Chapitre Soixante-treize

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Je me réveille précipitamment, les cheveux collés au visage. Je dégage ma tignasse pour pouvoir enfin découvrir qui est à l'origine de mon réveil soudain.

Cassiopée, Alice, Cassandre et Rebekah me fixent alors que je me redresse dans mon lit de fortune, constitué d'une simple couverture terne et d'un vieil oreiller.

Je frotte mes yeux endormis et fini par lancer d'une voix enrouée :

- Bonjour, les filles...

Cette seule phrase me replonge dans mes souvenirs. C'est comme si je me réveillais après ma première nuit au Sous-Noyau. Je revois notre chambre, avec ses quelques lits superposés et cette plante, la première que j'ai manipulée. Je revis mon réveil avec ses fines tiges enroulant mon torse, avec les cris de mes compagnes et leur mine froissée au saut du lit. Tous les souvenirs me reviennent par millier, ils m'emportent dans un typhon d'émotions et de flash back.

À ce moment là, je ne me serai jamais douté de l'étendue du Sous-Noyau, de tout ce qu'il cachait, de tous les secrets qu'ils dissimulaient. J'étais bien naïve. Je pourrais presque m'en vouloir. Mais je me rappelle bien vite qu'on ne peut changer le passé, alors pourquoi me casserai-je la tête avec ça ?

Les quatre filles devant moi ne me répondent pas, et c'est là qu'une peur trop familière commence à s'insinuer en moi. Elles restent debout, leurs yeux toujours sur moi.

Non, ça ne va pas recommencer ?!?

- Qu'est ce qu'il se passe ? articulé-je, d'une voix tremblotante.

- Il avait raison, répond nonchalamment Cassandre.

- Oui, j'aurai parié le contraire, enchaîne Alice.

- Quoi ? Qu'est-ce qui a raison ? demandé-je, encore plus paniquée.

- Laissez la un peu tranquille les filles, souffle une voix grave.

Je me retourne pour trouver un Morgan, à moitié endormi, une main en visière sur le front, en train de les toiser d'un mauvais œil.

- Mais que se passe-t-il, à la fin ? crié-je, à fleur de peau.

- Tu as quelque chose sur le visage, m'informe Cassiopée.

Son ton calme, me donne envie de la frapper. Leurs yeux de merlans frits n'étaient là que pour observer une "chose" qui me recouvre soi-disant le visage.

- Vous mériterez une claque chacune pour me faire peur comme ça ! sifflé-je, entre mes dents.

Je me lève précipitamment, m'approchant d'elles dangereusement pour illustrer mes propos. Toutes reculent sauf Rebekah qui me taquine, un sourire aux lèvres :

- J'avais oublié que tu étais aussi susceptible.

Le rire des trois autres détendent un peu mes muscles crispés. J'expire bruyamment pour exprimer mon mécontentement.

- J'ai une mine si effrayante pour avoir affaire à de tels regards ?

- Non, pas affreuse, loin de là. C'est juste qu'on voulait vérifier les propos d'un ami, n'est-ce pas Morgan ?

L'intéressé se lève d'un bond.

- Vous ne m'écoutez décidément pas quand je vous demande de la laisser tranquille ?

Un léger pli se forme entre ses sourcils. Il regarde ma joue. Ma joue ?

Je laisse tomber les excuses plates et inutiles de mes amies pour me concentrer sur ma recherche. Il faut que je trouve un miroir pour y voir ma joue ou du moins ce qui la recouvre. Ils m'ont inquiété à force de mots et de regards. Je fouille dans une malle près d'un sac de couchage et tombe alors sur un petit objet coupant. Je le sors de la caisse et le contemple sous les premiers rayons du soleil. Le morceau d'un miroir brisé tient dans ma main et me révèle un reflet presque inconnu. J'admets que le voyage m'a changé. Mes cheveux courts bouclent légèrement dans ma nuque, ils se sont éclaircis pendant mes longues marches sous le soleil, ils se déchaînent de tous les côtés accentuant le côté décoiffé de la coupe. Ma peau d'ordinaire blanche est très légèrement halée, et mes taches de rousseur ont formées une colonie le long de mes pommettes et de mon nez. À part quelques traces de saleté sur le visage et deux yeux bleu-gris qui me scrutent, je ne remarque aucun changement.

Des doigts brûlants dégagent alors une partie de mes cheveux pour découvrir le bas de ma joue droite. Juste au dessus de la ligne de ma mâchoire se dessinent deux caractères. Dans une encre verte très claire, presque transparente, on distingue deux lettres entremêlées. Un K et un R.

Je les effleure de mes doigts. Mes yeux laissent échapper une larme qui suit bientôt la courbe de ma joue. Comment, comment est-ce...
Je... je n'arrive pas à y croire. Je l'entends une nouvelle fois, cette voix :
"Tu vas me manquer ma nièce. Je ne t'oublierai pas. Prends bien soin de toi, tu iras loin, j'en suis sûre. Je t'aime..."

Je rapproche le petit miroir comme si voir ce dessin de plus près allait prouver son authenticité. Ma main se pose sur la trace.

- Rose... chuchoté-je.

- C'est elle ? C'est elle qui a fait ça ? m'interroge Morgan.

Je n'ose pas lui répondre, sous le coup de l'émotion les mots se coincent dans ma gorge.

Rose m'a laissé un souvenir de sa présence, elle m'a marqué de nos initiales pour que je ne l'oublie jamais. Même sans ce tatouage, elle n'aurait jamais quitté mes pensées. J'en suis certaine.

Une larme franchit une dernière fois la barrière de mes cils avant qu'un large sourire ne vienne étirer rapidement mes lèvres. Rose, je ne pourrai jamais la remercier pour tout ce qu'elle a fait. Elle a sauvé Morgan et moi avec. Comment faire pour lui rendre hommage ? Ou du moins essayer...

- En commençant à vivre et non à survivre, me murmure Morgan.

Apparemment les mots auraient dépassés ma pensée et franchit mes lèvres.
Et je me remarque soudain qu'il a plus que raison.
Je dois vivre...

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant