Chapitre Trente-neuf

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Mes pieds souffrent à chaque pas mais je ne m'en préoccupe pas. J'ai plus important à penser. Cela fait plus de douze heures que nous marchons et nous n'avons pas trouvé une seule autre ville. Il n'y a que des champs et une forêt immense qui s'étend à l'horizon.

Après les cinq premières heures nous avions encore un petit espoir de trouver un village. Nous en avions discuter pendant tout le long de notre maigre repas. Ça a été difficile de récupérer de quoi manger pour quelques jours à l'hôtel sans se faire remarquer. On m'aurait dit que je serai tellement désespérée que je finirais par voler dans les cuisines d'un aubergiste aussi accueillant que Jean j'aurais rit mais pourtant tout cela s'est vraiment passé. J'ai pris quelques pommes dans un saladier posé sur la table près du comptoir puis les autres se sont chargés du reste, c'est-à-dire du pain rassis avec quelques morceaux de dindes froides et une tomate. Notre trésor n'est pas si fournit mais nous nous débrouillons, laissant de côté juste assez pour un autre repas. En pensant à notre trahison envers Jean, j'ai une boule coincée dans la gorge. Je ne voulais pas lui faire ça même s'il ne s'en rendra pas compte, je sais ce que nous lui avons fait. Même en essayant de me convaincre en pensant à la nécessité de cette nourriture, je n'arrive pas à m'empêcher de me sentir coupable.

Je finis par ne plus penser à ça. Mes pieds sont au centre de mes réflexions. Je suis sûre que si j'arrête de marcher ils partiront en poussière après ce que je leur est fait subir ou alors ils s'enfuiront en me laissant seule et pantelante. Je sais, je ne vais pas bien. Je m'en suis rendue compte bien avant d'imaginer des pieds courir détachés de leur corps. La fatigue est pesante et nous écrase. J'attends la nuit avec impatience mais la disparition du soleil signifiera aussi que cela fait un jour de plus loin de Jules. Un jour de moins pour le retrouver. Un jour ou je n'ai pas réussi à le revoir. Chaque petit détail devient le plus grand drame. Je croyais aller mieux, avoir repris un peu du poil de la bête mais je ne sais pas pourquoi, je suis de plus en plus inactive. Je ne sais pas d'où provient cet épuisement, il est bien trop grand pour être la cause de notre marche. Il est énorme et me ronge chaque minute. .
Depuis déjà quelques heures, mon bras droit me démange mais je n'ose pas regarder. On peu me traiter de froussarde et oui je le suis. J'ai traversé et vu beaucoup de choses et je finis par avoir peur d'un avant-bras. Non, plus exactement d'une vulgaire plante.

"Pas si vulgaire que ça si tu veux mon avis."

Tiens le retour de la voix. Je sais que ce n'est pas un végétal quelconque mais si cela me rassure de le penser alors pourquoi pas ?

- On devrait se poser, commence Morgan. On est tous fatigués après cette journée.

Je ne me fais pas prier. À l'image de ma coéquipière, je m'écroule. Morgan est le seul à rester debout. Je sais que les hommes ont plus de muscles donc plus d'endurance mais c'est tout de même inhumain de ne pas s'assoir après tout ça.

- On devrait trouvé un endroit où s'installer avant, lance-t-il.

- Mais non ce carré d'herbe est parfait, fait Rebekah en fermant les yeux pour dormir.

- Tout à fait d'accord avec elle, réponds-je.

- Les filles encore un petit effort. Je vous propose de nous poser à l'entrée du bois.

Nous protestons encore un peu pour finir par nous traîner le plus vite possible jusqu'aux arbres. Mes muscles ne répondent plus et je crois que mes articulations manquent à l'appel mais ce n'est pas grave puisque je tombe définitivement dans l'herbe. Je n'ai pas la force de me changer ou de m'aménager un petit lit de camp ou même de manger. Il ne fait pas encore nuit mais je ferme déjà les yeux.

- Bonne nuit, Kate.

Sa voix n'est qu'un souffle près de mon oreille et j'ouvre soudainement les yeux, surprise.

Morgan est à quelques centimètres de mon visage et esquisse un sourire charmeur. Je déteste quand il fait ça et il le sait. Je lui réponds par un grognement rauque et me tourne sur le côté pour m'endormir.

- Fais de beau rêves...

Je n'ai pas le temps de répliquer, le sommeil m'assaille déjà.

Quand je m'éveille, je sais que je n'ai pas fait de rêves et je m'en réjouis puisque souvent ils se transforment en cauchemars. Mes yeux peinent à s'ouvrir mais réussissent à distinguer une vague silhouette. Ce doit être Morgan qui est venu me réveiller pour reprendre la route. Mais je n'ai pas envie de me lever pour marcher encore toute une journée. Je veux juste dormir et trainasser. Certes une pensée irresponsable mais tentante.

Je me redresse malgré mon envie de ronfler. Mes iris ne sont toujours pas habitués mais je me lève quand même pour rencontrer une figure inconnue. Avec mes poings, je frotte mes paupières et j'aperçois un peu plus tard une tache noire. Un homme se trouve visiblement près de moi. Ce n'est pas Morgan, j'en suis sûre. L'individu n'est vêtu que de noir et son visage est caché d'un masque de la même teinte, je peux remarquer une barbe de trois jours sous son accoutrement. Ses yeux noisettes me fixent d'une lueur malsaine et un rictus fige son jeune minois. Je suis sûre que les filles tombent comme des feuilles face à son charme mais je n'y trouve rien de bienveillant.

Cet étranger ne va rien m'apporter de bon, j'en suis sûre. Mes certitudes sont confirmées puisque quelques secondes plus tard, il me plante un sac sur la tête. Je reçois un coup sur le crâne et perds conscience. Mes dernières pensées vont à mes compagnons qui doivent avoir reçu un traitement similaire. Il n'y a qu'un mot pour expliquer ça : la Garde.

L'Élémentaire {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant