Les sacs sur les épaules, nous quittons la chambre. Je regarde une dernière fois la forêt à travers la fenêtre. Bientôt j'y serai, au milieu de tous ces arbres. Morgan tourne la clé dans la serrure et nous gagnons les escaliers.
Je sors pendant que les autres attendent Jean, devant le comptoir, qui est absent. Après quelques recherches et quelques tours de la propriété, je retrouve notre petit compagnon un peu plus loin, attendant devant un autre bâtiment que je n'avais pas remarqué avant. Il est retenu à un reste d'enclos, depuis longtemps démantelé. Une mangeoire lui tient compagnie avec quelques brins d'herbes jaunit sur une terre noire.
Jo lève la tête à mon arrivée, ses grands yeux foncés me sondent. Je lui donne une petite tape sur la tête et il recule en se secouant comme pour faire disparaître mon geste. Ses naseaux s'élargissent sous son souffle saccadé. Son attitude ne s'est pas arrangée pendant ces quelques jours. Le cheval n'a pas dû aimer rester seul, maintenant il me le fait payer.
"Je confirme ! Dis-donc tu ne m'avais rien dit pour ton esprit de déduction si aiguisé !"
Je crie intérieurement à la voix de la fermer. Si ça se trouve elle n'a même pas de bouche...
"C'est tout à fait ça ! Donc je ne peux pas «la» fermer..."
Elle ricane tellement fort que j'ai envie de me boucher les oreilles pour arrêter ça mais ça n'aurait aucun effet... Malheureusement.Tais-toi, alors ! dis-je.
Je peux enfin me réjouir de l'autorité que j'ai sur cette affreuse pseudo-conscience ! Mais j'évite de trop la chercher maintenant qu'elle ne dit rien.
Je me tourne vers l'équidé qui me lance un regard intrigué. Il a dû assister à mon échange pensif, je me demande à quoi je ressemblais. A-t-il eu peur ? Je ne sais pas et je ne cherche pas plus.
Je m'approche pour le caresser une seconde fois. Mais il m'évite en se cognant dans son abreuvoir situé à l'entrée du bâtiment, que je reconnais comme une grange, qui a dû lui servir d'abri ces derniers temps. Et comme un jeu du destin, je me trouve juste devant et me reçois tout son contenu de la poitrine aux pieds. Au moins ma tête est restée au sec mais je dégouline. Je m'avance prête à crier sur Joueur qui porte bien son nom à ce moment là. J'ai l'impression qu'il se joue de moi. Je n'aurais jamais imaginé d'animal plus moqueur et vicieux !
- Tu vas voir, toi !
Mais mon côté maladroit réapparaît et je glisse sur le reste d'eau renversée au sol. J'essaye de me rattraper sur la bride de Jo mais celle-ci m'échappe des mains. En la saisissant, le nœud s'est desserré et le cheval, le comprenant, en profite pour bouger et défaire la corde de la barrière.
Je suis maintenant étalée par terre dans une flaque d'eau boueuse regardant notre seul moyen de transport s'enfuir. Jo me lance un dernier coup d'œil comme une dernière pique remplie de malice. Sa robe sombre tachetée de blanc disparaît bientôt au coin d'une rue vide. J'entends encore les claquements de ses sabots sur le dallage encore quelques secondes puis plus rien.
Je ne pouvais pas faire mieux !
"Tout à fait d'accord avec toi !"
Ce n'est pas le moment, rétorqué-je, agacée.J'ai perdu Joueur, le seul qui pouvait nous amener le plus vite possible à mon frère. Je ne peux pas faire un pas sans rencontré un obstacle ! Je n'ai même pas envie de dire que c'est la vie, ce n'est pas ça ! Tout cela n'est qu'un désagrément injuste de plus.
Ce n'est pas ça qui va me faire reculer, loin de là. Je me relève comme je peux mais impossible de ne pas patiner dans cette terre meuble. Je fais plus de dégâts qu'autre chose. Même en utilisant toutes les options possibles, je retombe une fois de plus dans cette mare noire et terreuse. Un brin d'herbe m'enserre le doigt comme pour attirer mon attention. Je ne comprends que quand la voix me hurle dans le crâne : "Utilise tes pouvoirs ! C'est pas assez clair pour toi ?"
Jusque là, non, ça ne l'était pas. Je suis les indications de ma chère voix «intérieure» et convoque toute mes pensées vers l'herbe mais ce n'est pas suffisant. Le végétal est trop petit pour me remettre sur pieds. Je cherche autour de moi, il n'y a rien à part la mangeoire et son support mais ils sont trop loin et sûrement dégoulinant d'eau pareil à mon état. Je n'ai plus qu'à attendre mes compagnons. Je prends alors compte que je ne leur ai pas dit où j'allais. Et pour me retrouver, ils doivent contourner l'auberge pour voir la grange. Ils n'auront même pas l'idée de s'y rendre. Je dois donc me débrouiller seule.
Quelques minutes plus tard, la boue est d'autant plus spongieuse qu'au départ et ne permet rien. Je suis même encore plus embourber dans le sol. Après toutes mes tentatives, je ne crains d'avoir des bleus sur tout le corps surtout au niveau du fessier. L'habituel chatouillement me dérange plus aujourd'hui mais je l'ignore. Il se fait plus insistant et je suis obligée d'y jeter un œil. Je panique encore plus devant cette vision. Mon bracelet s'est définitivement logé dans mon bras droit et entoure mon poignet de sa teinte verte éblouissante. Je constate qu'il n'y a plus aucun vestige de bois mort. En plus d'avoir fusionné avec mon corps, il a étendu les petites tiges devenues des veines à part entières s'enfonçant dans ma peau. C'est comme un second système sanguin sans vraiment en être un. La première rainure est plus longue que les autres et ne finit plus sa course au creux de mon coude mais au milieu de mon biceps maintenant. Je m'attends à ce que cette transformation me fasse mal mais en la touchant je ne ressens aucune gêne. J'aurais dû le prévoir puisque cette chose a grandit sans que je le sache. Je ne peux même plus retiré mon bracelet, avant je croyais cela possible maintenant c'est inimaginable à moins de me découper la peau.
Si le bois à disparu d'où vient le chatouillement ? Je regarde de plus près et découvre une minuscule fleur blanche à mon poignet. A-t-elle percée ma peau pour apparaître ? Rien que d'y penser, j'ai un haut-le-cœur. Aucune trace de sang n'est visible alors c'est peu probable. Je fixe les petits pétales immaculés de la plante et je remarque que ceux-ci croient à une vitesse incroyable, jusqu'à ce que la fleur entoure totalement mon membre. Des petites feuilles naissent à sa base et s'étendent alors d'autres pousses qui deviennent très vite plus grandes que mon bras.
À chaque seconde les lianes grossissent et s'épanouissent de chaque côté de la fleur, ayant gardé sa taille. Une véritable forêt pousse sur mon bras et je suis terrifiée. Je n'ose même pas crier et continue de contempler cette prouesse de la Nature, si insolite que je n'en crois même pas mes yeux.
Les lianes qui maintenant me dépassent de trente bons centimètres, s'étirent encore de quelques mètres pour réussir à se fixer à la vieille barrière. Elles se resserrent au point d'être si tendue qu'elles ne bougent plus.
Je sens alors une sensation étrange : une sorte de force me pousse à me redresser. La plante me hisse sur mes jambes et une fois sur mes pieds, je suis attrapée par ces énormes tiges vertes comme si elles me câlinaient. Je ne peux plus émettre un seul son ni un seul mouvement. Mes entraves me conduisent en dehors de la flaque qui a plutôt la tête d'une mare actuellement. Je ne serais pas étonnée d'y voir des petits têtards ainsi que des poissons.
L'étreinte végétale se retire et je me retrouve pantelante en train de regarder, les yeux grands ouverts, le retrait de cette apparition bizarre. La jungle rapetisse peu à peu et se volatilise en entrant dans mon bras comme dans de l'eau. La fleur éclatante se replie sur elle-même pour se fondre dans mon poignet. Après la disparition complète des végétaux, je réalise que d'autres veinures se sont ajoutées aux précédentes. Cinq nouvelles lignes, aussi vertes que les autres, les ont rejointoient, toutes d'une taille différente. Cette fois, je ne peux pas m'en empêcher, je crie sans m'arrêter, digne d'une alarme d'une des bases du Sous-Noyau. Je suis complètement effrayée. Et une nouvelle apparition ne fait qu'accentuer mon angoisse.
- Que se passe-t-il ici ? appèle une voix masculine et gutturale.
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L'Élémentaire {En Réécriture}
FantasyQui a dit qu'une vie banale le resterait forcément ? Coincée au cœur d'un monde tyrannique, Katelynn ne rêve que d'une chose : la liberté. Alors qu'elle doit à tout prix se trouver un partenaire avant son dix-septième anniversaire, elle fait une r...