloignées du camp pour avoir une chance de semer des éventuels renégats envoyés à notre recherche.

    Nous commençons notre longue marche. Un, deux, trois pas...

Une heure passe et je pense toujours à Morgan. C'est horrible à quel point mon esprit est en désaccord avec mon envie de l'oublier. Oublier. C'est la meilleure solution que j'ai trouvé pour ne pas m'attacher à lui. Je veux supprimer mes souvenirs mais je ne fais que les cacher dans un coin de ma tête pour ne plus y penser, ce n'est pas ce que j'appelle de l'oubli mais c'est mieux que rien. Je m'efforce d'effacer chaque souvenir mais ce n'est pas une mince affaire. Mon corps ne veut pas perdre la sensation de la main de Morgan dans mes cheveux ou l'image de son sourire si rare. Il ne veut surtout pas perdre la sensation de ses lèvres sur les miennes. Je voudrai ressentir du dégoût juste pour accélérer le processus mais rien ne marche !

    C'est tellement frustrant. Au lieu de les faire disparaître, je revis nos meilleurs moments à chaque instant. Ça me procure un plaisir que je m'interdis. Ma tête ne l'a pas compris sinon je ne repenserai pas à cette nuit, dans l'arbre. C'était tout ce que je voulais. Il m'avait encore rattrapée et consolée... Il a fait ça tant de fois qu'il m'est impossible de les compter. Pourquoi je ne l'ai pas retenu quand il est partit tout-à-l'heure ? Pourtant j'en avais très envie mais la raison m'avait immobilisé. J'aime et je déteste me disputer avec lui. Cela me procure une dose d'adrénaline et une colère intenses mais aussi un autre sentiment que je n'arrive toujours pas à identifier.

    Deux heures... Une de plus où je n'ai fait que penser à son regard vert qui m'électrise.

Je me suis aussi souvenu que je l'ai mordu avant de partir. J'avais été excitée et effrayée par sa soudaine proximité mais la situation m'empêchait d'en profiter. À ce moment-là, je le haïssais, j'étais en colère ! Mais cela n'explique pas cette morsure. En plus, je ne suis plus avec lui pour réparer mes bêtises... J'aurais pu le soigner.

    Un léger frisson me parcoure le bras. Je soulève ma manche et découvre la petite fleur blanche. Elle est vraiment magnifique. Je caresse ses pétales et je ressens soudain de légers picotements comme si mes nerfs étaient aussi présents sur la surface de la plante. Je réitère l'opération qui confirme mes doutes. C'est la même sensation que la dernière fois. Quand mes doigts parcourent les feuilles, j'ai l'impression de toucher ma peau. Je n'arrive toujours pas à croire que suis capable de percevoir tout ça. C'est inimaginable pourtant c'est vrai, cette plante fait partie intégrante de moi maintenant. C'est fou que je ne m'en sois pas rendu compte avant. Pourtant tous les indices étaient là : le bracelet qui disparaissait dans ma peau, les tiges qui commençaient à s'encrer dans mon épiderme et le transpercait pour s'y enfoncer. Mais où tout cela va-t-il aller ? Ce tatouage vert recouvra-t-il bientôt tout mon corps ? Ces questions restent en suspend malheureusement...

    Je n'ai pas le temps de recouvrir mon bras que j'entends devant nous des pas précipités puis une voix qui s'en détache :

-    Elles sont là !

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant