Chapitre 63 : Un monstre

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Maison des Barton.

Nash Collins.

Lana pose sa tête sur mon épaule, boudeuse. Je serre l'enfant contre moi pour la protéger du vent frai qui souffle dans la prairie des Barton. D'un geste léger, je fais basculer le hamac pour nous bercer un peu. Au loin, le soleil s'efface pour laisser place à l'obscurité de la nuit et aux quelques étoiles qui montrent le bout de leur nez.

« Je comprends que tu sois triste Lana, mais tu ne dois pas en vouloir à ton père. Il a pris la bonne décision en choisissant de purger sa peine. S'il avait fuit, il n'aurait pas pu revenir vers vous en tant qu'homme libre et ça aurait énormément compliqué les choses.

- Mais, et toi, alors ? Tu n'es pas recherchée aussi ?

- Plus que jamais, ris-je. Mais j'ai la chance d'être sous la protection du roi du Wakanda, ce qui n'est pas le cas de ton père. Si je me fais arrêter, T'challa m'offrira la liberté dans son pays.

- Mais tu es quand même une fugitive.

- Je l'ai toujours été et je le serais toujours, Lana. Même si tous les états cessaient de me poursuivre, même s'il n'y avait plus aucune charge contre moi, je serais toujours une fugitive.

- Mais si les états ne te poursuivent plus, qui fuirais-tu ? »

Je hausse les épaules.

« Mes problèmes ne s'arrêtent pas aux cent dix-sept nations qui voudraient me voir signer le traité de Sokovie. J'en ai des tas d'autres, mais ce n'est pas le genre d'histoire que l'on raconte à un enfant.

- Je ne suis plus un enfant !

- Reviens me voir dans deux ans et peut-être qu'éventuellement, je te raconterais tout ce que tu veux, d'accord ? Pour le moment, je n'ai pas envie de te causer des cauchemars.

- Ce n'est pas juste.

- Crois-moi, il y a des tas de choses que tu ne veux pas savoir, ma grande. Allez, tu devrais aller prendre ta douche et enfiler ton pyjama avant que ta mère ne te voit trainer. »

Elle tire la moue et sort du hamac. Elle se tourne vers moi en lâchant « un jour, je le saurais de toute façon ! » avant de courir à l'intérieur. Quelle petite curieuse, celle-là. Elle me fait penser à son père. Je reste là à observer la nuit s'installer pendant quelque temps, jusqu'à ce que Laura vienne me tenir compagnie. Elle s'assoit silencieusement à côté de moi et regarde un point invisible, attendant sans aucun doute que je commence la conversation. Mais face à mon silence éloquent, elle soupire et parle la première.

« Et si tu me racontais ce qui ne va pas ?

- Qu'est-ce qui te fait croire que quelque chose ne va pas ?

- Généralement, tu viens t'isoler ici lorsque quelque chose ne va pas. Et tu n'es jamais venue seule. En plus, de ce que j'ai compris, depuis un certain temps Bucky ne te lâche plus la grappe, alors ça m'étonne que tu sois venue sans lui. »

Je hausse les épaules et regarde le sol planché de la terrasse.

« De toute façon, je ne vois pas pourquoi je te le cacherais. Je suis venue parce que j'avais besoin de prendre du recul sur ma vie et sur moi-même, et que cet endroit est le seul dans lequel j'arrive à me poser l'esprit. Mais aussi parce que j'avais besoin de parler à quelqu'un d'autre que Bucky, Natasha ou Steve.

- Je suis là, Nash. Quoi que tu ais à me dire, je t'écouterais. Et si je le peux, je ferais en sorte d'arranger les choses.

- Je doute que tu le puisses. »

Je me triture les doigts et prends une grande inspiration avant de lui raconter. Je lui dis dans les moindres détails ce qui s'est passé avec Venise, ce que j'ai ressenti en la tuant, et toute cette culpabilité que je ressens maintenant.

« Seulement, vois-tu... ce n'est pas la première fois que ça m'arrive. Avant que Clint et Natasha me trouvent, j'avais le même comportement. Je me sentais extrêmement bien à chaque fois que j'enlevais une vie, et jamais je n'épargnais ceux qui me suppliaient, et ce même s'il y avait une autre alternative que la mort pour eux. Mais le pire, c'est que même après avoir retrouvé mon humanité, je ressens toujours ces choses. A chaque fois que j'abrège la vie de quelqu'un, je ne ressens aucune pitié, aucune miséricorde, rien. Rien d'autre que le désir de tuer ma victime.

- Mais après ça, tu te sens coupable ?

- Oui. A chaque fois, je me sens terriblement coupable, je m'en veux d'avoir agis comme ça et je me maudis intérieurement. Mais ça ne change rien à ce que je suis, au fond.

- Et qu'es-tu, selon toi ?

- Un monstre. »

Elle se met à rire et pose une main sur mon épaule. Elle secoue négativement la tête sous mon regard interrogateur et perdu.

« Nash, il est vrai que je ne connais pas vraiment de monstres comme tu les désignes, mais il y a une chose dont je suis certaine : tu n'en es pas un.

- Comment peux-tu en être certaine ? Tu ne sais pas ce qui se passe dans ma tête, Laura.

- C'est vrai, je ne sais pas ce qui se passe dans ta tête. Mais il y a une chose dont je suis certaine. Après toutes ces années passées avec toi, il y a une chose qui m'est parue évidente. Il y a une différence intersidérale entre Nash Collins et le Soldat d'Hydra que tu étais.

- Seulement... parfois, j'ai le sentiment que la frontière entre les deux s'estompe et lorsque c'est le cas, je suis vraiment un monstre.

- Ecoute, je ne suis pas psychologue agrégé, mais je pense que les derniers évènements n'ont pas dû t'aider. Tu as été reconditionnée récemment, tu as simplement besoin de prendre du recul pour t'en sortir totalement. C'est comme lorsque tu es arrivée ici pour la première fois. Tu as seulement besoin de te reconstruire. »

Me reconstruire. Mais comment suis-je sensée faire ? Et puis, est-ce que ça servirait vraiment à quelque chose ? A chaque fois que je me reconstruis, que j'oublie ma condition de soldat, elle finit par revenir au galop et m'écraser sous ses sabots. C'est une boucle infernale de laquelle je ne pourrais jamais sortir. Face à mon silence, Laura entoure mes épaules de son bras et me fait son plus beau sourire.

« Tu n'es plus une Avenger, maintenant. Tu n'as plus le poids de l'humanité sur tes épaules. Pourquoi tu n'en profiterais pas pour avoir une vie normale ? Installe-toi au Wakanda avec Bucky, trouve-toi des activités intéressantes à faire, éloignez-vous du monde et vivez comme si rien de tout ça ne s'était passé.

- Mais pour vivre une vie normale, on doit d'abord être une personne normale.

- Mais pour être une personne normale, il faut d'abord avoir une vie normale. »

Je ne suis absolument pas du même avis qu'elle. Si je ne suis pas une personne normale, je ne pourrais jamais avoir une vie normale. Si je veux avoir une vie normale, il faut d'abord que je sois un être humain comme les autres. Bucky m'a souvent dit qu'il voulait plus que tout au monde avoir une vie normale avec moi, mais on n'y arrivera jamais si je ne suis pas capable d'être une personne normale d'abord. Lui, il y arrive parfaitement bien ; il s'y est entraîné pendant deux années à Bucarest, il connait maintenant chaque recoin de la vie normale, mais pas moi. Avant les Avengers, j'étais soldat ; après avoir été soldat, j'étais un Avenger et Dieu sait que les Avengers ne sont pas des personnes normales à la vie normale. Et aujourd'hui, maintenant que je ne suis ni soldat, ni Avenger, il faut que je sois une personne normale pour m'adapter à une vie normale.

Et c'est exactement ce que je dois apprendre à faire avant de prétendre au calme d'une vie sereine.


NASH - MARVELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant