8.

1.9K 112 0
                                    

Encore un bombardement. Je range les sous que je viens de gagner et je cours chez moi. J'ai vendu mes affaires d'école et mes poupées. Je donnerais l'argent pour que maman puisse manger. Elle a tellement maigri depuis la dernière fois.

J'ouvre la porte de chez moi. Il n'y a aucun bruit. Même pas le bruit de la radio. Tout est éteint. Même la lumière. J'ouvre les rideaux qui étaient fermés.

- Maman ? Criais-je en marchant.

Je marche dans la maison, je cherche dans toutes les pièces. Elle n'est pas là. Il n'y a personne.

- Maman ! J'ai une surprise pour toi ! Maman ! Criais-je encore une fois.

Aucune réponse. Je cours chez ma tante d'à côté, je toque une fois puis deux et elle finit par enfin m'ouvrir.

- Tata ! Tu n'as pas vu maman ? Elle n'est pas à la maison... lui dis-je.

- Je ne l'ai pas vu sortir. Tu as regardée partout ? Dans la cuisine ? Toilette ? Ta chambre ? La sienne ? Me demande-t-elle.

- Oui... oui... J'ai peur, tata. Dis-je faiblement.

- Attends, je mets mon niqab et j'arrive. Me dit-elle rapidement.

Elle s'en va quelques minutes et revient habillée tout en noir. Elle me prend par la main et on rentre chez moi. Elle crie le nom de ma mère mais toujours rien. Elle allait sortir pour chercher dans la rue, mais je me rappelle qu'il y a une petite cave dans le sol.

- Tata, attend... Il y a le sous sol. Lui dis-je.

Elle respire et marche rapidement vers la cave. Elle a peur. Mais pourquoi ? Enfin, je veux dire que moi aussi j'ai peur mais j'ai l'impression qu'elle sait quelque chose que moi, je ne sais pas.

Il fait noir dans la cave et ça pue. Il y a une odeur bizzare. Je me bouche le nez et je m'avance mais ma tante m'arrête et me demande de ne pas bouger de ma place. Je l'écoute et ne bouge pas, quelques secondes plus tard, je l'entends crier. Je cours et vois deux corps.

Ma mère et ma tante. Il y'a beaucoup de sang. Je m'approche doucement mais qu'est-ce qu'il y'a ? Je m'agenouille devant ma mère et lui caresse sa joue du bout de mes fins doigts.

- Maman ? Pourquoi ta joue est froide ? Lui demandais-je.

Ma tante ne cessait de crier et de pleurer. C'était insupportable à entendre, ça fait froid dans le dos.

- Maman, pourquoi tu dors dans la cave ? Maman ? Dis-je doucement.

Je secoue son corps doucement. Je ne comprends pas ce qu'il se passe. Je n'ai jamais vu ça de ma vie, je n'ai jamais vu ma mère comme ça. Sept ans sur Terre et c'est la première fois qu'on m'offre un spectacle aussi terrifiant soit-il.

- Tata... pourquoi maman ne me réponds pas ? Lui demandais-je tristement.

Elle m'attrape le bras et s'avance vers moi puis me prends dans ses bras.

- Maman est partie... chuchote-t-elle.

Partie ? Mais elle est devant moi... à moins que ce ne soit pas maman et que ce soit un djinn qui a pris son apparence pour me faire peur...

- Elle est partie chez Allah. Dit-elle en pleurant.

Partie chez Allah... comme papa... Maman m'a abandonnée ? Elle m'a laissée seule ?

- Maman... dis-je en pleurant, tu peux pas me faire ça maman... prends moi avec toi !

Les larmes commencent à couler puis je saute sur le corps à ma mère. Je le secoue comme pas possible, je lui crie de se réveiller.

- Maman, MAMAN ! Criais-je en tremblant.

Ma tant me tient pour me calmer, mais je n'y arrive pas. Je suis seule. Maman est partie. Je suis seule. Je suis seule. Je suis seule. Je me lamente, je me gifle et me tire les cheveux. Je n'en peux plus. Ma mère est partie. Ma mère est morte.

- NON, NON, NON ! MAMAN RÉVEILLE TOI! TA FILLE A BESOIN DE TOI ! TA FILLE A BESOIN DE TOI ! Criais-je en sanglotant.

- ... ta fille a besoin de toi. Dis-je en me réveillant.

Je me lève en sursaut et les larmes aux yeux. J'avais l'impression d'être dans le rêve. Plutôt, le cauchemar. C'était le jour où j'ai découvert la mort de ma mère.

Je ferme les yeux. J'ai envie de me souvenir. J'ai envie de me souvenir des pires jours de ma vie. De ces jours affreux qui ont fait de moi ce que je suis aujourd'hui.

Je suis à la morgue. Ma mère est allongée sur une sorte de lit en fer, elle est couverte du linceul blanc. Des femmes m'entourent. Moi je devenais folle. On essayait de me calmer, de me rassurer mais rien n'y fait. Je ne voyais qu'une chose : l'abandon de ma mère.

Je revenais avec des sous pour nourrir ma pauvre mère et je la trouve... morte.

Je sautais sur place tout en me giflant. Je sais que le retour de la femme que j'aime le plus dans ma vie est impossible. Je sanglotais comme jamais je ne l'ai fais. Je ne sais pas pourquoi je vis si c'est pour souffrir.

Les femmes autour de moi étaient toutes habillés en noires. Je m'approche de ma mère et lui embrasse le front.

- J'aurais aimée être à ta place, maman. Chuchotais-je en pleurant.

On pose ma mère dans un cercueil. Je criais, je ne veux pas qu'on me reprenne ma maman. Je veux rester avec elle. Les hommes prennent le cercueil et marche avec jusqu'au cimetière. Nous, on était derrière eux.

J'aurais aimée qu'on marche pour moi plutôt que pour ma mère. C'était tout ce qu'il me restait. On arrive au cimetière. Les hommes prient sur elles et les femmes se mettent à l'arrière et prient aussi. Je n'ai pas arrêtée de pleurer depuis tout à l'heure. J'ai l'impression de me fatiguer. Je suis fatiguée à force de pleurer.

Ils ont creusés la tombe et ont sortis le corps de ma mère du cercueil pour le mettre sous terre. Je sanglotais fort.

- Maman ! Ne l'enterrez pas ! Je vous en supplie ! Allah, reprend mon âme... ya Allah... Dis-je en pleurant.

- Stop... stop Syhem... arrête toi... elle va souffrir, ta mère va souffrir si tu cries. Me dit ma tante en pleurant.

Une fois que ma mère a été enterré, les gens commencent à partir. Petit à petit, jusqu'à qu'il n'y ait plus que moi.

- Maman, tu es heureuse ? Maman? C'est ça, ta nouvelle maison ? Reviens maman, reviens... Je comptais grandir puis te faire partir d'ici. Mais reviens... dis-je les larmes aux yeux.

C'est un fatalité mais une vérité. Comment je vais vivre sans elle ?

Aujourd'hui, j'ai compris que je ne peux pas vivre sans elle, mais je dois survivre sans elle. C'est un obligation que je me pose. Sinon, je me laisserais mourir sur mon lit. Après tout, j'espère qu'elle est tout de même fière de ce que je suis devenue. De la femme que je suis devenue...

La Belle et le DjîhādîsteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant