Chapitre Trente-trois

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Je reviens à moi, les idées encore un peu brouillées. Traversant le coton pelucheux de mon esprit, je me lève et gagne la salle de bains. Mon regard se pose sur mon reflet. Mon teint me fait penser à celui de ma mère. La brèche qu'à laissée sa mort est toujours ouverte et cette plaie me lance à chaque minute. J'enfouis la douleur profondément et me focalise sur les deux personnes qui me fixent à travers l'ouverture de la porte.

    On ne pourra jamais m'enlever l'indifférence qui me vient naturellement. Je ne fais décidément pas attention à mon environnement. Quand je vois cette rousse avec ses cernes bleus et son expression glacée, je sais que je ne devrais même pas me plaindre. Rebekah a sans doute subit plus de choses que moi. On ne sait pas ce qu'a pu faire le Dirigeant. Sa situation, en même temps que de réveiller le peu de compassion en moi, pique ma curiosité. Que lui a fait cet homme horrible ? Que s'est-il passé avec ces pouvoirs ? Peut-elle nous en parler ?

Les questions tournent comme une tempête dans mon crâne, les mots se fracassant contre ses parois.

    Je m'avance doucement comme ralentie par tous les événements, et parle, ma voix enrouée blessant mes oreilles :

-    Je suis désolée...

    À sa mine plus que surprise, je peux dire qu'elle ne s'y attendait pas. Mais j'ai l'impression d'être obligée de m'excuser. Je sais que rien n'effacera ce qu'elle a traversé et que je ne suis fautive en rien. Mais la clémence s'est emparée de moi. J'ai envie de la prendre dans mes bras pour qu'elle oublie tout. Les souvenirs me hantent et je veux aussi m'en débarrasser. Nous sommes tous dans ce cas, je crois. Les drames et les erreurs rythment maintenant notre quotidien. Et je sais que la serrer contre moi à cet instant n'en est pas une. Je ne déverse aucune larme. Aucun bruit à part celui de nos trois respirations ne s'entend.

-    Pourquoi ?

    Rebekah me permet d'échapper à mes pensées. Que lui répondre ?

-    Tu en as besoin.

    C'est une phrase qui résume tout parfaitement. Ses yeux me sondent comme pour chercher un défaut dans toute ma sincérité. Leur couleur presque noire n'a plus la même signification. Avant j'aurais juré avoir vu de la colère ou même de la jalousie mais notre mésentente s'est envolée en même temps que notre innocence. Dans ce conflit, la Garde n'est pas la seule à faire du mal. Nous en avons fait nous aussi. Je repense aux gardes que j'ai frappé, à tout ceux que j'ai abandonné. Mais en ce moment ses iris ne sont que gratitude et pleurs mêlés à une joie contenue et une reconnaissance improbable. Je dois renvoyer la même expression. J'ai appris beaucoup de choses dans les livres mais ils ne m'auront jamais appris à vivre. En un peu plus d'un mois, j'ai évolué et chacune de mes actions y a bénéficié. Je ne me savais pas capable d'autant de gentillesse et de bienveillance mais je le suis. La reprenant dans mes bras, je lui chuchote :

-    Tu crois pouvoir en parler ?

-    Oui.

    Nous nous relâchons. Cette dernière étreinte constituant une sorte d'accord tacite, celui de s'entraider et de laisser tomber nos différents.

Morgan nous rejoint sur mon lit, sur lequel nous sommes déjà avec Rebekah. Assise entre nous deux, elle commence son récit :

-    J'ai été la première à être attrapée. Ils m'ont surprise par derrière. J'avais beau hurler et me débattre rien n'y faisait. J'ai...

    Elle étouffe un sanglot et je lui caresse le bras, lui intimant de continuer tout en la réconfortant. Je ne m'en imaginais pas capable mais ce geste en est la preuve. Rebekah continue, ses yeux vitreux ont l'air de revivre la scène et ça me terrifie.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant