Chapitre Soixante-quatorze

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Après autant d'émotions, je me sens mieux. Mais il me reste encore une dernière chaîne à libérer.
Nous nous dirigeons d'un bon pas en direction d'une tente un peu plus grande que les autres. Sa teinte kaki se confond avec le paysage environnant.

Remise du témoignage de Rose, que je continue, malgré tout, à caresser des doigts en ce moment, j'ai fini par enfiler une tenue un peu plus adaptée, un bas fluide et un pull suivi d'une veste, laissant les habits de la Garde dans une poubelle.

Tous les Élémentaires ont été convoqués par Hélène. On sait tous ce qui nous attend. C'est la dernière ligne droite.

Nous entrons un à un dans la tente pour y découvrir un spectacle qu'on aurait tous voulu éviter. En plein milieu de la pièce, se tient une chaise métallique sur laquelle se trouve notre dernier ennemi. Anne.

Elle nous considère chacun de ses yeux fous. Le feu de ses cheveux broussailleux est terne, son visage est salit par le voyage et ses larmes de rage. Attachée par les mains et les pieds, elle se dresse, droite sur les quatre pieds de métal. Elle cogne son dos sur le dossier de l'assise tout en essayant de se libérer. Tout le monde sait que ce qu'elle essaye de faire est peine perdue. Mais la détermination dans le regard de la jeune femme nous montre qu'elle n'en a pas conscience. Elle fait basculer la chaise, un bruit métallique résonne. Morgan s'avance pour relever d'une main de fer le siège et le replace au centre de la tente. Les chevilles sanglées à la chaise, Anne ne pourra pas s'échapper, quoi qu'elle fasse. En essayant de s'en sortir, elle fait plus de peine que de mal. Elle est désespérée, même sous cette couche de folie, j'arrive à le sentir.

Se secouant comme un animal sortant de l'eau, elle grogne et nous fusille du regard.

Mon père s'approche d'elle et pose une main sur le bras de Morgan pour lui faire lâcher prise. Il retire sa main de la chaise comme si elle l'avait brûlé, chose étonnante d'ailleurs. Mais il n'y a aucun phénomène surnaturel dans sa réaction, il est seulement et profondément dégoûté par Anne, et je le comprends...

Je jette un œil à mon frère qui s'est étendu sur un petit lit le long d'une des parois tissée. Il est faible. J'ai le temps, je peux le faire.

Juste avant que les festivités commencent, doux euphémisme, je le rejoins.

Jules ouvre les yeux à mon approche, leur bleu délicat reflète une brève douleur. Même si je l'ai guéri lorsque je l'ai retrouvé au Manoir, et plusieurs autres fois lors de notre dernière route, il a toujours besoin de soins. Ce sera dur pour lui de reprendre une existence normale. Pour le moment, ce sont seulement quelques crampes et courbatures qui le gênent mais plus tard lorsqu'il se concentrera dessus, ce seront des problèmes psychologiques profonds qui lui mèneront la vie dure. On ne ressort jamais d'un enlèvement et d'un emprisonnement en parfaite santé. À ce moment-là, mes pouvoirs ne pourront plus l'aider.

Je rabat mes paupières et me concentre sur son souffle pour me calmer. De minuscules points lumineux recouvrent certains muscles de ses bras et jambes. Les maux localisés, je commence à les faire disparaître. Un pic d'énergie me traverse les veines et s'élance vers Jules. Les mains plaqués sur ses avant-bras, je fais courir mon pouvoir sur ses membres. Des faibles étincelles me picotent la peau puis tout se calme. J'ouvre les yeux et lui lance un regard rempli de réconfort et d'amour. Je l'enserre quelques secondes dans mes bras, avant de le lâcher et de me concentrer sur la scène d'en face.

Morgan, Hugo, Will, Maxence et Tom encerclent la chaise d'Anne. Leur regard menaçant lui déconseillant de bouger ne serait-ce que le petit doigt. Cette image pourrait paraître effrayante pour un inconnu, mais en connaissant les capacités d'Anne et son côté aliéné, cette scène est plutôt rassurante.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant