Chapitre Cinquante-six

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-    Tu as été transféré ? demandé-je.

-    Oui, sur la demande de Marc. Depuis qu'il a appris la disparition des filles, il ne sait plus quoi faire alors il m'a demandé d'évaluer le terrain le temps qu'il trouve une solution. Qu'est-ce que tu fais là ?

-    Je suis la solution. Kate est partie et on croit qu'elle est déjà dans le Manoir. Il y a eu une alerte ou un détail qui peut confirmer sa présence ?

-    Non, rien... souffle-t-il, découragé.

-    On a plus beaucoup de temps avant que Katelynn arrive ou qu'elle trouve son frère si elle est déjà à l'intérieur.

-    Elle ne peut pas être rentrée. On l'aurait su sinon.

-    Kate est plus maligne que tu ne le penses, avancé-je, confiant.

    Katelynn est intelligente et discrète, je suis certain qu'elle a réussi. Ses capacités ont dues être décuplées avec toute la rage et la peur qu'elle doit ressentir. Sous la pression, elle se révèle comme une fleur qui éclos au soleil.

-    Kate ou pas Kate, tu dois quand même m'emmener. Alors on arrête de discuter et on entre.

-    Avant il faut que tu mettes ça.

    Tom fouille dans une sacoche qu'il porte en bandoulière. Il en sort un tas de vêtements et me le lance sans préambule. Je les rattrape de justesse avant de les regarder d'un air suspicieux. Qu'est-ce qu'il veut que je fasse avec ça ? Me déguiser ?

-    C'est quoi ? Tu veux que je ressemble à un soldat, remarqué-je.

-    Oui. Il n'y a que comme ça que tu peux infiltrer le Manoir. Je te ferai passer pour un petit nouveau, de toutes façons, ici personne ne te connaît.

-    Je ne vais pas m'infiltrer. Repéré ou pas, je retrouverais Kate et son frère.

-    N'oublie pas les filles. Elles sont retenues elles aussi.

-    Oui bien sûr, réponds-je, hésitant.

-    Morgan, il faut que tu te sortes Katelynn de l'esprit. Je sais ce que tu veux et ce n'est pas dans ses projets.

-    Parce que tu connais "ses projets" ?! éclaté-je.

-    Morgan ne monte pas sur tes grands chevaux. Tu ne peux pas te braquer devant la réalité, justifie-t-il.

-    La réalité ? Tu ne connais même pas Kate !

-    Si et je sais que tu vas ne lui causer que des problèmes alors arrête de t'acharner, continue-t-il.

    La colère monte en moi comme un doux nectar. La chaleur prend possession de mon corps et se répand dans mes veines. Je n'arrive plus à me contrôler. Un odeur de brûlé monte jusqu'à mes narines et m'asphyxie presque. De la fumée commence à me brouiller la vue. Je ne voulais pas faire ça. Je ne voulais pas avoir d'autres crises. Je regarde mes mains où deux flammes dansent lentement sur chacune d'elle. Mes bras commence à chauffer de plus en plus jusqu'à que des étincelles jaillissent dans le noir pour former le feu sur mon corps. Je suffoque à cause de mon propre pouvoir comme pour me punir. J'ai peur, une peur angoissante qui m'enserre la gorge autant que la fumée acre.

    J'essaye de reprendre ma respiration mais je ne fais qu'avaler ce gaz noir. Je tousse pour me débarrasser de tout ce qui me gêne. Mais rien y fait, je suis prisonnié de mes propres flammes. Elles gagnent du terrain et avalent mes bras un peu plus à chaque inspiration dans leur tourbillon lumineux. Le vent les agite et elles aspirent cet air pour s'en nourrir et grossir.

    J'imagine la tête de Marc, mon professeur. Il verrait en moi le véritable monstre que je suis. J'ai toujours voulu le croire quand il me disait que j'étais spécial mais pas monstrueux comme je le croyais. Tous ses conseils brûlent avec les flammes qui me consument. Je ne réfléchis plus comme si un instinct animal s'était emparé de moi. Tout ce que je veux c'est plus de chaleur, plus de lumière, plus de feu.

    Les silhouettes oranges et rouges me taquinent en s'agitant langoureusement sur mes membres. Bientôt tout mon corps sera pris par cette tornade de flammes.

Non. Non ! Il ne faut pas ! Non, je ne vais pas faire comme avec maman. Non, sinon les gens vont mourrir...

    Je retrouve soudain le garçon qui a tout détruit il y a quelques années. Celui qui a pleuré pour effacer ses crimes. Il était horrible et faible. Je suis faible aussi mais cette fois je ne vais pas faire de mal.

    Des larmes glissent sur mes joues en feux et provoque un léger nuage de vapeur. Je dois me calmer. J'entends la voix basse de Marc résonnée dans mes oreilles : « Inspire, expire... Inspire, expire... La fumée ne te fera pas de mal, elle en fera aux autres par contre. Respire, inspire. Pense à une image qui t'apaise... »

    Je n'y arrivais pas avant. Aucun souvenir ne me calmait. Mais maintenant je sais à qui penser. Je sais qui pourra faire partir ce mal.

Son visage apparaît, sans sourire. Son expression est déterminée comme ma volonté de me contrôler. Je dois y arriver. J'entends sa voix qui m'intime de respirer. Je recommence alors ma méditation.

    Les yeux bleu-gris de Kate me soutiennent mais sa bouche reste toujours un fin trait délicat. Je lui souris, peut-être qu'elle sourira aussi. J'arrive souvent à lui prendre un de ces petits sourire en coin qu'elle veut pourtant me cacher. Mais je les vois toujours et ils montrent à quel point Tom a tort. Kate ne me déteste pas, elle a besoin de moi tout comme j'ai besoin d'elle. Elle a beau ne pas être très démonstrative, j'imagine très bien le combat qu'elle mène dans son esprit.

    Je me bats aussi maintenant avec ma propre nature et c'est difficile mais j'y suis presque. La fumée s'est dissipée et je respire alors un air moins pollué. J'ai moins chaud. Le calme essaye toujours de percer mes défenses. Soudain le sourire de Kate éclate tout. Mon cœur rate quelques battements pour reprendre sa course un peu plus tard. Les lèvres de Kate me sourient et j'ai envie de les embrasser. Je suis incorrigible mais elle a le don de me faire faire tout ce qu'elle veut. Je souffle une dernière fois et la chaleur disparaît d'un coup comme si la bouche de Kate l'avait aspirée.

    Son image s'efface et se confond bientôt avec le brouillard de mes pensées.

Je cligne des yeux comme à la sortie d'un rêve. Je tousse une dernière fois pour libérer mes poumons et regarde autour de moi.

    Il n'y a personne. Je ne vois plus Tom. Les arbres ont un peu souffert de mes flammes mais rien de grave, seulement quelques feuilles ont été touchées et heureusement tout s'est éteint en même temps que moi.

-    Tom ? appelé-je, doucement.

-    Je suis là.

    Je me retourne et découvre la silhouette du jeune homme qui avance. Un fois à ma hauteur, il me tend quelque chose. Je l'attrape mais dans le noir je n'arrive pas à savoir ce qu'il m'a donné.

-    Pour éviter ce genre de situation.

    Je saisis alors la nature de l'objet, c'est une tenue d'Élémentaire. J'avais oublié que je n'en portais plus depuis quelques semaines et même sans je n'avais fait aucune crise.

    Je me débarrasse de mes vêtements en lambeaux et enfile rapidement la combinaison.

-    J'ai récupéré les habits de soldat avant que tu ne les crames. Mets les avant qu'on nous repère, me conseille-t-il.

    Je suis ses indications et finis par poser le béret noir sur ma tête. Des mèches folles et bouclées dépassent du couvre-chef. J'essaye d'arranger un peu ma tenue mais ça ne donne pas vraiment le résultat que je veux. Ce n'est pas grave. De toutes façons, je suis sûre d'être repérer, je n'aurai qu'à courir vite à ce moment là.

    Je pense ça maintenant mais je sais que sur le terrain tout ce que je dis là ne me servira à rien. On ne peut pas prévoir ce qui se passera en tout cas j'en connais le résultat : aider Katelynn à retrouver Jules.

-    Allez, on y va, lance Tom.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant