Chapitre Douze {1}

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Je me réveille dans un lit, qui grince en me redressant. Un faible rayon de lumière filtre à travers une fenêtre sale et m'éblouit. Je me frotte les yeux pour retrouver un semblant de vue. Avec ce geste tous mes souvenirs resurgissent...

Tous les événements de la veille me reviennent en mémoire et je laisse les larmes couler en silence sur mes joues. Mon amie est morte. Et je n'ai rien fait pour son corps. Je l'ai laissé...
Je m'assois de côté sur le lit, le menton dans les mains et les coudes sur les genoux. Une fois mes larmes essuyées, je débute une méditation. Je ne veux plus penser à mes malheurs, passer à autre chose. J'inspire, j'expire. Je recommence jusqu'à calmer mon rythme cardiaque. Je suis toujours saisie par le bien que peuvent faire ces quelques minutes. La sérénité s'empare de moi et je me surprends à sourire. Je regarde autour de moi, un lit superposé contre un mur et le matelas sur lequel je suis sont les seuls meubles de la pièce.

La porte s'ouvre sur Morgan. Son regard est impassible.

- Vous allez mieux.

Je n'arrive pas à déterminer si c'est une question ou non. Je reste muette. Il fouille dans un sac posé sur le lit bas de celui superposé. Il me lance des vêtements, je les attrape de justesse. La tenue se compose d'une robe grise arrivant aux genoux, il y a des bas noirs et des ballerines de la même couleur.

- Qu'est ce que c'est ?

- Je croyais que votre couverture était celle d'une femme de ménage.

Sa voix est dure, sans aucune émotion.

Je passe la robe par dessus ma combinaison, les manches de la robe et les bas la cachent. Morgan porte une tenue du même gris que ma robe. Ce qu'il porte est informe, laid mais même avec tout cela il arrive à la mettre en valeur, avec ses larges épaules et sa haute taille.

- Où est Diane ?

- Elle a déjà commencé son service, elle est chargée du rez-de-chaussée.

- Et moi ?

- On doit s'occuper de l'étage au-dessus.

- On ?

- Oui, on doit travailler ensemble et je n'en ai pas plus envie que vous.

Nous sortons, un chariot d'entretien nous attend.

- Mais comment va-t-on faire ? Je ne sais pas comment travaille une femme de ménage.

- Vous savez changer un lit ?

- Oui.

- Alors vous pouvez en partie faire le travail d'une femme de ménage.

Nous montons au second étage, réservé aux appartements du Dirigeant et de sa femme. L'emploi a été choisi pour qu'on est accès au bureau de ce dernier.

Je demande à l'oreille de Morgan :

- On commence les recherches aujourd'hui ?

- Non, toute opération commence par l'évaluation de terrain.
Son ton critique me laisse coite. Nous arrivons devant les chambres.

La journée se passe et je change les draps des lits et nettoie chaque meuble et recoin.

Le service terminé nous passons par les cuisines, qui grouillent de monde, pour prendre notre repas. Nous avions fait la même chose ce midi. Morgan et moi emportons le tout dans notre chambre. La nourriture est mangeable, malgré son aspect douteux, mais n'a presque aucun goût. Une fois que nous avons fini de dîner, les emballages sont jetés dans la poubelle du chariot et Morgan sort pour aller la mettre dans le vide-ordure.

Quand il revient, je me dirige vers les douches communes. J'ai transpiré et me sens sale. Ce métier est très physique contrairement à ce qu'on pourrait croire. J'ai un peu mal au dos, pour m'être baissée plusieurs fois pour faire briller chaque étagère.

L'eau est froide mais j'y suis habituée, chez moi l'eau était courante mais jamais chaude. Je me sèche avec une serviette pelucheuse et remet ma tenue d'Élémentaire puis la recouvre de mon uniforme gris.

Morgan est étendu sur la couche du bas du lit superposé quand je regagne la chambre. Il lève la tête à mon approche. Diane qui est sur le lit du haut me lance :

- Alors, cette première journée ?

Je hausse les épaules. Ça m'a changé les idées quelques heures, mais les images de Juliette m'assailent toujours. Diane doit être au courant pour ce qui s'est passé puisqu'elle ne pose pas de questions. Que lui a dit Morgan, au juste ? Je voudrai savoir mais je ne veux pas lui adresser la parole. Je ne sais pas comment on en a fait pour arriver à ne plus se parler. On n'a jamais été très proches mais quand même ! C'est assez radical en fin de compte.

Je m'endors très vite sans enlever mes habits. J'ai peur qu'on doive quitter l'endroit cette nuit et que je compromette l'opération en ne portant pas mon costume. Je stresse et suis mal à l'aise. Je ne me trouve pas en sécurité ici et je crois qu'aucun lieu ne l'est à ce jour, pour moi.

Bien sûr, il ne se passe rien. Mais en plein milieu de la nuit, je me réveille en sursaut après avoir rêvé de la mort de Juliette. Son visage changeait pour prendre l'apparence de celui de ma mère, de mon frère, de Diane et de tout les gens que je connais à part celui de Morgan.

Lui est bien vivant et il s'est penché au dessus de moi. Il porte la tenue de la base et ses yeux verts me fixent.

Le trouver si près de moi en ouvrant mes paupières, m'effraie un peu. Je recule et me redresse :

- Qu'est ce que vous faites là ?

- Vous criiez et vous vous agitiez pendant votre sommeil, j'ai voulu savoir pourquoi. Vous avez fait un mauvais rêve ?

- Cela ne vous regarde pas. Je ne suis pas une enfant, je n'ai pas besoin qu'on s'inquiète pour moi.

- Je le sais mais je voulais juste me rendormir le plus rapidement possible.

Touchée. Il gagne dans la catégorie de la réponse la plus désobligeante. C'est moi qui l'entraîne avec mon répondant mais c'est lui qui me remet à ma place. Il m'a vexé, je n'aime pas discuter avec lui. Depuis son réveil, Morgan ne m'a pas parlé une seul fois sans le faire. Il est différent depuis son séjour au camp militaire. Je n'imagine pas les choses horribles qu'il a dû subir mais ça l'a sévèrement marqué et on ne peut que le comprendre.

Je coupe court à l'échange d'un ton plein de ressentiment :

- Bonne nuit.

- Bonne nuit.

Mais je me rends soudain compte que Diane n'est pas là, alors je reprends la parole :

- Où est Diane ?

- Je ne sais pas, me répond-t-il la tête tournée sur son oreiller.

Je ne peux que penser aux enlèvements et aux accidents qui pourraient se produire en imaginant un membre de notre équipe absent. Mais j'arrive quand même à m'endormir.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant