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- Emin... Emin... réveille toi. Entendis-je.

J'ouvre lentement les yeux puis me lève doucement. Mon dos me fait horriblement mal.

- T'as de la visite. Me dit-on.

Je me lève alors. Je suis les gardiens jusqu'à un bureau. Ils me demandent de m'asseoir en face d'une personne. Ils sortent aussi.

- As-salamu aleykum Emin, je suis ton psychologue. Me dit l'homme.

- Wa aleykum el salam, pourquoi j'aurais besoin d'un psychologue ? Lui demandais-je.

- Les policiers ont dit qu'ils t'ont entendu parler seul hier soir. Me dit-il. Ils m'ont contactés et ils ont bien fait. Je sais que ce que tu traverses est dure et c'est à ce moment qu'on a besoin de plus de soutien.

- Je n'ai besoin du soutien de personne. Dis-je fermement. Le soutien d'Allah me suffit.

- D'accord, tu as raison. Je voudrais que tu me parles de ta femme, comment elle était, comment tu t'entendais avec elle, ce que tu ressens quand tu penses à elle... Me dit-il.

Je baisse alors la tête.

- Elle était belle. Très belle... je me perdais dans ses yeux quand je la regardais, avant même qu'on ne se marie. Elle était gentille avec tout le monde, elle ne voulait de mal pour personne. Même quand j'étais avec Daesh, elle est restée avec moi. Elle m'avait même suppliée de ne pas partir à Paris. Dis-je avec la voix brisée.

Je reste à fixer le sol.

- Je l'aimais. C'était seulement ça. Je l'aimais alors j'ai risquée ma vie pour elle. Mais des fois, je me demande... où est-ce que ça n'a pas marché ? Où est-ce que j'ai fauté ? Si elle voyait ma situation, elle m'aurait dit de me lever et de patienter. De patienter face à l'épreuve. Dis-je en souriant tristement. Je ne peux décrire à personne comment on s'aimait. C'est quelque chose qui ne s'explique pas. Voilà quatre ans maintenant qu'elle est sous terre, quatre ans que je suis toujours amoureux d'elle, que je l'aime toujours autant, quatre ans que je me dis que je ne peux pas regarder les yeux d'une autre femme qu'elle.

Je me mets à parler, parler, parler sans m'arrêter. J'en parle les larmes aux yeux, ça me fait du bien parce que je me rappelle d'elle. Syhem m'a réellement ensorcelée, je n'ai jamais cru pouvoir aimer une personne comme ça. J'ai bâtis ma nouvelle vie à travers elle, c'est pour ça que je suis perdu.

On m'emmène dans ma cellule, ce soir, je passe au tribunal devant un juge musulman. Je vais me faire juger pour mes actes passés. Suhayl et Mina vont sûrement venir.

SUHAYL

- Tonton Suhayl, on veut voir baba... Me disent les enfants.

- Vous allez voir baba mais pour l'instant, vous allez partir chez le cheikh, d'accord ? Leur dis-je.

- Oh oui ! Il nous donne toujours des bonbons ! Mais on va voir baba quand ? Me demandent-ils.

- Bientôt. Dis-je.

Je les prends par la main et emmène les enfants à la mosquée. L'imam les aime beaucoup et ils sont plutôt sage, donc ils ne causent jamais d'ennuis. Je les dépose puis je pars direction le tribunal.

- Mina, passe par là-bas. C'est l'entrée des femmes. La prévenais-je.

Elle hoche la tête puis s'en va. On arrive au tribunal, je me mets dans le rang des hommes et celui des femmes est juste en face du nôtre.

- Qu'on amène l'accusé à la barre. Dit le juge.

Des policiers amènent Emin tout devant.

- Je commence cette audience au nom d'Allah, le Tout-Miséricordieux, le Très-miséricordieux et par les salutations au Prophète Muhammad que la paix et la salut d'Allah soit sur lui. Dit-il. Emin Şahin, ici présent, est accusé d'avoir fait partie de la secte khawarij de Daesh et d'avoir participé à de nombreuses attaques terroristes et kamikazes. Dis-je vrai ?

- Vous dites vrai, monsieur le juge. Lui répond Emin, la tête baissée.

- Vous avez assurés vous être repentis, avez-vous des témoins ? Lui demande-t-il.

Emin répond positivement et nous désigne, moi et Mina. Nous confirmons alors son repentir. Sauf que deux témoins ne suffisent pas... un silence se fait dans la salle, les juges se parlent entre eux et demandent conseil à l'imam à côté d'eux.

- Conformément à la parole du messager d'Allah : "Celui qui se repent d'un péché est comme celui qui n'a pas de péché." Nous réduisons la peine de trois ans en six mois sous suivis religieux. Lui disent-ils.

On soupire de soulagement. Les six mois vont passer vite si Allah le veut. Mais ils nous demandent d'attendre et emmènent quelqu'un derrière les barreaux. Les policiers cachent son visage pour le moment.

- Nous ferons le jugement d'une seconde personne en lien avec monsieur Şahin. Disent les juges.

J'espère que ce n'est pas la personne à laquelle je pense...

- Enlevez lui le masque. Disent les juges.

Je ne le lâche pas du regard jusqu'à que les policiers dévoilent complétement son visage. Je tourne ma tête vers Mina, elle a sa main sur sa bouche. Moi, je baisse la tête, les mains tremblantes.

- Shehab Assad, ici présent, est accusé d'appartenir à Daesh, d'avoir violé une femme, de l'avoir suivis jusqu'au Royaume d'Arabie Saoudite, de l'avoir harcelée et menacée, d'avoir explosé sa maison à Istanbul ce qui a été la cause du séjour de son mari à l'hôpital. Et... disent-ils. Et du meurtre de Syhem Mubarak. Avez-vous votre mot à dire ?

Je ne vois pas comment est Emin mais moi, j'ai la rage. J'ai envie de descendre et de le tuer de mes propres mains.

- Oui. Moi et Syhem étions mariés, donc il n'y a pas eu de viols. Nous n'avons jamais divorcés, j'avais encore des droits sur elle mais en se mariant avec Emin, elle avait non seulement deux maris mais elle pratiquait l'adultère. Dit-il.

Les murmures reprennent dans la salle.

- Était-elle consentante au moment des faits ? Lui demande le juge.

- Oui. Répond-il.

- C'EST FAUX ! C'EST FAUX IL MENT ! Crie Emin.

- Un peu de silence. Dit le juge. Êtes-vous sûr de ce que vous dites, monsieur Şahin ?

- Oui, sûr et certains. J'ai été témoin de beaucoup de choses dont les violences faites par Shehab sur Syhem. Syhem s'est enfuit jusqu'ici, ce n'est pas pour rien. D'autant plus que je voudrais rajouter que le jour de notre arrivé, un de ses hommes allait s'exploser dans l'avion. Lui dit Emin.

Je souris, fier de mon beau-frère. Les juges se parlent entre eux et avec l'imam. Puis ils finissent par se tourner vers nous.

- Conformément à la charia, votre peine sera une exécution publique s'il n'y a pas de repentir public. Lui dit le juge.

Les policiers le menottent et commencent à marcher avec lui mais il se retourne et crie.

- JE NE ME REPENTIRAI JAMAIS DE ÇA ! CES DEUX MAINS ONT TUES SYHEM ET SI C'ETAIT A REFAIRE, JE LE FERAIS ! Crie-t-il.

J'allais me lever mais je vois Emin courir vers lui et sauter sur lui. Il crie tout en le frappant.

- TU AS TUÉ MA FEMME ! TU M'AS TOUT PRIS ! JE VAIS TE LE FAIRE PAYER SHEHAB ! JE VAIS TE LE FAIRE PAYER ! Crie-t-il.

Emin était hors de lui et bien-sûr, j'avais l'interdiction de descendre. Les policiers tentent de le calmer puis le sortent de là, une fois que le calme venue. Tout le monde s'en va et chacun rentre chez soi.

La Belle et le DjîhādîsteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant