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- As-salamu aleykum, c'est  pour Syhem ? Me demande-t-il.

Et sans attendre, je le prends dans mes bras. Il m'a manqué.

- Excusez-moi mais je suis marié. On n'a pas à se toucher. Me dit-il froidement.

Même comme ça, il m'attire. Je ne parle pas alors il rentre, sors avec un sac, ferme la porte à clé et s'apprête à partir. Je le retiens par le bras.

- Regarde moi dans les yeux. Lui dis-je avec une petite voix.

Il baisse le regard depuis que je suis venue.

- J'ai ma femme à l'hôpital, je n'ai pas le temps pour jouer. Dit-il avant de se dégager.

- Emin. Dis-je timidement.

Je me en face de lui, mets mes deux mains sur ses joues et remonte sa tête. Je le fixe dans les yeux.

- A... Ahlam ? Dit-il en faisant les yeux ronds. T'es pas censée être morte ?

- Ils m'ont maltraités, Emin... Shehab m'a enlevé, séquestré et violé ! Dis-je les larmes aux yeux.

Bien-sûr que ce n'est pas vrai.

- Mon cœur est fermé à toi, je ne ressens rien pour toi. Ni empathie, ni peine, ni pitié, ni compassion. Me dit-il fermement.

Je me mets à pleurer.

- Emin ne me fait pas ça ! Comment peux-tu m'oublier ? Regardes tout les sacrifices que j'ai fais pour toi ! Dis-je en larmes.

- Je ne t'ai rien demandé, Ahlam. Maintenant si tu me le permets, j'ai ma femme et mes enfants qui m'attendent. Me dit-il en souriant.

Puis il s'en va. Il a des enfants...

- COMMENT ÇA ? EMIN ! EMIN NON ! Criais-je.

EMIN

Je descends rapidement les escaliers sans regarder derrière moi. Je la pensais morte mais voilà que le plus beau jour de ma vie, elle revient. Ces personnes ont combien de vies au juste ?

Il faut que je sois plus prudent, je dois faire plus attention à Syhem mais aussi à Hind et Rehan. Cette folle est capable de leur faire du mal. Je rentre à l'hôpital puis rejoins ma femme. On est seul dans la chambre, les autres sont sortis.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? Me demande-t-elle.

- Rien Syhem, tout va bien. La rassurais-je.

Elle me regarde dans les yeux puis passe sa main sur ma barbe.

- Ne ment pas, je sais qu'il y a quelque chose. Dis moi, Emin. Me dit-elle.

- ... Ahlam est en vie. Elle est venue devant chez nous. Dis-je en grimaçant.

Elle reste silencieuse quelques secondes puis soupire.

- Allah nous la donné avec Shehab comme épreuves. Ils ne pourront rien nous faire tant qu'Allah ne l'a pas voulu. Me dit-elle en souriant faiblement.

Je prends sa main dans la mienne et l'embrasse.

- C'est bientôt le début de la prière, tu veux quelque chose avant que je parte ? Lui demandais-je.

Elle secoue sa tête alors je lui embrasse le front et part à la mosquée du Prophète. Je fais deux unités deux unités de prières puis m'assois en attendant que l'imam commence. On prie Ishaa (dernière prière, prière du soir) mais je reste un peu pour lire le Coran. Des frères viennent me prévenir qu'il y aura un savant qui viendra faire une conférence.

- Salam aleykum wa rahmatullahi wa barakatuh (Que la paix ainsi que la miséricorde et la bénédiction d'Allah soit sur vous). Dit-il.

Et les gens répondent à son salam.

- Aujourd'hui, nous voyons dans le monde, nos frères et sœurs se faire insulter, attaquer, opprimer. Que ce soit en Chine avec les Ouighours, les syriens sous la guerre depuis plusieurs années, les rohingyas en Birmanie, en Palestine et au Yémen. Nous dit-il. J'en ai sûrement oublié d'autres comme nos sœurs voilées en France, par exemple.

Je baisse la tête en pensant à ma grande sœur.

- On veut tous faire quelque chose à notre propre manière mais on ne peut pas tous les sauver tant que notre Ummah (communauté musulmane) n'est pas unis. Dit-il. Il nous faut donc nous travailler nous-mêmes, il faut qu'on se battre contre nous-mêmes. Il faut que l'on fasse le jihad...

J'ai commencé à froncer les sourcils. Il parle de quel jihad ?

- Jihad al nafs, le jihad de l'âme, de l'égo. C'est l'un des jihad les plus durs, combattre ses passions, son mauvais comportement, il faut que ce soit fait tous les jours et la prière en est la clé. Quand vous sentez que vous allez commettre un péché, pensez au feu et à la mort. Et si tu meurs aujourd'hui, et si ta destination sera l'enfer, est-ce que tu supporterai le feu, qui est 79 fois plus chaud que celui d'ici-bas, pour l'éternité ? Alors lève toi et prie tes prières obligatoires et si tu les as faites, lève toi et fais deux unités de prières.

Notre mort est si proche, chaque seconde de vie est un nouveau pas vers la mort. Mais peu le comprenne...

- Mais aussi, il nous faut la patience et pour vous montrer un bon exemple, je vais vous raconter l'histoire du Prophète Ayub. Dit-il.

Il marque une pause.

- Ayub, que la paix soit sur lui, était un des nombreux prophètes d'Allah. Même si tous les prophètes ont été éprouvés, lui encore plus. C'était un homme qui adorait et remerciait Allah, jamais le diable n'a réussit à l'égarer.

Allah l'éprouva dans ses biens, il n'avait plus de maison. Rien. Puis il a été éprouvé avec sa famille, ses enfants ont tous perdus la vie. Seul sa femme est restée avec lui, il ne lui restait plus que sa santé. Il la perdit aussi. A tel point que plus personne ne voulait l'approcher.

Mais après tout cela, il n'a jamais cessé de remercier et prier Allah. Il était toujours reconnaissant et ne se plaignait pas de ce qu'il subissait. Son épreuve dura longtemps. Jusqu'au jour où Allah lui rend ses biens, sa famille et sa santé en double. Combien d'entre nous aurait supporté cela ? Combien d'entre nous aurait patienté comme il l'a fait ? Combien ?

Juste une petite blessure ou une petite fièvre et c'est la fin du monde ! On reste allongé dans son lit et on ne bouge plus. Sachez patientez mes frères et sœurs, l'épreuve ne dure qu'un temps mais la récompense est éternelle.

Le rappel, cette histoire, m'est rentré en plein cœur. La patience est une vertu mais peu le comprenne. Et j'ai bien l'impression que ces prochains jours avec Shehab et Ahlam, on devra patienter. Énormément patienter.

La Belle et le DjîhādîsteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant