Chapitre Vingt-sept

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Je suis assis sur une pierre, attendant qu'elle revienne. Son attitude est enfantine, injuste et irresponsable mais venant d'elle, je comprends. Elle ne se comporte comme personne. La différence est une de ses forces. Même si je dois parfois en subir les conséquences. Je ne dirais pas que ça me dérange mais plutôt que ça m'attriste. Il faut que je la tienne éloignée de tout ça, de cette violence rageante. Mais c'est impossible, elle est en plein milieu. Tout tourne autour d'elle. Mais pourquoi ? Il faut que je découvre pourquoi le Dirigeant s'intéresse autant à elle. Ce n'est pas pour ses capacités sinon tous les Élémentaires seraient touchés. Mais ils en ont déjà subit les effets avec les destructions des bases. Alors tout ce que j'avance est faux. Je garde quand même un doute. Kate est au centre de l'attention de ce conflit. Il n'y a pas que la résistance qu'il vise, pas seulement le Sous-Noyau. Tout cela cache quelque chose de plus grand. Je me remémore les mots manuscrits du Dirigeant : « Vous ne faites désormais plus partie de mon cher Sous-Noyau...»

C'est étrange. Pourquoi parlerait-il de ce qu'il combat comme d'une propriété ? C'est un entremêlement de pièces toutes plus incompréhensibles les unes que les autres. Je n'ai pas encore reconstituer ce puzzle mais j'y compte bien. En attendant il faut que je retrouve Kate. Elle n'aurait pas pu aller bien loin en si peu de temps. J'ai tourné vingts bonnes minutes dans tout le bosquet qui n'est pas très grand finalement et je ne l'ai pas vu. Elle m'aurait donc laissé ? J'ai dû apporté la goutte qui l'a fait débordée. Je ne voulais pas la blesser comme à chaque fois. Mais je n'y arrive jamais, toutes nos discussions finissent en engeulades. Je veux sans cesse la raisonner mais c'est une perte de temps. Il faut qu'elle le fasse toute seule. La perte de sa mère l'a fortement ébranlée et je sais tout à fait ce que ça fait. Je suis déjà passé par là.

    Il ne m'a pas remarqué et cherche toujours. Je suis encore perchée dans l'arbre. Respirant le calme de la nature, je finis par m'endormir. Une heure plus tard, Morgan est revenu. Me tirant de mon sommeil, je le vois, assis sur une roche. Il se triture les cheveux, qui maintenant ressemblent au pelage ébouriffé d'un animal. Son geste reflète son stress et son angoisse. Son regard plongé dans le vide doit traduire ses pensées. Il doit réfléchir au moyen de me retrouver. Le mal que je lui fais est palpable. Son tourment est bien inférieur au mien mais je m'en délecte. Au moins il a l'impression de voir le dixième de ce que je vis. Je ne suis pas seule à être démoralisée. Tout cela est fou mais fatalement réel. Je me penche un peu plus pour l'observer mais je manque ma prise et glisse. Mon cri le percute et Morgan réagit en moins de deux. Je tombe, les branches me fouettent le visage, mais j'atterris confortablement. Une chaleur m'envahit. Je secoue la tête pour m'éclaircir les idées. Je connais maintenant l'origine de cette chaude sensation. Je sais qui peut faire ça. Morgan me tient entre ses bras musclés. Il m'a rattrapé si vite que je crois rêver. Mais il est là et me dépose lentement sur le sol. Je suis encore un peu secouée mais je n'ai aucune blessure. "Je suis contente. Tu commences à voir le bon côté des choses." lance-t-elle

    Morgan commence à m'examiner et je réponds à voix haute pour les deux :

-    Arrête !

    Il recule instantanément et la voix ne répond pas. Je me relève difficilement et jette un coup d'œil à mes points de suture qui n'ont rien. La plaie est propre et la chair rose commence lentement à cicatriser.

Je ne m'encombre pas de préliminaires :

-    Mangeons et partons. Nous n'avons plus rien à faire ici.

    Morgan me suit et prépare un en cas avec sandwich, viande et fruits plus si frais, ayant subit des coups à cause du transport.

Nous déjeunons en silence et le soleil joue avec ses rayons tout en glissant sur le ciel rose. La nuit arrive. Je n'ai pas vu la journée passer. Nous n'avons rien mangé et mon estomac me le rappelle. Il faudrait suivre un rythme plus strict sinon nous allons nous déshydrater ou pire.

    Un reniflement capte mon attention. Ce satané cheval nous regarde avec envie. La pitié entame ma colère et mes pas s'avancent vers lui. Je lui tends ma pomme cabossée. Il l'avale d'un coup de dent. Son regard me communique son affection. Comme quoi il n'est pas si détestable comparé à certains... Je regarde dans la direction de mon compagnon alors que la voix rit dans ma tête. Malgré moi, je souris. Une idée me vient soudain à l'esprit. Il faudrait lui donner un nom à notre animal ! Je réfléchis un instant et opte pour quelque chose d'assez drôle et qui renvoie tout à fait au caractère de l'équidé. "Joueur" lui va comme un gant. Ou "Jo" pour allez plus vite. Je lui chuchote sa nouvelle identité et comme s'il avait compris, il me bouscule un peu feignant une répugnance exagérée. Je lui tapote le crâne et finis par le caresser gentiment. J'avais vraiment besoin d'un peu de compagnie. Quelque chose qui n'est pas compliqué... Juste un moment avec un animal moqueur.

    Je sens une sensation de chaleur dans la nuque. Me retournant, je rencontre les yeux verts de Morgan à deux centimètres à peine de mon visage. Je n'ai jamais vraiment aimé ce genre de proximité mais là c'est bien pire. Je deviens cramoisie et m'écarte brusquement, manquant de percuter Jo.

-    Qu'est ce qu'il y a ? Tu sais que tu peux trouver mieux comme approche. Une un peu moins per... perturbante, dis-je, troublée par ses iris scrutateurs.

-    Je te perturbe ?

Une lueur amusée dans le regard, il s'avance.

À ce moment, la seule réaction qui me vient n'est pas du tout mais alors pas du tout conseillée. Ma main voltige jusqu'à rencontrer la mâchoire de Morgan. Sous le choc, je pousse un petit cri. Qu'est qui m'a pris ? Je sens le coup remonter dans mon bras. Très mauvais calcul... " Tu l'as dis. Bon je vais y aller. Désolée mais la violence ce n'est pas mon truc. Et comme nous savons toutes les deux ce qui va se passer, je ne préfère pas voir. Salut ! "

    Je crois qu'une seconde claque ne serait pas de refus...

Le boomerang arrive et je me protège le visage avec mes mains en croix. J'attends l'impact mais rien ne se passe. Il parle :

-    Tu ne crois pas que je vais te frapper quand même ?

-    Je pensais la même chose de moi avant.

    J'abaisse mon pauvre bouclier. Une marque rouge s'étend de l'os de sa mâchoire à sa pommette. Je ne l'ai pas raté. J'espère que je ne lui ai rien cassé. Je lui pose la question et il me répond par la négative. Après avoir souffler de soulagement, j'émets un faible "désolée".

    Il le balaye d'une main et rétorque :

-    Je savais qu'un jour tu en aurais marre.

-    Ah ! Tu as tout à fait raison ! Mais ce n'est pas une raison. Et je ne peux pas nier que j'en ai eu envie plus d'une fois.

-    Sérieusement ?

-    Tu ne peux pas s'avoir l'étendue de ton comportement et toutes ses débouches. Même si ce n'était pas plus affreux que d'habitude, cette fois.

-    Je ne savais pas ça ! Quelle nouvelle !

    Ce côté sarcastique est nouveau pour moi comme pour lui. Cela fait longtemps que nous n'avons pas été aussi détendue sans compter notre situation bien sûr ! Mais je décompresse tout de même.

-    Je sais que tu en avais quand même une petite idée...

-    Peut-être.

    Il me regarde tendrement comme un ami qui se moquerait gentiment. Un ami. Je n'avais jamais pensé à lui de cette façon. À mes yeux, il n'était que Morgan. Et ce mot suffit à décrire son côté lunatique comme ses crises de colère et ses yeux verts. Il n'est qu'un type que je n'apprécie pas vraiment mais à force de rester ensembles, j'ai l'impression qu'une connexion a commencé à se tisser entre nous. Depuis notre rencontre, elle a été le premier point et maintenant un fil solide nous rejoint. Il est inébranlable. Aucun effort, aucun obstacle ou accident ne pourra nous séparer. Nous nous sommes liés dans l'adversité et toutes ses difficultés. Je ne pourrais jamais le refuser. C'est un cadeau. Le monde m'offre quelqu'un sur qui compter. Nous sommes une équipe maintenant, un tandem. Mais pas encore de vrais amis.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant