Chapitre Neuf {3}

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Tom est un bon allié, il nous montre tout ce qu'il y a à savoir sur le bâtiment : chambres, salle de musculation, terrain d'entraînement à l'extérieur, réfectoire... Même si certaines de ces installations ne nous serviront à rien, j'aime avoir un léger plan du camp. Je n'adresse presque pas la parole à Diane et elle non plus. Nous restons discrètes. Cela fait deux jours que nous sommes arrivées et aucune nouvelle de Morgan. Nous entamons le troisième jour et j'angoisse tellement. Il est peut-être mort et le chercher ne sert donc plus à rien? Je préfère balayer cette pensée et me concentre sur mon objectif. Je me suis finalement lavé mais enfonce mon béret le plus possible pour cacher mon visage, comme Diane. Mais notre couverture ne reste pas intacte longtemps. Au matin du troisième jour, après une nuit agitée de cauchemars sur l'attentat et Morgan blessé, je me lève et oublie mon chapeau sur mon lit, sans m'en rendre compte.

Je suis surprise par le regard horrifié que me lance Tom, puis comprend quand il articule :

- Tu es une fille...

Je panique et essaye de réparer les dégâts mais il vient de voir mon vrai visage, mes cheveux sont retombés et m'arrivent presque à la taille. Je lui offre mon identité sur un plateau mais Tom ne fait rien. M'étant finalement lavée ces derniers jours, je n'ai plus de boue ni de suie noire pour me protéger du regard de Tom.

- Comment as tu fais pour entrer ?

- Tu ne vas pas chercher des copains, les gardes, pour me dénoncer ? Je lui crache presque à la figure.

- Non, répond-t-il tout simplement.

- Pourquoi ?

Il ne répond pas à ma question et continue :

- Tu es dans la résistance ?

Comment peut-il connaître notre existence ? Je ne nie et n'avoue rien. Ma bouche reste close. Si je veux avoir une chance de faire sortir Morgan il faut que je garde le silence. Tom poursuit en chuchotant :

- Ne crains rien, je suis contre le Dirigeant, ça fait tellement longtemps que je recherche quelqu'un du Sous-Noyau.

Ce n'est pas possible qu'il sache autant de choses en étant notre ennemi, il doit être l'un des nôtres. Mais je n'en démords pas et ne dis rien.

- Je sais qui tu es maintenant, alors pourquoi tu me croirais ? Ça pourrait être une diversion pendant que les autres arrivent... Mais non. Je suis un infiltré depuis mes dix ans. J'ai été intégré au camp du Dirigeant pour recueillir des informations. Qui soupçonnerait un gamin'? Mais j'ai perdu tout contact avec ma tante il y a quelques années... J'espérais ce jour depuis tout ce temps. Et maintenant que tu es là, tu joues à la muette.

Il attend ma réponse mais je reste plantée les bras croisés comme pour me protéger de cette vérité scandaleuse.

- Peut-être que l'autre, il pourra m'en dire plus, à moins que ce soit "elle".

- Qu'est ce que tu veux savoir ?

- Je crois que je te l'ai déjà dit. Une lueur d'espoir s'est allumé quand il a vu mon vrai visage, il n'est pas méchant mais sincère et je le crois.

- Oui, je suis du Sous-Noyau. Qui est tante au fait ?

- Hélène, elle opère dans le camp central, au Noyau.

Je me crispe. Comment lui dire se qui s'est passé ? Je préfère être franche :

- Je suis désolée, vraiment désolée mais Hélène a été tuée lors de l'attaque au Noyau.

Tom s'effondre sur son lit. Il a soudain les yeux vitreux et regarde dans le vague. Je m'approche et esquisse un geste de réconfort en posant ma main sur son épaule affaissée.

- Ooohh... s'étrangle quelqu'un derrière moi, Diane.

Je lui résume tout en chuchotant. Elle comprend et regarde Tom avec compassion mais reste tout de même sur ses gardes.

- Non, non... geint Tom, le visage dans ses mains. Je n'ai même pas pu la revoir avant, elle était ma seule famille. La seule raison qui me poussait à continuer mon rôle.

- Il faudra que tu nous aides, il faut continuer à agir normalement.

- Pourquoi je vous aiderai ? Des larmes coulent sur ses joues. C'est assez déstabilisant de voir un homme pleurer.

Diane intervient, de sa belle voix douce :

- Parce qu'Hélène voudrait que l'on continue à se battre, elle est morte pour faire sortir des gens du bâtiment avant qu'il s'effondre, elle a agi en héros. Maintenant c'est à nous de reprendre le flambeau.

Je n'aurais pas pu mieux dire. Diane a une éloquence, la même que Marc et Hélène. Elle pourrait rallier beaucoup de monde à notre cause avec ce discours.

Tom nous considère encore quelque secondes avant de rétorquer :

- C'est quoi le plan ?

Nous lui expliquons que nous sommes seules pour le moment et que l'un des nôtres est retenu ici. Je me rends compte quand je lui dis ça que tout s'est passé tellement vite. Tout n'a été qu'instinct de survie après le début de l'attaque.

- D'accord, vous êtes en train de me dire qu'on a aucun soutient de l'extérieur mais que la blonde connait une planque de la résistance pas loin et qu'il faut en plus sortir un blessé d'ici ? C'est ça ? Non, mais vous êtes complètement folles ! s'étrangle-t-il puis reprend :
- Mais ça va, j'aime plutôt ça. Allez, je marche. On commence quand ?

Tom est très expressif et le voir faire tout sorte de grimace puis arriver à cette conclusion me trouble même si je suis contente d'avoir trouvé un allié sûr. Je lui fais totalement confiance et en même temps je n'ai pas le choix.

Nous décidons d'agir le lendemain soir. Tom connait la base sur le bout des doigts et a réussi à nous procurer une tenue de soldat pour camoufler Morgan mais aussi des vivres, de l'eau dans des gourdes et tout un tas d'autres choses qu'il a rangé dans un grand sac, qu'il portera en travers de son dos. Hier, il a repéré l'emplacement de Morgan, deux gardes le surveillent mais il s'est occupé de droguer les gourdes qu'ils trimballent à leur ceinture.

Avec Diane nous passons nos cheveux dans les chapeaux et réajustons nos uniformes.

Nous sortons en silence vers minuit quand la plupart des gens de la base sont endormis sans compter les gardes qui patrouillent la nuit. Nous ne devrons pas avoir de mal à nous faire passer pour des soldats en pleine ronde mais nous marchons tout de même sans bruit.

Nous arrivons à la porte qui nous avait barré la route, à Diane et moi, quatre jours plus tôt. Elle n'est pas fermée et nous avançons dans un corridor sombre qui même à l'entrée d'une salle où reposent deux soldats sur des chaises. Ils dorment profondément grâce à ce que leur a donné Tom. Je me demande où il a pu trouver cette drogue. Mais j'oublie ça et me concentre sur les deux portes qui nous font faces. Tom se dirige vers celle de droite et nous le suivons. Il sort un trousseau de clé et en essaye plusieurs jusqu'à trouver la bonne. Le panneau de bois s'ouvre sur une petite pièce plongée dans le noir. Tom gratte une allumette pour nous éclairer ce qui me fait penser à Morgan, je me mords la lèvre et entre dans la pièce. Une odeur de moisi et de putréfaction me prend la gorge, des rats courent dans un coin. Je respire avec la bouche pour éviter de respirer cette odeur putride. C'est un vrai cachot de prisonnier. Je m'avance et aperçois une silhouette. Tom approche son allumette, qui va bientôt lui brûler les doigts, de l'ombre. Je découvre le visage tuméfié de Morgan. J'ai l'impression d'étouffer d'horreur en le voyant. Mais l'allumette se consume et me sauve. Je n'ai pas envie de revoir ça.

Nous le prenons par les bras, Tom et moi, Diane fait le guet. Ils n'ont pas attaché Morgan sans doute parce qu'il ne pouvait rien faire avec tous les tranquillisants qu'il a ingéré. Il ne bouge même pas. Ne fait rien. L'inquiétude et la peur se mêlent dans mon esprit.

Nous le portons jusqu'à la sortie éclairée. Je me couvre la bouche, pour éviter d'hurler, à la vue de Morgan sous l'ampoule jaune.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant