Chapitre Vingt-cinq {1}

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Nos sacs sur le dos nous sortons en silence. Je quitte cette maison trop petite avec sa cuisine, sa salle de bains et ses deux chambres dont l'une devrait être un salon. Et il y a ma chambre, ce placard spécialement aménagé pour moi. Pendant plus de seize ans, il a été mon refuge, mon seul ami et je lui dis au revoir aujourd'hui, pour commencer une route que j'ai choisie, celle qui me conduira à mon frère qui est tout ce qui me reste, ma seule famille.

L'agitation dans les maisons voisines a commencé. Certains doivent se préparer à aller travailler ou, pour les garçons, à aller à l'école. Nous nous mêlons aux passants qui sont assez nombreux pour que l'on ne nous remarque pas. Pour que l'on n'aperçoit pas ce duo insolite : une fille aux cheveux blonds et gras, aux vêtements débraillés ensanglantés avec des genoux écorchés et le jeune homme à son côté qui ne s'est pas encore rasé et lavé portant un vieux sac de voyage.

Slalomant dans les rues du centre-ville, nous nous dirigeons à la banque où Morgan va liquider ses comptes. Je l'ai pourtant supplié de ne pas le faire, l'Élémentaire ne m'a pas écouté. Cette fois il ne veut pas dormir à même le sol et arpenter la campagne à pied, mais à cheval. Je lui ai répété qu'avec ce qu'il veut faire nous serons plus repérables, mais encore il n'a pas pris compte de mes réflexions. Je le laisse aller retirer son argent. Une boule se forme dans ma gorge, à cause de moi il ne va plus rien avoir. "Mais tu ne vois donc rien, ma puce  ?!! "

Je ne comprends pas cette voix. Pourquoi me parle-t-elle au juste ? D'où vient-elle ? Je veux des réponses à mes questions.

"Tu les auras en temps voulu, ne t'en fais pas..."

Pourquoi ne pas tout me révéler tout de suite ? Bien sûr, la femme reste muette.

Je passe à autre chose et observe les occupants de la place. Il doit être neuf heures et le soleil me le confirme, mais des enfants jouent déjà près de la petite fontaine. Leurs rires emplissent l'air. Je me revoie âgée de cinq ans quand je courais après mon frère, qui n'était encore qu'un bébé, et qui m'avait chipé mon bâton. Ce morceau de bois a été un de mes seuls jouets. Celui que j'emportais partout. Je ne sais plus très bien ce que faisais avec mais il était important. Ça j'en suis sûre.

Maintenant j'ai encore un morceau de bois avec moi mais il n'a plus la même forme. Je soulève la manche de ma combinaison pour le regarder. Je passe un doigt dessus et tombe sur une nouvelle petite zébrure verte qui se faufile sous le tissu. Je le retrousse et découvre une chose étrange. La tige est accrochée à mon bras, comme si elle y était collée. J'essaye de l'enlever mais une douleur aigu me traverse. Qu'est ce que c'est que cette histoire ? La ligne verte est incrustée dans ma peau, son relief forme une veine à l'image de celle à mon poignet : petites courbes bleutées sous ma peau diaphane. Je la retrace avec mon pouce, elle s'arrête un peu avant le milieu de mon avant-bras pour disparaître sous l'épiderme. Mais d'où vient cette chose ? Je commence à paniquer mais crier en pleine rue ce qui m'arrive ne nous permettra pas de rester inaperçus, au contraire.

J'aperçois enfin la haute silhouette de Morgan sortant du bâtiment. Je le hèle et son front se plie sous l'incompréhension. Je voudrai tellement lisser ce trait de son visage. Non, je n'ai rien  dit. Oubliez ça !

Il arrive à ma hauteur et je l'emmène dans une ruelle étroite.

- Qu'est ce que tu as, Kate ?

- Regarde ça.

Je lui montre mon poignet et guette sa réaction en priant pour que ce truc sur mon bras ne soit qu'une illusion due au manque de sommeil.

Il le prend entre ses mains et marmonne des choses inintelligibles. Ses doigts agiles  glissent sur la verdure me montrant que je ne rêve pas.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant